Quelques enseignements de la dernière campagne agricole (2011).
Lundi dernier, le 17 octobre 2011, j'étais à Koubri. Là, j'ai rencontré une trentaine de paysans, pour réfléchir sur la dernière campagne agricole, et pour chercher ensemble des solutions pour dépendre moins de la pluviométrie. Les paysans se plaignaient que leur maïs n'avait pas réussi à cause du manque de pluies. Mais à la pause, l'un d'entre eux m'a dit que, lui, il ne se plaignait pas : son maïs avait très bien donné !
Après la pause, nous avons donc essayé de comprendre pourquoi son maïs avait bien donné, alors que tous les autres n'avaient rien récolté ! Je pensais qu'il avait semé avant les autres, mais non ! Tous avaient semé le 20 juillet. Mais alors, d'où sont venus ces résultats contradictoires. Avait-il bénéficié de « semences améliorées ». Non, il avait semé les même semences paysannes que les autres. Pourquoi la chance lui a-t-elle sourit, à lui, mais pas aux autres ?
Non, il ne s'agit pas de chance, mais de travail. Il avait fabriqué et déversé sur son champ 60 charretées de fumure organique, de bon compost. La terre bien nourrie, le sol reconstitué avait pu retenir l'eau et nourrir ses semences. Et ses plants de maïs avaient pu traverser sans mal les petites périodes de sécheresse qui avaient tant fait souffrir les autres champs de maïs. Il est clair qu'un sol fertile retient mieux l'eau qu'un sol fatigué ! Et qu'ensuite il est capable de nourrir les semences qu'on lui offre !
Trois jours plus tard, à Koudougou, nous avons eu la visite d'un agronome, ancien député de Nouna. Lui aussi se plaignait de la mauvaise pluviométrie de la dernière campagne agricole. Il était surtout inquiet pour les paysans de la région qui avaient bénéficié d'un appui de la FAO et reçu des « semences améliorées » de maïs. La plupart de ces paysans n'avaient même pas récoltés un épi de maïs de qualité. Tout a brûlé ! Tout a séché ! Or pour bénéficier de ces « semences améliorées » ils ont dû payer 1 000 F et s'engager à rendre la même quantité de maïs (prise sur leur récolte) que ceux qu'ils ont reçu comme semences. A titre d'exemple, ceux qui ont reçu un sac de 100 kg de semences de maïs, doivent restituer un sac de 100 kg pris sur leur récolte. Mais si la récolte est nulle... Que faire ?
Ici encore, il y a lieu de s'interroger ! Pour un expert de la FAO, une semence améliorée, c'est souvent une semence qui est capable d'offrir un meilleur rendement que les semences traditionnelles des paysans. Mais on oublie que les semences des paysans sont également des « semences améliorées ». Mais le critère des paysans, ce n'est pas seulement le rendement. Une bonne semence, pour un paysan, c'est avant tout une semence adaptée à ses champs (à la qualité du sol de ses champs, qui parfois sont fatigués) et la pluviométrie instable de sa région. S'est-on demandé pourquoi ces paysans qui ont reçu ces semences améliorées de maïs ont aussi semé du sorgho, et du petit mil ? Le rendement du petit mil est toujours faible, mais il n'est presque jamais nul ! Le petit mil s'adapte à une mauvaise pluviométrie, ce que le maïs ne sait pas faire !
Avant de distribuer ces semences améliorées, a-t-on suffisamment averti les paysans sur les besoins de ces nouvelles semences ? Pour qu'une telle semence donne ce qu'elle est capable d'offrir, il faut lui offrir ce dont elle a besoin. Or, le plus souvent, ces fameuses semences améliorées sont beaucoup plus exigeantes. Il leur faut un bon sol, bien nourri et capable de retenir l'eau. Là encore, il n'y a pas de miracle ! L'agriculture est un système ! Il ne suffit pas de changer un élément (ici la semence) pour obtenir de meilleurs rendements. A ce sujet, lire notre lettre du 16 juin 2009 : « Du bon usage des semences améliorées ! »
Comme je l'écrivais précédemment, les paysans ont droit à plus de respect.
Koudougou, le 21 octobre 2011
Maurice Oudet
Président du SEDELAN