La P.A.C. et l'Accord sur l'agriculture de l'OMC

 

La PAC et l'Accord sur l'agriculture de l'OMC (AsA) sont profondément inéquitables pour les agriculteurs des pays en développement (PED) puisque ceux-ci n'ont pas les moyens budgétaires de subventionner leurs agriculteurs alors que l'AsA leur dénie dans le même temps le droit de maintenir leur protection à l'importation. Ceci découle des définitions criminelles du dumping et des subventions autorisées intégrées dans les Accords de l'OMC (pas seulement dans l'AsA mais aussi dans le GATT, l'Accord anti-dumping et l'Accord sur les subventions et mesures compensatoires) : 

1) Il n'y a pas de dumping si les produits agricoles sont exportés au même prix que sur le marché intérieur, même si ce prix est bien inférieur au coût complet de production. Cela a été la principale raison des réformes de la PAC de 1992 et 1999 : abaisser les prix des céréales européennes à leur niveau mondial permettrait de les exporter sans subventions (restitutions), ce qui est effectif depuis juillet 2001 pour le blé et l'orge de l'UE : les agriculteurs sont payés au prix mondial (100 € par tonne) mais reçoivent des contribuables de l'UE une aide directe de 63 € par tonne pour couvrir leur coût complet de production estimé à 160 € par tonne, et de fait cette aide représente 126% de leur revenu net en France;

2) Les subventions non-spécifiques et découplées sont exemptées des réductions prévues par l'AsA : 

a) Les subventions non-spécifiques ou de la "boîte en or" : tous les types de soutiens non agricoles et tous les soutiens non agricoles et agricoles (y compris une forte protection à l'importation) reçus dans le passé dans les pays riches occidentaux ne sont pas pris en compte, ce qui confère un énorme avantage compétitif à leurs produits agricoles en comparaison avec ceux des PED; 

b) Les subventions découplées de la "boîte verte" : le concept de découplage est hautement mystificatoire car n'importe quel type de subvention -y compris pour des motifs environnementaux- a pour effet de réduire les coûts de production des produits bénéficiaires, d'accroître leur compétitivité, et a donc un effet de dumping lorsqu'ils sont exportés. 

Et c'est parce que les aides directes actuelles -qui représentent 63% du budget agricole de l'UE (1er pilier) en 2000-, ont été considérées par l'AsA comme seulement découplées temporairement (jusque fin 2003) et placées dans la "boîte bleue" que la Commission de l'UE a proposé de les "verdir" plus explicitement par le simple tour de passe-passe de les octroyer aux agriculteurs sans même exiger qu'ils produisent  ou en pouvant produire d'autres productions (à l'exception des fruits et légumes) que celles pour lesquelles les aides directes avaient été octroyées depuis 1993 (céréales, oléo-protéagineux, viandes bovine et ovine).  

Nous devons bien comprendre que le "verdissement" de la nouvelle aide au revenu proposé par la propagande de la Commission ne l'est pas tant pour améliorer les "biens publics" que sont les services multifonctionnels rendus par les agriculteurs (en matière d'environnement, de qualité des produits et de bien-être animal) que pour promouvoir le dumping des produits agricoles et alimentaires de l'UE sur les pays pauvres, dumping pleinement légal vis-à-vis de l'OMC

Commentaires de Jacques Berthelot, de l'Ensa de Toulouse

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