Le premier forum social du Burkina Faso a eu lieu du 28 au 30 mars 2007 à l’ENEP (Ecole Nationale des Enseignants du Primaire) de Loumbila (près de Ouagadougou).
Ce forum a été préparé depuis le 6 mai 2006 par une trentaine d’associations du Burkina Faso.
Pendant 3 jours, il a rassemblé 750 personnes de plus de 150 associations avec des délégations de France, du Canada, de Belgique, d'Espagne, d'Italie, de Cuba, du Bénin, du Niger, du Mali et de toutes les régions du Burkina Faso.
Après avoir travaillé dans 3 panels, 34 ateliers, 2 conférences populaires, les participants à ce forum ont retenu quelques recommandations qu’ils souhaitent transmettre à tous ceux qui se sentent interpellés par les situations d’injustice profonde engendrées par la mondialisation néo-libérale. Bien sûr, tout ne peut pas être dit ici, nous avons retenu quelques points essentiels dans lesquels les participants sauront reconnaître leurs propres mots.
Nous, participants au premier forum social du Burkina,
Nous refusons les politiques néolibérales qui ne cessent de creuser les écarts entre nations riches et nations pauvres, entre riches et pauvres dans une même nation… et dont on nous fait croire qu’elles sont le seul modèle économique possible.
Nous refusons la concentration des richesses et des pouvoirs aux mains de quelques multinationales et de quelques Etats au détriment de le majorité des populations et de l’avenir de notre planète. Cette domination exercée par une minorité sur l’ensemble est intolérable.
Nous refusons le désengagement total de l’Etat des services sociaux de base nécessaires à la cohésion sociale et à la solidarité (santé, éducation, eau, communications,…). Le droit à l’eau, en particulier dans notre pays, doit devenir un droit humain effectif et devenir l’affaire de tous.
Nous refusons les privatisations, telles qu’elles sont faites, car elles sont une spoliation des richesses nationales et un abandon du service public.
Nous refusons les accords commerciaux inéquitables tels qu’ils sont dans le TEC (Tarif douanier = Tarif Extérieur Commun) actuel et dans les APE (Accords de Partenariat Economique) tels que l’Union Européenne veut nous les imposer (et dont les populations dûment informées ne veulent pas).
Nous refusons la destruction de notre agriculture qui va en résulter et dont vit pourtant 80% de notre population aujourd’hui.
Nous refusons toute violation des droits humains dans nos pays et nous demandons à nos dirigeants d'oeuvrer pour la paix : trop de guerres, de réfugiés, de déplacés hypothèquent notre développement.
Nous refusons toute exclusion, quelle qu’elle soit.
Nous, participants au premier forum social du Burkina,
Nous réaffirmons l’urgence d’une politique agricole qui prenne pleinement en compte la souveraineté alimentaire.
Que nos Etats de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) rehaussent dès maintenant le TEC (Tarif Extérieur Commun, c'est à dire le barème qui définit le niveau des taxes à l'importation) en y introduisant une bande tarifaire à hauteur de 50% pour la protection de nos produits agricoles sensibles (graines de coton, tomate, lait, riz, viande…) dès maintenant et donc avant de commencer la négociation finale sur les APE (Accords de Partenariat Economique) . (Pour éviter de voir nos pays inondés par les sous produits des agricultures subventionnées d’ailleurs…)
Nous nous engageons à changer nos comportements pour consommer nos produits locaux et soutenir ainsi notre agriculture.
Nous invitons les Organisations Paysannes à proposer à tous les candidats (maires, députés, président) de s’engager sur quelques mesures importantes pour le développement de notre agriculture et pour une meilleure prise en compte de notre agriculture et de nos populations rurales.
Que les Organisations Paysannes ne s’alignent pas sur les seules politiques gouvernementales, mais défendent réellement les intérêts des paysans.
Nous souhaitons que nos Etats délivrent aux producteurs des titres fonciers qui puissent assurer la sécurité et la stabilité de notre production agricole, en surtaxant l’agrobusiness et les opérations spéculatives.
Qu’en ce domaine, il y ait une réelle égalité d’accès à la terre pour tous, hommes et femmes, et que les femmes puissent en hériter.
Concernant les OGM (Organismes Génétiquement modifiés), nous demandons la révision de la mise en œuvre du protocole de Carthagène, la sensibilisation des populations à la base, et la concertation entre chercheurs sur les OGM pour mieux mesurer les risques réels et mettre en oeuvre le principe de précaution. Nous demandons que cesse immédiatement le chantage sur les producteurs de coton qui refusent la culture des OGM et leur imposition par les autorités dans notre pays.
Concernant la dette injuste qui accable nos pays, nous demandons qu’elle soit reconvertie intégralement en programmes de développement à la base – et avec des mécanismes de contrôle transparents et accessibles à tous par une information régulière.
Concernant les OMD (Objectifs du Millénaire du Développement) et l’accès aux services sociaux de base, nous constatons avec tristesse que les objectifs sont loin d’être atteints, car les choix politiques actuels , la formulation et l’exécution des projets ne sont pas transparents.
Concernant les mutuelles, nous souhaitons en encourager toutes les formes qui permettent aux populations de décider elles-mêmes de leurs priorités, de leurs manières de les gérer et de se les approprier. Nous souhaitons que les services publics nous y encouragent.
Concernant la santé, nous souhaitons que toutes les régions du pays soient également couvertes et bénéficient des mêmes avantages que la capitale.
Concernant l’éducation, nous demandons l’arrêt immédiat de l’application des P.A.S. (Plans d'Ajustement Structurel) ; que l’école soit obligatoire et gratuite jusqu’à l’âge de 16 ans, que soit relevé le niveau de vie des enseignants et apprenants, que l’éducation non formelle soit encouragée et développée.
Concernant les communications, nous demandons : « Un village, un téléphone avant 2015 »
Concernant l’environnement, nous recommandons qu’il soit mieux pris en compte dans la pratique et l’élaboration de nos politiques pour des pratiques plus respectueuses de notre environnement: reboisement, agriculture biologique, éducation, exploitations minières mieux encadrées, sachets plastique noirs à proscrire, assainissement et viabilisation dans les villes.
Concernant les OSC (Organisations de la Société Civile), nous pensons qu’il est urgent et important qu’un cadre légal soit défini pour elles et qu’elles puissent être associées de plus en plus, selon leurs compétences, aux prises de décision qui engagent la vie du pays. Qu'elles puissent aller en justice pour défendre leurs intérêts et ceux de leurs membres. Nous demandons qu’une attention particulière soit portée à la transparence dans la gestion financière et à la représentativité pour l’obtention des financements.
Concernant la corruption et la bonne gouvernance, nous demandons aux personnalités de l’Etat et de l’administration de se soumettre à la loi commune de l’Etat de droit faite pour tous : que chacun paie ses factures, renonce aux pratiques de corruption et de pots de vin, etc.
Que l’égalité de droits et de devoirs entre tous les membres de la société soit respectée. Que l’Etat soit garant de la justice et de la bonne gouvernance (exploitation, torture, exécutions extrajudiciaires…)
Que la liberté de presse soit renforcée (dépénalisation des délits de presse).
Que la liberté d'association et d'expression soit améliorée.
Il faut parler beaucoup de la corruption parce qu’elle se répand partout.
Nous recommandons tout particulièrement :
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L’arrêt des retenues sur les frais inexplicables au niveau du coton.
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Des pétitions de parents d’élèves pour réduire les frais scolaires abusifs.
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Des alliances avec nos voisins pour réduire les fraudes douanières.
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L’implication des associations aux journées de lutte anti-corruption.
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Possibilité pour tous d’accéder à un logement décent.
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Retour à nos valeurs cardinales pour rééduquer les jeunes.
Après le temps fort de ce forum, nous, Organisations de la Société Civile au BURKINA présentes à Loumbila, prenons l’engagement de nous retrouver régulièrement (selon un rythme encore à préciser : tous les ans, tous les 18 mois ou tous les deux ans) pour faire le point des mises en œuvre de cette déclaration finale, pour continuer à renforcer nos réseaux associatifs et avancer dans notre réflexion et nos luttes.
Nous réaffirmons notre opposition aux politiques néo-libérales, aux institutions financières internationales qui nous écrasent.
Nous sommes solidaires de tous ceux qui luttent pour leur dignité, leurs intérêts matériels et moraux, en organisant des forums, en informant les populations à la base, en organisant des marches légales et non-violentes, en disant « non » aux politiques inadmissibles qui nous écrasent, en étant solidaires de ceux qui souffrent et qui sont exclus,... en nous appropriant nos vies dans une logique où ce n’est plus la puissance financière qui nous domine, mais dans une logique où l’homme et la femme sont remis au centre !
Oui, un autre monde est possible,
Oui, une autre Afrique est possible, unie et forte,
Oui, un autre Burkina est possible, moins corrompu, plus juste, plus solidaire !
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