Coton : l’Europe et l’Afrique palabrent

Chronique des matières premières, les 5 et 7 juillet /2004 sur RFI


Paris est pour deux jours la capitale du coton africain. A l’initiative de l’Union Européenne, représentants des pays et des paysans africains producteurs de coton, experts internationaux, hauts fonctionnaires européens, ministres vont venir discourir de l’avenir du coton africain. Les Européens veulent mettre en place un partenariat avec les pays producteurs, en particulier avec ceux d’Afrique de l’Ouest, dans l’économie desquelles le coton occupe une place centrale. Tout cela est bien sûr né des distorsions provoquées sur le marché mondial par les subventions que les grand s pays producteurs, Etats-Unis, Europe, Chine, accordent à leurs paysans. Les Africains, aux coûts de production très faibles, ne bénéficient d’aucune aide de ce genre. La concurrence est donc faussée à leur désavantage. Les Européens reconnaissent la nécessité de remédier à cette situation. Ils estiment avoir fait un pas en réformant leur politique de subvention. Ils veulent maintenant en franchir un second. L’objectif du partenariat est donc de« soutenir de manière globale, structurelle et durable le développement du secteur du coton en Afrique. » Mais il y a quelques problèmes.

Le premier, c’est que la plupart des pays cotonniers d’Afrique de l’Ouest, Mali, Burkina Faso, Bénin, Tchad, n’ont pas mis au point les schémas de développement dans les filières coton qui permettraient le déblocage d’une aide européenne. Cette relative passivité des capitales africaines, s’explique par la conviction que l’essentiel des difficultés sur les marchés mondiaux vient des subventions massives perçues par les producteurs américains et dans une moindre mesure par les Espagnols et les Grecs. Il en sera bien sûr question jusqu’à demain au centre de conférence de l’avenue Kleber. Mais les Européens n’ont pas le pouvoir de supprimer les subventions américaines. Cette partie là se joue à Washington et à Genève, au siège de l’ Organisation Mondiale du Commerce où les Brésiliens viennent d’obtenir la condamnation des pratiques américaines.

Le deuxième problème, c’est que ce forum coïncide avec un nouvel effondrement des cours du coton sur les marchés mondiaux. «Pour une livraison au mois de mars 2005, s’exclame un exportateur africain, on nous propose 52 cents la livre de coton sur le marché newyorkais». 
52 cents, c’est bien sûr une misère. (
abcburkina : surtout que le cours du dollar est très faible, actuellement par rapport au F CFA lié à un euro fort). Dans son bilan mensuel, le Comité International Consultatif rappelait la semaine dernière que les cours du coton avaient été à leur niveau le plus élevé depuis 1997 pendant les quatre premiers mois de l’année 2004.

L’embellie n’aura pas duré très longtemps. Mais la conséquence, c’est que beaucoup de gens ont planté du coton. «Pour 2004-2005, estiment les spécialistes du Comité du Coton, la production va dépasser la consommation de 800 000 tonnes». Le forum euro-africain sur le coton va donc se dérouler pour les producteurs dans un climat d’urgence auquel ce genre de conclave peut difficilement répondre.

L’Europe veut aider les producteurs africains de coton

« La savane a écouté la forêt ». C’est sur ce dicton africain cité par un haut fonctionnaire européen que le forum euro-africain pour un partenariat sur le coton s’est conclu hier à Paris. « Nous vous avons entendu » ont ainsi voulu dire les Européens aux Africains. Tout au long de ces deux jours le commissaire européen Pascal Lamy, des ministres français et hollandais sont venus signifier aux Africains que du côté des 25 ! la volonté politique était très forte. Bruxelles veut à tout prix aide r les Africains producteurs de coton à faire face aux difficultés du marché mondial, avec des prix en baisse de 2% tous les ans depuis trente ans. Bruxelles veut aussi aider les Africains à développer, à moderniser leurs filières coton, à mettre sur pied des concertations régionales pour être plus forts face au commerce international. Tout cela est résumé dans un plan d’action dont les résultats seront évalués tous les six mois.

Cette irruption européenne dans le dossier coton est assurément un fait politique majeur pour les Africains. Initiée par la France après le choc du  sommet de Cancun où les Africains avaient réussi le tour de force d’imposer leur problème cotonnier, cette évolution devrait, si on en croit les Européens, aider à résoudre quelques-unes des questions qui se posent du Burkina Faso au Tchad, du Mali au Bénin en passant par le Cameroun ou l’Ouganda. Mais les Africains, aux prises avec un marché mondial qui chute, avec des paysans dont le niveau de vie est des plus faibles veulent plus encore. Ils veulent de l’argent et tout de suite. Les Européens se disent prêts à décaisser des sommes importantes. « Le problème, dit un observateur averti, c’est que les Européens qui sont là sont plein de bonne volonté. Mais ils n’ont aucun pouvoir. »

Jean-Pierre Boris

P-S de abcburkina : Au Burkina Faso, les producteurs de coton sont aussi de grands producteurs de maïs. En 2003 le Burkina Faso a récolté un million de tonnes d'excédent de céréales. Le maïs s'est donc mal vendu (beaucoup ont encore des stocks importants invendus). Comme le prix du coton (coton-graine, payé au producteur) , pour la prochaine récolte, a été fixé à 210 F CFA (au lieu des 185 F CFA pour la dernière récolte), il faut donc s'attendre à une nouvelle production record. Mais cette production risque fort d'être vendue à perte sur le marché mondial ! Il est donc urgent de trouver une solution durable à cette situation due à la chute des cours du coton sur le marché mondial.

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