Pensez-vous que vos enfants cultiveront les mêmes terres que vous ?


Il y a quelques années, je me trouvais à Boni (au Burkina Faso, entre Ouagadougou et Bobo-Dioulasso), en pleine zone cotonnière. Au cours d’une réunion avec une dizaine de producteurs de coton, l’un d’entre eux m’a posé la question : « que veut dire ‘développement durable’ ?» J’ai répondu en posant une autre question ! « Pensez-vous que vos enfants cultiverons les mêmes terres que vous ? »Un silence pesant a suivi.

Du coton, pourquoi pas ? Mais du coton bio ou conventionnel, avec les bonnes rotations !Le Mucuna peut trouver sa place dans une bonne rotation

Puis, l’un d’entre eux a répondu : « La première fois que nous avons cultiver du coton, nous n’avons rien mis : ni engrais organique, ni engrais chimique. Nous avons récolté 3 tonnes à l’hectare. Puis chaque année, le rendement a baissé. Quand le rendement dépassait à peine une tonne à l’hectare, « on nous a dit » de mettre de l’engrais chimique. On nous a même donné cet engrais à crédit. Nous n’avons pas retrouvé les 3 tonnes initiales, mais nous avons dépassé les deux tonnes à l’hectare. Mais les rendements ont baissé à nouveau, jusqu’à atteindre 1 200 kg à l’hectare. C’est alors qu’en plus de l’engrais chimique, « on nous a dit » d’ajouter de la fumure organique, et donc de faire des fosses à compost. C’est ce que nous faisons depuis deux ans. Aujourd’hui donc, avec le compost et l’engrais chimique nous récoltons deux tonnes de coton à l’hectare. Mais, qu’est-ce qu’on va nous dire la prochaine fois ?

La question s’adressait aux responsables de la SOFITEX (Société burkinabè des fibres textiles) qui commercialise le coton dans tout le sud-ouest du Burkina, et qui a fait le choix du coton OGM de Monsanto, le Bollgard I, appelé aussi coton Bt, celui qui n’a pas tenu ses promesses en Inde et dont la bactérie (ce fameux Bt) tue également les microorganismes présents dans le sol, ces microorganismes indispensables pour la fertilité du sol (lire le précédent abc Burkina).

Pensons à nos enfants ! Gardons bonne la terre !C'est la terre qui nous nourrit ! N'oublions pas de la nourrir !Aujourd’hui, jeudi 22 avril 2010, journée mondiale de la terre, je me rappelle ce que de nombreux paysans m’ont dit au cours de différents échanges : « Notre bien le plus précieux, c’est la terre. Sans la terre, nous ne sommes rien. » Ce qui veut également dire : « Avec une terre morte, nous ne sommes rien. »

Alors n’attendons pas les conseils de la Sofitex pour faire nos choix. Nous avons reçu de bonnes terres de nos ancêtres, nous devons transmettre de bonnes terres à nos enfants. Respectons notre Mère, la Terre. Ne la violentons pas avec des plantes (ou des herbicides, tel que le Roundup de Monsanto) qui tuent les organismes vivant dans le sol (coton Bt), et qui à la longue vont tuer notre mère. Respectons-là, nourrissons-là, et elle nous nourrira.

Donnons-lui du bon compost, faisons les bonnes rotations, en saison sèche protégeons-la du soleil (paillage), donnons-lui à boire avec des cordons pierreux qui retiendront l’eau pour qu’elle ait le temps de pénétrer le sol… Alors, oui, nos enfants pourront cultiver les mêmes terres que nous !

Koudougou, le 22 avril 2010
Journée Mondiale de la Terre
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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