Le sommet des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), le 20 septembre dernier, a été l’occasion de se rendre compte que les progrès attendus ne sont pas encore au rendez-vous. Au Burkina, par exemple, si l'accès à l'eau potable a enregistré quelques progrès, le recul de la pauvreté en milieu rural ne se fait guère sentir. Et cela malgré le « Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté » (CSLP). Quand on lit le programme laitier du gouvernement burkinabè à la lumière du récent rapport (du 30 septembre 2010) de la FAO : « La production laitière familiale, une clé pour sortir de la pauvreté », on se dit que le gouvernement burkinabè n’a pas trouvé cette clé. Le nouveau programme laitier du Burkina pourrait plutôt s’intituler, ou avoir pour sous-titre : « Une clé pour enrichir les riches »
Selon l'étude de la FAO « Situation et perspectives pour la production laitière familiale », « on estime qu'environ 150 millions de ménages agricoles (soit quelque 750 millions de personnes) sont impliqués dans la production laitière, essentiellement dans les pays en développement. A l'échelle mondiale, la taille moyenne d'un troupeau laitier est d'environ deux vaches donnant un rendement moyen journalier de 11 litres de lait par exploitation. »
« Le monde entier compte environ six milliards de consommateurs de lait et de produits laitiers, dont la majorité sont dans les pays en développement. »
« Dans tous les pays faisant l'objet de l'étude FAO/IFCN, les petits producteurs laitiers ont des coûts de production très compétitifs, ce qui veut dire que s'ils sont organisés, ils ont le potentiel pour rivaliser avec les grands systèmes de production 'high-tech' à forte intensité de capital. A quelques exceptions près, les petits exploitants ont des revenus relativement élevés par litre de lait. Ils ont aussi une résistance comparativement élevée face à la hausse des prix du fourrage car ils recourent en général peu aux achats d'aliments pour animaux. »
« La demande croissante pour les produits laitiers dans les pays en développement, stimulée par la croissance démographique et la hausse des revenus, offre d'importants débouchés pour les petits exploitants, selon le rapport FAO/IFCN. Ceux-ci pourraient également tirer profit de l'augmentation escomptée des cours mondiaux des produits laitiers. »
De meilleures pratiques de gestion, l'agrandissement des troupeaux laitiers et l'amélioration de rendements pourraient accroître la productivité de la main-d'œuvre, actuellement plutôt faible. « L'essor du secteur laitier peut par conséquent s'avérer un outil puissant de réduction de la pauvreté", affirme le rapport. »
Le rapport indique ensuite les difficultés des petits producteurs pour faire face à la demande croissante en lait et produits laitiers. Par exemple : des troupeaux trop petits, de faibles rendements laitiers, un accès difficile au aux services de soutien, comme les conseils en matière de production et de commercialisation. Et de plus un environnement international défavorable : « Dans les pays développés, les interventions massives des gouvernements de l'OCDE (soutien des prix, quotas de lait, versements directs, programmes d'appui aux investissements, subventions à l'exportation) créent un avantage compétitif en pénalisant les producteurs laitiers des pays en développement, fait remarquer le rapport. »
« Les petits exploitants subissent également les effets de la libéralisation du commerce qui les expose de plus en plus à la compétition des grands groupes laitiers capables de réagir plus rapidement à l'évolution du marché. »
Pour les rédacteurs du rapport cela n’entraîne pas que les petits producteurs sont disqualifiés pour répondre à la demande croissante en produits laitiers. La tonalité du rapport est très claire. La demande croissante en produits laitiers est une opportunité formidable pour faire reculer la pauvreté. Il suffit de faire le choix d’accompagner les petits éleveurs pour leur permettre de produire davantage de lait et produits laitiers ; de lait de qualité et de produits laitiers de qualité.
Au Burkina, comme ailleurs, ils en sont capables. Ils ont commencé à s’intéresser fortement à la filière lait. Aussi, quand ils apprennent que le Gouvernement burkinabè a préparé un vaste programme laitier, avec des investissements de 89 milliards de FCFA, ils ne comprennent pas pourquoi ils ont été écartés de ce programme au profit de nouveaux acteurs plus riches. Comment un programme du Ministère des Ressources Animales peut-il envisager d’arracher aux femmes qui pratiquent l'élevage traditionnel, ce qui les fait vivre, elles et leurs familles : le prix de la vente du lait ! ?
«En ce qui concerne le cas particulier du lait, produit traditionnellement par les femmes, le développement de la filière par l’exécution du programme pourrait les priver d’une source de revenus habituels. » (citation tirée du programme laitier du Burkina)
Comme nous l’avons déjà écrit, nous pensons en effet, que le programme, tel qu'il est conçu, aura pour effet de priver les femmes de ce qui les faisaient vivre, elles et leur famille : le revenu de la vente du lait. Elles seront marginalisées ainsi que leurs familles et condamnées, non pas à la pauvreté, mais à la misère. La paix sociale ne sera plus garantie. Exactement le contraire de ce qu’envisage le rapport de la FAO.
Peut-on encore espérer que le gouvernement, à la lecture du rapport de la FAO, corrige son programme laitier en faveur des petits producteurs de lait et de leur entreprise familiale ? Nous l'espérons.
Koudougou, le 2 octobre 2010
Maurice Oudet
Président du SEDELAN