Il y a longtemps que je ne vous ai pas invité à visiter une boutique d’alimentation générale. Aussi, aujourd’hui, nous allons visiter la boutique de Madame Kaboré. Une boutique de quartier, à l’ouest de Koudougou, la 3ème ville du Burkina. Entrons ! Une surprise nous y attend !
La boutique peut passer inaperçue. Elle ne paye pas de mine. Et pourtant, si vous prenez le temps de vous attarder sur les rayons et de lire les étiquettes, vous serez surpris. En moins d’une heure, sur quelques m², nous allons faire un véritable tour du monde !
Sur cette première photo, (à droite), que voyons-nous ? Des sardines en provenance du Maroc, de la confiture de France (fraise et abricot), de la confiture du Burkina (mangue, ananas et goyave), du riz thaïlandais (de qualité, à 800 F le kg), et du couscous de Tunisie ! Nous venons déjà de «visiter» 5 pays de 3 continents.
Sur cette autre photo, (à gauche), à côté des pâtes en provenance du Ghana, nous apercevons (partiellement) des paquets de sucre de canne du Burkina. Et aussi des pâtes de la Côte d’Ivoire et du Togo. En dessous, des boites de concentré de tomate. Toutes ces boites sont de marques italiennes, mais toutes sont remplies de concentré de tomate chinois ! Ce concentré, parfois, est mis en boite en Italie (la société italienne important des conteneurs entièrement remplis de fût de 200 litres de concentré chinois), parfois, il est mis en boite en Chine, la société italienne ayant préféré délocaliser au moins une partie de ses usines.
Sur la photo, (ci-dessus, à droite), à côté de sachets de sel dont la provenance n’est pas notée), nous voyons différents vinaigres burkinabè et une bouteille de vinaigre d’alcool coloré importé de France. Plus bas, à l’extrême gauche, des sachets de lait en poudre « bonnet rouge », une marque hollandaise. Puis de l’huile de palme d’Abidjan, de l’huile de coton « huile Savor » de la SNCITEC (filiale de la société cotonnière SOFITEX ). Sur ces bidons d’huile « Savor », on devrait pouvoir lire l’an prochain « garanti 80 % OGM (voir abc Burkina précédent) . Enfin à nouveau de l’huile de palme de Côte d’Ivoire, et enfin de l’huile d’olive importée de France.
Sur cette photo (à gauche), tout en haut, nous trouvons différents sachets de lait en poudre. A gauche, sans marque extérieure, il s’agit de poudre de lait (dont parfois la « crème » à été remplacée par une graisse végétale) provenant de sacs, dits « industriels » de 25 kg, reconditionnée par le propriétaire de la boutique. Ces sacs de 25 kg sont taxés à l’importation à seulement 5 %. Ensuite, nous pouvons voir le fameux lait en poudre Nido (de la multinationale Nestlé et du lait en poudre de marque « Viva lait » (Candia, France).En dessous, nous trouvons respectivement du pâté en provenance du Danemark, différents pâté de poulet importés des Etats-Unis, de France et du Danemark. Ensuite des sardines et des maquereaux à la sauce tomate en provenance de Thaïland, puis des maquereaux et du thon venant du Ghana. Plus bas, nous avons la margarine de Hollande et du Ghana, la mayonnaise de Hollande, des Etats-Unis et de France, la moutarde de France et de Hollande.
Enfin, sur la photo de droite (ci-dessus), nous trouvons du Thé de Sri Lanka, des chips chinoises, du chocolat d’Abidjan et de Turquie, des biscuits des Emirats Arabes Unis, de l’Inde, de Malaisie, de Malaisie, de France et de Turquie. Aucun biscuits burkinabè, même pas à base de maïs !
En visitant la galerie photo « Alimentation et Mondialisation » (en construction) vous trouverez encore des champignons de Chine (mis en boite au Liberia), des saucisses du Brésil, des maquereaux du Chili, des alcools de Belgique, d’Allemagne, de France et de l’Inde.…
Que dire après cette brève visite ? Le plus évident : les effets de la mondialisation sont bien là : dans cette boutique de quartier, nous avons vu des produits en provenance de 22 pays (Asie, 7 pays ; Europe, 6 pays ; Afrique 6 pays, dont 4 de l’Afrique de l’Ouest ; Amérique, 3 pays).
Mais aussi quelques interrogations. 7 produits burkinabè, c’est mieux qu’il y a quelques années où je n’ai trouvé aucun produit togolais à Lomé et aucun produit Béninois à Cotonou en visitant quelques boutiques d’alimentation générale. Mais pourquoi ne trouve-t-on pas de riz burkinabè alors que le riz étuvé du Sourou (que nous consommons personnellement depuis plusieurs années) est aussi bon que le riz thaïlandais proposé et beaucoup moins chers (400 F le kg pour le riz burkinabè contre 800 F pour le riz thaïlandais).
Le gouvernement burkinabè a annoncé une usine de transformation de tomate. Très bien. Mais il faut annoncer également des mesures d’accompagnement. Par exemple : le concentré de tomate devrait être taxé à l’importation à 35 % ! (ce qui correspond à la nouvelle bande tarifaire ( du Tarif Extérieur Commun - TEC - qui définit les droits de douanes de l'Afrique de l'Ouest) , annoncée il y a bientôt un an, mais dont on ne connaît ni les produits retenus pour cette bande tarifaire, ni l’état des négociations. Sinon, cette nouvelle usine de transformation risque bien de faire faillite rapidement, comme Savana en son temps.
Les consommateurs et les paysans devraient s’unir pour réclamer une véritable politique agricole et alimentaire. Seul moyen de se garantir des produits de mauvaise qualité et de pouvoir développer fortement la transformation de nos produits locaux.
Koudougou, le 27 mai 2010
Maurice Oudet
Président du SEDELAN
Photos : Andreas Göpfert
du SEDELAN