Quelle stratégie adopter pour promouvoir la filière riz ?
Le vendredi 2 août au soir soir, le journal télévisée de 20 heures de la TNB, nous a présenté un atelier qui se tenait à Bobo-Dioulasso sur la filière riz. Les participants à cet atelier cherchaient à rendre le riz burkinabè plus compétitif sur le marché intérieur.
A cette occasion, on nous a énuméré quelques unes des difficultés dont souffrent la filière riz au Burkina Faso. Nous avons vu et entendu un producteur de riz qui se plaignait que les commerçants burkinabè n’offraient pas un prix rémunérateur à leurs productions. Curieusement, la raison principale de cette situation n’a même pas été évoquée.
S’il a bien été dit que chaque année les commerçants burkinabè importaient 20 milliards de riz, il n’a pas été dit que ce riz étaient fortement subventionné par les pays exportateurs! Or, il faut savoir que le prix du riz sur le marché mondial n’a rien à voir avec les coûts de production. Le riz thaïlandais, par exemple, que vous trouvez actuellement abondamment dans les boutiques d’alimentation est largement subventionné. En effet, le gouvernement thaïlandais subventionne à l’exportation le riz qui est déversé sur le marché mondial, tandis qu’il soutient le prix de ce même riz sur son marché intérieur (pour cela il effectue des achats publics et constitue ainsi des stocks régulateurs).
Or ce riz entre librement au Burkina, sans taxe douanière spécifique, écrasant ainsi le prix du riz sur le marché intérieur du Burkina. Dans ces conditions les producteurs de riz burkinabè ne peuvent pas espérer un prix rémunérateur pour leur production. Ils sont condamnés à la pauvreté, et le Burkina Faso à l’endettement.
Ce constat est à rapprocher de la place, peu enviable, occupée par le Burkina Faso, dans le Rapport Mondial sur le Développement Humain (PNUD : 2002) : 169 ° sur 173 pays classés. Face à cette situation, posons-nous cette simple question : un pays essentiellement agricole, comme le Burkina Faso, peut-il espérer décoller sans protéger son agriculture des agressions du marché mondial qui pratique des prix sans lien avec les coûts de production ? Car le marché, qui devait avoir un rôle régulateur, est faussé par des subventions de toute sorte.
La réponse, sans doute possible, est non.
L’exemple des pays développés est clair. Ils ont tous protégé, et protègent encore, leurs agriculteurs. Le Burkina Faso (avec les autres pays de l’UEMOA) est peut-être le pays au monde qui protège le moins son agriculture. Avec comme conséquence directe : ses paysans sont condamnés à rester pauvre, où à émigrer vers d’autres cieux, et le Burkina à s’endetter d’année en année.
Pourtant, une solution simple existe.
Celle que pratique la plupart des pays, y compris ceux qui prêchent le libéralisme : protéger l’agriculture, et pour le cas qui nous intéresse ici : protéger la filière riz : c’est à dire taxer le riz à l’importation, pour garantir aux producteurs burkinabè un prix rémunérateur. Bien sûr, il faudra faire cela progressivement, pour que les consommateurs burkinabè puissent s’adapter progressivement à la nouvelle situation.
Je sais bien que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International présentent ces protections à l’importation comme l’horreur économique par excellence !
Pourtant les Etats-Unis et l’Union Européenne ont protégé, et protègent encore largement leur agriculture par de telles taxes, même s’ils utilisent surtout les subventions à leurs producteurs et à l’exportation de leurs produits (l’arme des riches). Face à une telle situation, va-t-on se priver de la seule arme dont nous disposons (l’arme des pauvres, de surcroit une arme défensive !) ?
Cette situation est à rapprocher de la situation du coton. Les USA et l’Union Européenne, par leurs subventions aux producteurs de coton, ont entrainé l’effondrement du marché mondial. Comme nous exportons tout notre coton, nous n’avons pas d’autre solution que de porter plainte à l’O.M.C. – sans nous faire d’illusion sur la portée effective d’un tel acte. Malgré tout, ce geste manifeste un certain courage politique, et montre bien que nous ne sommes pas dupe de l’injustice massive (M. Salif Diallo, Ministre de l’Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources Halieutiques a parlé de « coup de massue »), qui pèsent sur les producteurs de coton africains.
Or, la même injustice pèse sur nos producteurs de riz. Mais cette fois nous disposons d’une arme efficace. Aurons-nous le même courage politique en protégeant les producteurs de riz de l’UEMOA, en taxant le riz subventionné du marché mondial à l’importation. En plus de sauver la filière riz, ce geste sera un signal fort envoyé aux autres pays membres de l’O.M.C.,
au moment où s’engagent de nouvelles négociations sur l’agriculture à l’O.M.C.
Maurice Oudet