La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu l'accord de partenariat entre les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP) et la Communauté européenne et ses Etats membres, appelé Convention de Cotonou ;

Considérant que le partenariat est centré sur l'objectif de réduction et, à terme, d'éradication de la pauvreté dans les pays ACP et qu'à ce titre les Objectifs du Millénaire pour le Développement, souscrits par tous les membres de l'ONU, doivent sous-tendre la coopération entre l'Union européenne et les pays ACP ;

Considérant que ce grand dessein pourrait être remis en cause par l'issue des négociations engagées, depuis 2002, entre la Commission européenne et les six régions regroupant les pays ACP pour conclure des accords de partenariat économique (APE), lesquels visent à substituer un régime de libre-échange au régime commercial actuel, fondé sur des préférences non-réciproques accordées aux pays ACP, et ce en raison :

- d'une approche de la négociation dominée par le souci de mettre en conformité la coopération commerciale entre les partenaires avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), en respectant le délai, fixé jusqu'au 31 décembre 2007, par l'Organisation  ;

- du non-respect du principe fondamental de la différenciation, lequel est consacré par l'article 2 de la Convention de Cotonou,
qui prévoit que les « modalités et les priorités de la coopération varient en fonction du niveau de développement du partenaire, de ses besoins, de ses performances et de sa stratégie de développement à long terme » ;

- de la volonté de la Commission européenne d'imposer l'ouverture de négociations sur des sujets - l'investissement, la concurrence et les marchés publics - qui ont été retirés de l'ordre du jour des négociations commerciales multilatérales ;

- d'une programmation de l'aide versée au titre Fonds européen de développement (FED)
qui est détournée pour s'orienter principalement vers la mise en place des futurs accords commerciaux ;

1. Est gravement préoccupée par le fait que la mise en œuvre du libre-échange, malgré les précautions actuellement envisagées par la Commission européenne, entraînera un choc fiscal, agricole, industriel et sur la balance des paiements d'une telle ampleur pour nos partenaires, qu'il pourrait compromettre la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, alors que l'Afrique subsaharienne souffre, dans ce domaine, de retards si inquiétants qu'ils constituent une menace pour la paix et la stabilité internationales  ;

2. Estime que si les négociations se poursuivent dans la même voie, l'Union européenne commettrait une erreur stratégique, politique, économique et sociale à l'égard des pays ACP, qui se paiera par l'effritement d'une relation indispensable à la construction d'un monde plus sûr et plus juste et au rayonnement
ainsi qu'au poids de l'influence européenne ;

3. Demande que le Conseil des ministres de l'Union européenne, à la suite d'une initiative conjointe de la France et du Royaume-Uni, donne rapidement un nouveau mandat de négociations à la Commission européenne fondé sur les principes suivants :

- le régime actuel d'accès des pays ACP au marché européen doit être maintenu, tandis que la capacité de ces pays à respecter les normes sanitaires et techniques de l'Union européenne doit être aidée et renforcée ;

- la libéralisation des échanges avec l'Union européenne ne doit intervenir qu'après une phase de consolidation des unions économiques et douanières de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la mise en place, avec l'appui du FED, de stratégies nationales et régionales de développement dans les domaines de l'éducation, de la santé et des infrastructures et de la mise à niveau de l'appareil de production ;

- l'étendue, les étapes et la durée de mise en œuvre de la libéralisation doivent être déterminées en fonction du respect de critères économiques et sociaux de développement, liés à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, tandis qu'un mécanisme de suivi et d'évaluation des effets du désarmement tarifaire doit permettre de revenir, en permanence, sur les phases de ce dernier ;

- la liste des produits sensibles exclus du champ de la libéralisation doit englober
au moins les productions indispensables au maintien des agricultures vivrières de subsistance et du tissu industriel présent et futur des pays ACP ;

- la négociation des nouveaux sujets liés au commerce ne doit s'ouvrir qu'à la demande expresse des
régions regroupant les pays ACP ;

- l'Union européenne doit s'associer aux propositions faites par les pays ACP à l'OMC pour accorder un traitement tarifaire particulier aux produits agricoles liés à leur sécurité alimentaire, ainsi qu'à leurs préférences commerciales, et pour réviser l'article XXIV du GATT qui encadre la constitution des zones de libre-échange, afin de préciser que la réciprocité exigée par cette disposition doit tenir compte des besoins particuliers des pays en développement faibles et vulnérables ;

4. Demande que l'aide européenne versée aux pays ACP
par l'intermédiaire du FED soit destinée prioritairement à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement, ainsi qu'à la mise en place de politiques agricoles, industrielles et extractives assurant la participation des couches les plus pauvres de la population à la croissance, en exigeant de nos partenaires un respect total des principes de bonne gouvernance, dont les manquements, qui n'ont que trop duré, doivent être impérativement sanctionnés.

N° 3251 - Rapport déposé par la Délégation pour l'Union européenne sur la négociation des accords de partenariat économique

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