Ce document fait suite au n° 169 qui portait aussi sur le Forum social mondial de Bamako, avec pour titre : Thomas Sankara, invité d'honneur ! La question des OGM et celle de la souveraineté alimentaire ont été les deux thèmes majeures de l'espace dédié aux luttes paysannes. -
Les OGM. Si tous les paysans présents au Forum semblent unanimes pour défendre la souveraineté alimentaire, les positions des paysans face aux OGM, et notamment au Coton Bt, sont plus conflictuelles. Il faudra être attentif dans les mois qui viennent (voire les prochaines années) de tout faire pour que les forces néolibérales n'utilisent pas les OGM pour diviser les paysans, notamment les paysans d'Afrique de l'Ouest. Les paysans maliens semblent plus conscients des dangers des cultures transgéniques. Les burkinabè (au moins les responsables de l'Union Nationale des Producteurs de Coton (UNPCB) semblent être sur l'expectative. S'ils ne se sont pas déclarés pour, ils affirment qu'à l'heure actuelle, ils ne sont pas contre. Ils disent attendre les résultats de la recherche. Ils se préparent à aller en Afrique du Sud rencontrer des producteurs de coton qui utilisent déjà du coton Bt. Ils devront veiller, durant leur voyage, à rencontrer les bonnes personnes : les petits producteurs comme eux, et non une sélection d'acteurs préparée par les promoteurs du Coton Bt, et financés par Monsanto ou Syngenta. Il serait bon aussi qu'ils se rendent en Inde, où les paysans ont commencé à cultiver le coton Bt depuis plusieurs années. Après une première année plutôt satisfaisante, les échos que nous recevons nous disent que la situation des cotonculteurs indiens est devenue dramatique. " On ignore, trop souvent, que les pauvres paysans indiens, loin de sortir de la misère, se sont englués, ruinés dans des cultures de mort, et que des dizaines de producteurs pauvres de l’Inde ont été conduits au suicide après l’échec et le coût de leur culture" ("Michel", réagissant à une prise de position du Professeur Boly, directeur de l'INERA - Institut de l’Environnement et de Recherches agricoles du Burkina Faso- disant qu'il avait foi aux plantes biotechnologiques et qu'il ressort que le Burkina est pour le moment le seul pays d’Afrique de l’Ouest qui est en bonne voie pour la culture transgénique avec l’expérimentation du coton Bt). Il est clair que les chercheurs eux-mêmes sont divisés sur la question des biotechnologies. L'essentiel de la recherche dans les pays du Sud est financée par le Nord. Nous pensons qu'un chercheur du Sud a le droit de faire sa recherche sur des financements venus du Nord. Mais quand sa recherche porte sur des sujets sensibles comme les biotechnologies, et que ce même chercheur dépasse les résultats de sa recherche pour prendre position dans ce débat, il faudrait exiger que soit rendues publiques les sources du financement de ses recherches. Au Forum mondial nous avons eu la joie d'entendre des chercheurs qui parlaient librement, car ils s'étaient auparavant libérés des puissances de l'argent. Ils étaient prêts à faire de la prison, plutôt que de taire leur conviction. Ils nous ont, entre autres, alertés sur la menace que font peser la culture intensive d'OGM sur la biodiversité. Ce fut le cas notamment au cours de l'atelier "Pour une Afrique sans OGM dans l'agriculture et pour la promotion du contrôle social des communautés locales sur les semences." Cet atelier était animé par la Coalition pour la protection du patrimoine génétique en Afrique. -
La Souveraineté alimentaire. Par contre sur la souveraineté alimentaire, le consensus était impressionnant. Alors qu'en 2003 à Siby, au cours du 2° Forum des Peuples, la souveraineté alimentaire n'avait trouvé qu'un accueil respectueux, au Forum mondial de Bamako, c'était la revendication principale des nombreux paysans présents à la Bibliothèque Nationale. Elle était revendiquée avec force. Il apparaît maintenant clairement que l'agriculture de l'Afrique de l'Ouest, comme des autres régions du monde, a besoin d'être protégée du marché mondial dont les prix des denrées n'ont rien à voir avec les coûts de production. Les paysans et les éleveurs l'ont bien compris. Il reste maintenant à développer des alliances avec d'autres membres de la société civile, notamment avec les consommateurs des populations urbaines. Nous allons nous atteler à ce travail dans les mois qui viennent, et cela dans tous les pays de la CEDEAO (pour ne parler que de l'Afrique de l'Ouest). Bons nombres de Burkinabè souhaitent organiser un forum social du Burkina en 2006. Cela devrait être un des thèmes majeurs de ce forum. Au niveau mondial, nous (ainsi que les 8 000 représentants des Organisations paysannes présentes à Bamako) avons pris bonne note de l'annonce faite par José Bové (de Via Campesina, bien présente et active au Forum mondial de Bamako) de la tenue d'un Forum social mondial thématique spécialement consacré à la souveraineté alimentaire en février 2007 au Mali. Ce thème est fondamental sur un continent dont 70 à 80 pour cent de sa population rurale. Ce Forum social mondial sur la souveraineté alimentaire devrait apporter un soutien décisif à tous ceux qui se battent en Afrique de l'Ouest contre les accords de libre-échange (APE) que l'Europe cherche à imposer à la CEDEAO. Il devrait aussi faciliter une intégration régionale moins défavorables aux populations rurales grâce à un tarif extérieur commun (une protection douanière) rehaussé. Rendez-vous est pris. Cette annonce du Forum social mondial sur la souveraineté alimentaire, à Bamako en février 2007, est pour nous une vraie bonne nouvelle. Déjà, nous répondons : présents ! Maurice Oudet, Koudougou, le 25 janvier 2006 |