L'agriculture est-elle le problème ou la solution ?
Il y a huit jours, je publiais la première lettre de la série « Tout est lié », en lien avec la COP21. Deux jours après je recevais un communiqué de presse de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture) ayant pour titre « La FAO recommande de s’attaquer de pair à la faim et au changement climatique ». Dans ce communiqué M. Graziano da Silva, Directeur général de la FAO, a noté que nombre de problèmes – changement climatique, pénuries d'eau, pénuries d'énergie, santé mondiale, autonomisation des femmes et sécurité alimentaire – sont intimement liés. Il aurait pu prolonger cette liste : alimentation, faim, pauvreté, migration et agriculture.
Mais la question reste entière : l'agriculture fait-elle partie du problème ou de la solution ?
Tout est lié ! Mais il est important de bien distinguer les différents éléments, pour bien les situer les uns par rapports aux autres.
Un excellent article de l'ONG Grain, peut nous y aider. Il situe bien l'agriculture. Il s'intitule :
Alimentation et changement climatique : le lien oublié. Dans cet article, nous lisons : « La plupart des études considèrent que la part des émissions agricoles, c’est-à-dire les émissions produites sur le terrain, se situe entre 11 et 15 % du total des émissions. Ce qui n’est pas souvent dit toutefois, c’est que la plupart de ces émissions proviennent des pratiques de l’agriculture industrielle, fondées sur l’usage des engrais chimiques (azotés) et d’équipement lourd marchant au pétrole, et des élevages industriels concentrés qui rejettent d’énormes quantités de méthane.
L'équation alimentation/climat plonge ses racines dans la terre. Le développement de pratiques agricoles non durables au cours du siècle dernier a conduit à la destruction de 30 à 75 % de la matière organique sur les terres arables, et 50 % de la matière organique sur les pâturages et les prairies. Cette perte massive de matière organique est responsable de 25 à 40 % de l'excédent actuel de CO2 dans l'atmosphère de la terre. (Via Campesina).
L'agriculture industrielle, chimique, la révolution verte font donc clairement partie du problème.
Mais la bonne nouvelle est que le CO2 que nous avons envoyé dans l'atmosphère peut être remis dans le sol, tout simplement en rétablissant les pratiques que les petits agriculteurs mettent en œuvre depuis des générations. Si des politiques et des mesures incitatives adaptées étaient mises en place dans le monde entier, les teneurs en matière organique des sols pourraient être rétablies aux niveaux de l'agriculture préindustrielle dans un délai de 50 ans, soit à peu près le temps que l'agriculture industrielle a pris pour les réduire. Cela permettrait d'éliminer entre 24 et 30 % du total des émissions mondiales actuelles de gaz à effet de serre. (Citation d'un article de Via Campesina : Souveraineté alimentaire : 5 étapes pour refroidir la planète et nourrir sa population).
La bonne nouvelle, c'est donc que l'agriculture peut donc faire partie de la solution !
A nous de choisir ! C'est exactement ce que nous dit Hans Herren dans une interview publiée dans le numéro 126 de « défis sud » de « SOS Faim ».
« Puisque l'agriculture est responsable de près de la moitié des émissions de gaz à effets de serre, pourquoi ne pas l'utiliser comme solution au problème ? On pourrait très bien réduire la masse de carbone qui est dans l'air pour la remettre dans le sol. Cette agriculture biologique, dite régénérative, pourrait non seulement restaurer la fertilité des sols, freiner le changement climatique en absorbant les émissions dues à l'agriculture mais, plus encore, en absorbant une fois et demie la quantité émise par le reste.... en augmentant la quantité de carbone dans le sol, on augmente la rétention de l'eau, la fertilité, la régulation de la température. »
Pourquoi cette logique plusieurs fois démontré scientifiquement n'est-elle pas reconnue comme la priorité numéro 1 ? Pourquoi a-t-elle peu de chance d'être reconnue par la COP21 ? Demandez entre autres, aux responsables de la firme Monsanto ?
Dans le monde, près de 650 000 tonnes de produits à base de glyphosate ont été utilisés en 2011. Ce qui permet d'ensemencer 15 millions d'hectares de semence « ready roundup » (une semence qui résiste au glyphosate, au roudup). Et son utilisation ne cesse d'augmenter. Un analyste de l'industrie prédit que l'utilisation de glyphosate mondiale pourrait doubler d'ici à 2017. Qui peut penser que cela ne détruit pas notre planète, notre "maison commune" ?
Mais je ne doute pas un seul instant que Monsanto a envoyé, directement ou indirectement, plus d'experts à la COP 21 que le Mali, le Burkina Faso et le Niger réunis !
Je termine avec la conclusion du numéro 126 de « défi sud »de Philippe Baret. :
« L'agriculture industrielle porte une lourde responsabilité dans le dérèglement du climat... Dans ce contexte nouveau, les agricultures paysannes ont retrouvé toute leur pertinence. En effet, elles intègrent depuis toujours des principes de résilience pour faire face aux perturbations... Ces agricultures paysannes, majoritaires au Sud, sont vues comme les premières victimes des changements climatiques. Ce statut de victimes ne doit cependant pas cacher leur potentiel comme sources d'innovations techniques, sociales et organisationnelles permettant de répondre aux défis de notre siècle. Soutenir l'agriculture paysanne, c'est investir dans des solutions réalistes et cohérentes pour le climat et les équilibres planétaires. »
Il est temps de choisir. Et d'être cohérent, notamment quand on parle de la nécessité d'investir dans l'agriculture. Ce sera le sujet d'une prochaine lettre.
Koudougou, le 5 décembre 2015
Maurice Oudet
Président du SEDELAN
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