Burkina Faso - 11°  journée nationale du paysan :

"Peut mieux faire"

Le forum de la 11e Journée Nationale du Paysan (JNP) s’est ouvert le 8 février 2007 au siège de l’APESS (Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane) à Dori. Les délégations des organisations paysannes du Faso, les partenaires au développement et l’administration publique ont échangé sur le thème de la journée : "Développement des filières agro-sylvo-pastorales et gestion durable des ressources naturelles".

Le thème ne manquait pas d'intérêt. Malheureusement, le résultat n'est pas à la hauteur des enjeux. Il est permis également de s'interroger sur la méthode utilisée. Initialement, cette Journée Nationale du Paysan (JNP) s'étalait sur une seule journée. Il y a deux ans, à Gaoua, la Confédération Paysanne du Faso (CPF) a organisé une journée de réflexion et d'animation de ses membres pour préparer la JNP. Cette journée s'est tenue sur place à Gaoua, la veille de la Journée Nationale du Paysan proprement dite. Curieusement, à Dori, cette journée préparatoire n'est plus aux mains de la CPF, mais aux mains des différents ministères concernés. On peut le regretter. On peut penser que les paysans se seraient davantage impliqués dans la réflexion du Forum si on les avaient laissés animer eux-mêmes le Forum.

La 11 ° édition de la Journée Nationale du Paysan s'est achevée tard dans la nuit ce vendredi 9 février 2007, à Dori. Elle a été l'occasion, pour les 1 200 paysans présents, de présenter au chef de l'Etat quelques-unes de leurs préoccupations et aux ministres concernés d'y répondre en apportant quelques précisions. Le débat n'a pas manqué d'intérêt. Il s'est déroulé dans une atmosphère détendue, favorisant un véritable dialogue.

Cependant, à mon grand étonnement, les représentants de la CPF n'ont pas saisi l'occasion qui leur était offerte d'interpeller directement le président en exercice de la CEDEAO, le président du Faso, sur les Accords de Partenariat Economique (APE) que l'Afrique de l'Ouest se prépare à signer avec l'Union Européenne. Pourtant, ces derniers jours la CPF a montré clairement (en organisant une marche des producteurs à Ouagadougou, un dîner-débat et plusieurs débats télévisés sur ce thème) qu'elle est préoccupée par ces Accords. Surtout que les dernières nouvelles ne sont pas bonnes (à moins qu'il ne s'agisse que de rumeurs). Je pensais que la CPF allait profiter de cette occasion pour demander quelques éclaircissements à ce sujet.

Peut-être n'est-il pas trop tard pour le faire ?

Voici quelques points qu'il me semble urgent de clarifier.

  • Les négociateurs de l'Afrique de l'Ouest ont-ils vraiment abandonné leur demande de reporter de 3 ans la signature d'un APE  ?

  • Dans une étude suédoise sur les APE, on peut lire :

"Puisque les négociations sur l'accès au marché dans le processus APE concernent les droits de douane appliqués des parties, la flexibilité actuelle des pays ACP de relever leurs droits de douane jusqu'au niveau consolidé (à l'OMC) disparaîtra quand les APE entreront en vigueur. Cela peut signifier qu'ils perdront leur capacité de protéger leurs marchés des prix bas des matières premières ou de poussées soudaines d'importations, à moins qu'il n'y ait une clause de sauvegarde dans les APE [l'Accord de Cotonou n'en a pas prévu pour les pays ACP mais seulement pour l'UE!].
Autrement dit les APE impliqueront aussi que les pays ACP ne pourront plus appliquer le "traitement spécial et différencié" actuellement négocié à l'OMC, et cela pourrait avoir des conséquences négatives pour les petits agriculteurs et les industries de transformation naissantes. Cela est particulièrement sérieux pour les pays ACP qui ont en général une importante population employée dans l'agriculture mais aussi une forte insécurité alimentaire dans les zones rurales".

D'où les deux questions suivantes :

  • Pourquoi les pays ACP n'ont-ils pas prévu une telle mesure de sauvegarde dans l'Accord de Cotonou ? Sont-ils prêts à la demander et à l'exiger dans les APE ?

  • Le Tarif Extérieur Commun (TEC) de la CEDEAO est par trop libéral. Pourquoi les Etats membres n'ont-ils toujours pas entériné la demande du Nigeria qui demande d'ajouter une bande tarifaire au taux de 50 %. Cela veut dire qu'actuellement aucune taxe douanière à l'importation ne peut dépasser les 20 %. Le Nigeria et les paysans de l'Afrique de l'Ouest demandent qu'il soit possible de taxer certains produits à 50 %. Les Etats membres de la CEDEAO devraient trancher cette question avant de signer les APE. Après, cela ne sera plus possible. De plus, adopter une nouvelle ligne tarifaire à hauteur de 50 % serait un signal fort vers l'Union Européenne. La CEDEAO montrerait ainsi qu'elle n'est pas prête à signer n'importe quoi !

Nous sommes à un moment critique des négociations des APE. Il aurait été souhaitable que la 11 ° Journée Nationale du Paysan en tienne compte. Les paysans du Faso, et plus largement ceux de l'Afrique de l'Ouest, auraient intérêt à chercher à obtenir les éclaircissements qu'ils n'ont pas obtenus en ce jour.

Koudougou, le 12 février 2007
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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