Ce qui se passe actuellement (avril 2004) dans les rizières du Sourou, au Nord-Ouest du Burkina Faso, est très significatif. Pour avoir un faible bénéfice, ils doivent vendre leur riz paddy (le riz non-décortiqué) au prix minimum de 100 F CFA (soit 0,15 euros). Or à ce prix là, ils ne trouvent plus d'acheteur. En effet, avec la baisse du dollar, les commerçants préfèrent s'approvisionner sur le marché mondial. Le prix de vente au détail pour les consommateurs n'a guère baissé, mais leur marge bénéficiaire a augmenté. Les commerçants burkinabè proposent aux producteurs de riz du Burkina Faso de leur acheter leur riz paddy à 85 F CFA. Aussi, partout dans les rizières du Burkina (et dans toute l'Afrique de l'Ouest) la situation se détériore, et la misère s'installe. Il est étonnant que les producteurs de riz ne soient pas plus mobilisé pour défendre le fruit de leur travail. La dernière récolte n'ayant pas été vendue, les producteurs n'ont pas pu payer les intrants (engrais, pesticides...) et la future récolte est compromise. Il est très étonnant également, qu'à l'Assemblée Nationale, les députés du Sourou, de Bama, de Banzon, de Bagré... (où se trouvent les principales rizières du Burkina Faso) ne font pas davantage entendre leur voix. Comme si la situation de misère qui frappent leurs électeurs ne les concernaient pas ! Combien de temps devrons-nous encore attendre pour qu'un véritable débat s'engage à l'Assemblée Nationale sur la politique agricole du gouvernement et de l'UEMOA ? Le plus étonnant, c'est que l'Etat Burkinabè a dépensé des milliards de F CFA pour aménager la vallée du Sourou, et que les travaux continuent grâce à un prêt du Fonds Saoudien de Développement. C'est à dire que l'Etat Burkinabè s'endette pour offrir de nouvelles parcelles à de nouveaux paysans qui viendront s'endetter à leur tour. A Bagré aussi les travaux continuent... Jusqu'à quand cette situation absurde va-t-elle se poursuivre ? Pourtant une alternative existe : celle que propose les paysans du Burkina Faso et du mouvement mondial Via Campesina : la souveraineté alimentaire. Pour le Burkina (et donc pour l'UEMOA) il s'agirait de fixer un prix plancher pour le kilo de riz paddy. Par exemple : 120 F CFA ou 125 F CFA. A partir de là, on peut en déduire un prix plancher pour le riz décortiqué, et taxer les importations de riz en conséquences. La taxe d'importation varierait donc en fonction du prix du riz sur le marché mondial. Elle pourrait revenir à 10 % (le cours actuel) quand les cours du marché mondial seront revenus à un niveau supportable par les producteurs de riz burkinabè. Sans cela, le Burkina Faso risque de voir disparaître tous ses producteurs de riz. Bientôt, ses rizières seront en friche... Et quand le riz va manquer sur le marché mondial, le Burkina se sera rendu incapable de produire du riz, et cette fois-ci, ce sont les populations urbaines qui feront les frais de la politique actuelle du laisser-faire : une politique à courte vue. Ainsi, l'absurdité actuelle de la situation de la filière riz impose d'elle-même le choix de la souveraineté alimentaire. Maurice Oudet |