5ème Foire commerciale de la CEDEAO : pour le renforcement du commerce régional
Du 7 au 15 mars, Ouagadougou a accueilli la 5ème Foire commerciale de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dont le thème était la « Consolidation du commerce intracommunautaire à travers les technologies de l'information et de la communication ». En me rendant à cette foire, j’espérais trouver une réponse à cette question : « L’intégration régionale est-elle en marche ? »
En parcourant les stands, j’ai vite oublié ma première préoccupation. J’ai été impressionné par la multitude de produits alimentaires de qualité qui étaient exposés. L’offre en boissons s’est diversifiée. De nombreux stands faisaient la promotion « de produits locaux », sans préciser de quel pays de la CEDEAO ces produits venaient.
A la fin de cette visite, il était difficile de ne pas partager le point de vue du président de la Confédération Paysanne du Faso (CPF) « Face au potentiel agro-sylvo-pastoral que les producteurs ont montré pendant la foire, il est possible de développer un commerce intracommunautaire et de nourrir la région. La CPF, tout comme le ROPPA, reste opposée à la signature d’un Accord de Partenariat Economique (APE) entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union Européenne en l'état. Ils attendent de s'imprégner de la nouvelle feuille de route pour s'assurer que le projet d'accord intègre la dimension développement et commerce. En tous les cas, selon le président de la CPF, la seule alternative pour résister à l'invasion annoncée des produits étrangers à la zone CEDEAO est de "consommer ce que nous produisons". »(Le pays du 18 mars 2008).
Oui, avec cette foire, les producteurs agricoles et les transformateurs de l’Afrique de l’Ouest ont prouvé qu’ils étaient capables de remplacer progressivement les produits alimentaires importés par des produits locaux (au sens de produits fabriqués à l’intérieur de la CEDEAO), avec une mention spéciale pour les jus de fruits et les boissons . Reste qu’ils ont besoin d’un environnement national, régional et international sain. Et nous comprenons la méfiance du président de la CPF face à la signature d’un APE sans connaître le contenu de cet accord, sans savoir si les produits agricoles et alimentaires de la région seront suffisamment protégés. C’est pourquoi, à cette occasion la société civile burkinabè a demandé « une protection appropriée des produits sensibles ou stratégiques agricoles et industriels favorisant l’intégration régionale des marchés, la réduction de la pauvreté et la souveraineté alimentaire ». Voilà pour l’environnement international.
Au niveau régional, nous partageons la prise de position de M. Mohamed Ibn Chambas, président de la Commission de la CEDEAO : « pour diminuer le coût de la vie, il faudra développer davantage les productions internes et permettre la libre circulation des personnes et des biens ». Parmi les nombreux obstacles qui freinent l’essor du commerce entre les pays de la région, il mentionne « les coûts élevés de transport et d'énergie, l'inadéquation des services financiers ou les contrôles excessifs et perceptions illicites ». (Lettre hebdo n°202, du 10 au 16 mars 2008 de L’AFDI).
Cet aspect ne semble pas avoir été pris en compte dans les récentes dispositions prises par le gouvernement burkinabè pour lutter contre la vie chère. Réformer les douanes pour qu’elles récupèrent l’ensemble des taxes dues à l’Etat, c’est bien. Dans le même temps, il faudrait aussi veiller à faire stopper les tracasseries indues et les perceptions illicites que les douanes burkinabè continuent d’imposer aux importateurs de produits fabriqués à la CEDEAO. En accompagnant quelques membres de l’Union Nationale des Mini Laiteries du Burkina, je me suis intéressé aux emballages. Si vous voulez faire des économies, une solution est de vous tourner vers des entreprises du Ghana. A qualité égale, vous trouverez des produits beaucoup moins chers que ceux de l’unique entreprise burkinabè qui fabrique des emballages en plastique. Apparemment elle abuse de son monopole. Mais quand vous voulez vous approvisionner au Ghana, une bonne partie des bénéfices escomptés disparaissent dans ces tracasseries et perceptions illicites. Voilà une piste que le gouvernement devrait explorer pour lutter durablement contre la vie chère.
Autre réflexion qui va dans le même sens. Nous avons visité le stand de l’Union des coopératives et maraîchers du Burkina (UCOBAM). On y trouvait différentes confitures (de mangues, pastèques et de fraises). La femme responsable du stand me disait qu’une de leurs difficultés était le coût des emballages. Cette préoccupation est sûrement partagée par la grande majorité des transformateurs présents à la foire. Dommage qu’une concertation n’ait pas été organisée pour voir comment réduire ces coûts. UCOBAM commande directement ces pots vides en Italie. N’est-il pas possible de mettre en place au niveau de la CEDEAO une centrale d’achat (et pourquoi pas une usine de fabrication de pots en verre ?) afin d’obtenir des prix plus avantageux ?
L’action du gouvernement pour récupérer l’ensemble des taxes douanières qui lui sont dues semble avoir accentué le phénomène de la vie chère. Ce n’est pas une raison pour faire marche arrière. Mais peut-être est-il possible de recéder une partie de ces « nouvelles » recettes en favorisant les entreprises burkinabè. Pourquoi par exemple ne pas supprimer les taxes à l’importation des emballages qui ne sont pas encore produits sur place.
Enfin, nous nous sommes arrêtés au stand de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina (UNPCB) . Quelle n’a pas été ma surprise de voir côte à côte un petit panier de coton biologique et un grand panier de coton Bt Bollgard II (propriété de la firme Monsanto). Il y a quelques années j’ai écrit un article « Coton OGM ou coton équitable, il va falloir choisir ! ». Aujourd’hui, j’ai envie de dire « coton biologique ou coton Bt, il est temps de choisir ! » J’ai bien peur qu’à la suite du gouvernement burkinabè, l’UNPCB ait déjà choisi. Peut-être ont-ils décidé de lire le livre et de voir le film qui viennent de sortir sur la firme américaine Monsanto, propriétaire du coton Bt Bollgard avant de prendre une décision définitive ?
Nous l’espérons !
Maurice OUDET