Quelques bonnes raisons pour retarder la signature d'un APE entre l'Union Européenne et l'Afrique de l'Ouest (3° partie) |
6) Pas d'APE sans souveraineté alimentaire ! Quand en 2004, nous - la CPF (Confédération Paysanne du Faso), l’UNPCB (Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina), le ROPPA (Réseau des Organisations Paysannes et des Professionnels de l’Agriculture de l’Afrique de l’Ouest), RECIF/ONG, l’Observatoire National de la Filière Riz du Burkina Faso (ONRIZ), l’ASAB, INADES-Formation, ATTAC-Burkina, ORCADE (Organisation pour le Renforcement des Capacités de Développement), REFAE (Réseau des Femmes Africaines Economistes) et le SEDELAN (Service d’Editions en Langues Nationales) - nous sommes réunis pour réfléchir sur l'opportunité pour l'Afrique de l'Ouest de signer un Accord de Partenariat Economique avec l'Union Européenne, nous avons eu cette formule : Non aux A.P.E. · Sans souveraineté alimentaire. · Sans une politique réelle d’intégration régionale au niveau de la CEDEAO et qui profite à tous, y compris aux pays enclavés. · Sans un réel programme d’industrialisation, notamment avec un programme fort de transformation de nos produits agricoles. Depuis ce temps, les revendications en faveur de la souveraineté alimentaire se sont multipliées. Mieux, en janvier 2005, les chefs d'Etat de la CEDEAO ont signé le document qui définit la politique agricole de la CEDEAO. Il se place résolument dans la perspective de la souveraineté alimentaire. Depuis, je vois peu de réflexions sur cette problématique : Comment un APE peut-il être compatible avec la souveraineté alimentaire. A ma connaissance, seul le ROPPA a fait une réflexion intéressante sur ce thème. Sans doute les responsables politiques sont-ils accaparés par les négociations à l'OMC. Raison de plus pour marquer une pause dans les négociations avec l'Europe. 7) Pas d'APE sans un réel programme d’industrialisation, notamment avec un programme fort de transformation de nos produits agricoles. Cette réflexion est fondamentale pour un pays comme le Burkina. Pourtant, elle semble absente des débats. Il suffit de pénétrer dans une boutique d'alimentation générale de n'importe quelle ville de l'UEMOA (zone franc de l'Afrique de l'Ouest, sans protection douanière digne de ce nom) pour s'en rendre compte. La quasi totalité des produits qui s'y trouvent sont importés. Or, il est tout à fait possible de développer une (petite, pour commencer !) industrie de transformation de produits agricoles. Donnons-en quelques exemples. Comment se fait-il qu'on ne trouve pas de présentation moderne de soumbala (sauce traditionnelle très appréciée des consommateurs, même urbains) ? Pourtant, il y a quelques années, il en a été présenté - sous forme de cubes, à l'image des cubes maggi - au cours d'un salon agricole. Comment se fait-il qu'on ne trouve pas de jus de fruits fabriqués au Burkina à partir de fruits burkinabè ? Comment se fait-il qu'on ne trouve aucun produit fabriqué à partir du maïs, si ce n'est la simple farine de maïs ? Il est difficile d'imaginer le développement du Burkina sans le développement d'une telle industrie agroalimentaire. Mais il est difficile d'imaginer le développement d'une telle industrie sans un minimum de protection douanière. Le développement du Burkina passe par le développement - sur son territoire - de valeurs ajoutées à ses produits agricoles. Comment cela est-il compatible avec un APE ? Il est clair qu'il faut répondre à cette question avant de s'engager plus avant dans un APE avec l'Europe. 8) Il est tout à fait possible de retarder la signature d'un APE entre l'Union Européenne et l'Afrique de l'Ouest ! Quand il est demandé de retarder la signature de l'Accord de Partenariat Economique (APE) que l'Europe se propose de signer avec l'Afrique de l'Ouest, beaucoup répondent que cela n'est pas possible ! Que les accords de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) ne le permettent pas. Je sais bien que la Commission européenne exerce une forte pression en faveur d’un calendrier extrêmement serré pour ces négociations qui, normalement doivent aboutir fin 2007, la dérogation accordée par l’OMC sur les préférences tarifaires unilatérales cessant d’être valable le 1 janvier 2008. Mais je sais également que, d'après les objectifs proclamés lors de la création de l'OMC, il est affirmé que les relations économiques doivent contribuer à l’amélioration des standards de vie, au plein emploi et à un accroissement des revenus, tout en permettant une utilisation optimale des ressources compatible avec un développement durable qui protège et préserve l’environnement et prend en compte les besoins respectifs des pays au niveau de développement où ils se trouvent. Je sais également qu'à l'OMC il est reconnu un statut particulier aux PMA (Pays les Moins Avancés, de loin les plus nombreux au sein de la CEDEAO) et aux pays en développement. Il est reconnu qu'ils ont droit à un traitement spécial et différencié. Ce traitement spécial et différencié permet de proposer - pour ces pays - une autre date que le 1er janvier 2008. Enfin, depuis le non des Français et des Hollandais au référendum sur la Constitution européenne, la construction même de l'Europe marque une pause. L'Afrique de l'Ouest n'aurait-elle pas tout intérêt à demander également une pause dans ses négociations avec l'Europe ? Oui, marquons une pause dans ces négociations. Profitons-en pour lancer un large débat démocratique sur cette question. Ne permettons pas qu’elles ne soient pas débattues dans nos parlements. |