Nous sommes 176° sur 177
Voilà, c’est dit, c’est écrit.
Nous sommes 176° sur 177 dans le classement du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) pour « l’indice de développement humain ».
Scolarisation, alphabétisation, accès à l’énergie, aux communications, routes, accès à la santé et à l’eau, espérance de vie, mortalité infantile, accès à la nourriture…ils sont nombreux les critères évidents qui font de nous les derniers, les plus pauvres, ceux qui avancent le moins vite.
On peut ressentir plein d’amertume, ou de honte à lire cela.
On peut contester les chiffres, fermer les yeux, jouer à l’autruche, ne rien regarder ni ne rien voir. Dire « Non, c’est pas vrai, il fait bon vivre au faso ! » Mais pour qui donc fait il si bon vivre au faso ?
On peut aussi se consoler en se disant qu’on avance quand même, mais sans doute moins vite que les autres, alors, c’est pour cela que dans les statistiques on paraît reculer. Nous sommes en effet passés de 0,317 en 2003 à 0,37 en 2007.
Nous sommes dans un monde qui va très vite, alors aujourd’hui, ceux qui avancent lentement -- ou ceux qui ne bougent pas -- reculent dans le classement !
Mais on peut aussi regarder la triste et dure réalité vécue au quotidien par la majorité de la population :
= Le revenu des cotonculteurs s’est effondré ces trois dernières années (le prix d’achat du coton a baissé et celui des intrants a augmenté… (Le revenu des agents de la SOFITEX, lui, n’a pas baissé : où est l’erreur ?)
= Les alphabétisés d’il y a trois ans, que connaissent ils encore aujourd’hui puisqu’on ne leur a rien fourni comme lecture ?
= Pourquoi y a-t-il eu plus de 3.000 morts (officiels) de la méningite cette année ?
= Quinze provinces (5.000.000 habitants) vont souffrir de la famine ou de la sous alimentation cette année.
= Combien de Burkinabè n’ont pas accès à l’eau potable encore ?
= L’effort souhaité de scolarisation reste plombé par des ressources insuffisantes.
= La motivation des fonctionnaires s’écroule devant la mauvaise gestion de l’Etat.
= La lutte contre la corruption ne touche que les plus petits.
= Dans une réunion récente, je viens d’apprendre que la moitié des villages du Burkina ne sont pas programmés (même à long terme) pour avoir accès à l’électricité.
= Les routes promises ne sont pas faites.
= Le long de la route Ouaga-Bobo, les infrastructures téléphoniques sont triples, alors que tant de villages attendent au moins un téléphone.
= Et que dire de l’accès à la santé : les médicaments sont trop chers, trop de soignants sont démotivés, le Burkina profond est abandonné au profit de Ouaga.
= La mortalité infantile reste très élevée, celle des mamans aussi !
= Une minorité s’enrichit, qui aurait bien du mal à justifier de leur fortune devant des services fiscaux « normaux » (mais y a-t-il quelque chose de normal au faso dans ce domaine ?)
= La femme n’arrive pas à trouver sa place dans la société d’aujourd’hui : trop souvent exclue de l’éducation, mutilée, encore distribuée en mariage, interdite de propriété de terres (qu’elle cultive), harcelée pendant les études ou quand elle reste célibataire… et pourtant c’est elle qui porte la plus grande part de l’économie du pays.
= Les gens de condition servile continuent de travailler pour rien ; les manœuvres agricoles pour 300 F par jour ; il y a aussi les petites bonnes qui rendent si agréable la vie bourgeoise en ville. (Une belle qualité de vie pour les privilégiés, mais à quel prix humain !)
= Le taux de chômage en ville -- et en campagne -- est très élevé ; les jeunes sont sous-employés (Voyez ces grands gaillards vendant des cartes de téléphone !)
Et la liste n’est pas close des « indices » de développement humain qui nous prouvent que nous n’avançons pas si vite. Et pourtant, étonnamment, notre président se félicite du taux de croissance du Burkina qui serait excellent. (Nous sommes dans le top 40 !)
Mais le taux de croissance économique brut, le PIB par habitant, cela ne dit rien de l’inégale répartition des richesses, cela ne dit rien de la pauvreté endémique, cela ne dit pas que le développement ne profite qu’à quelques uns.
Ainsi nous manquons d’une réelle politique agricole qui permette un vrai décollage économique. Nous manquons d’une bonne gestion qui ferait revenir au pays les capitaux indûment placés à l’étranger. Nous manquons d’une bonne gouvernance qui donnerait à chacun sa chance, même s’il n’appartient pas au parti majoritaire. Nous manquons d’une élite politique passionnée par le développement du pays. Nous manquons d’une justice qui ne consacre pas l’impunité. Nous manquons de leaders capables de mobiliser les énergies…
Comme le disait récemment Maitre Farama dans une expression quelque peu outrancière : « Le Burkina pue la misère de toutes parts »… et il n’y a que les privilégiés des villes, pardon, de la ville de Ouaga pour ne pas s’en apercevoir…
Mais, au fait, dans leurs calculs, les gens du PNUD ont-ils pensé à compter Ouaga 2000 ?
Père Jacques Lacour (BP 332 Koudougou)
du SEDELAN
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Publié dans la rubrique « Droit dans les yeux » du journal « Le Pays » le 8/1/2008