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Préjudices causés par les subventions aux filières cotonnières de l’Afrique de l'Ouest et du Centre

Cette semaine, nous vous proposons de larges extraits du résumé du "Rapport Louis Goreux"

Cette étude a été commanditée par la Conférence des Ministres de l’Agriculture des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Elle fait suite aux recommandations de la Réunion de la CMA/AOC qui s’est tenue fin juin à Abidjan.  Le présent rapport a été préparé par Louis Goreux qui a été financé par le ministère français des affaires étrangères.

Ce rapport contient également des recommandations : nous vous les proposerons la semaine prochaine, avec nos commentaires.

Le coût de production du coton en Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC) est inférieur à celui de la plupart des autres pays. Les producteurs africains sont capables d’affronter la concurrence des pays développés sur le marché mondial, pourvu que celle-ci ne soit pas faussée par des subventions massives. L’Afrique ne demande pas ici l’application d’un traitement préférentiel, elle demande le respect de la loi du marché en conformité avec les principes fondamentaux de l’OMC.

La part de l’AOC dans les exportations mondiales a augmenté plus rapidement pour le coton que pour tout autre produit. Le Sahel a un avantage comparatif dans la culture du coton et la progression rapide de la production du coton a montré que les producteurs africains peuvent tirer profit de leur avantage comparatif.

La progression de la culture du coton a eu des effets bénéfiques pour l’ AOC. Elle a permis d’améliorer le niveau de vie de millions d’habitants vivant avec moins d’un dollar par jour et par personne. Selon une étude de l’OMS au Burkina, l’expansion de la culture du coton a été largement responsable de l’amélioration de la santé en zone cotonnière. En outre, comme le coton constitue en zone sahélienne la culture la plus rémunératrice et la source essentielle de revenus monétaires, l’augmentation de la production de coton a eu un effet d’entraînement à l’intérieur des bassins cotonniers et cet effet s’est propagé dans le reste de l’économie dans plusieurs pays, dont le Bénin, le Burkina et le Mali.

Mais les progrès remarquables qui ont été réalisés au cours de trois décennies risquent d’être annihilés par la chute des cours mondiaux qui sont tombés, en dollars courants, à leur niveau le plus bas depuis trente ans. La chute des prix a été partiellement due à la concurrence des fibres synthétiques, à la morosité de l’environnement économique mondial et à des facteurs climatiques favorables qui ont conduit à des rendements records en 2001/02. Mais les subventions ont aussi joué un rôle.

En 2001/02, l’ensemble des subventions accordées par les Etats-Unis, la Chine, la Grèce et l’Espagne à leurs producteurs de coton atteignît six milliards de dollars, soit la valeur des exportations mondiales de coton cette année là. Il est clair que des subventions aussi massives ont contribué à la baisse des prix. Comme les pays de l’AOC exportent l’essentiel de leur production cotonnière, leurs recettes d’exportation ont chuté et leur manque à gagner a été estimé à 250 millions de dollars pour 2001/02 et 200 millions de dollars pour la moyenne des cinq dernières années. Ce manque à gagner a été défini comme la perte de recettes d’exportation, après déduction du coût des importations associées à la production et l’exportation du coton (tel engrais, pesticides et fret). La sensibilité des résultats aux hypothèses retenues a été testée avec de nombreuses simulations.

Les Etats-Unis, qui sont de loin le plus gros exportateur mondial, ont accordé près de 4 milliards de subventions à leurs producteurs de coton en 2001/02 et ces subventions pourraient s’accroître avec la nouvelle loi agricole adoptée en mai 2002. …/…

La Chine a contribué à déstabiliser le marché mondial en subventionnant ses producteurs à hauteur de 1,2 milliards en 2001/02. La Chine est non seulement le plus gros producteur et le plus gros consommateur, c’est aussi le pays ayant détenu les stocks les plus importants. Au cours des vingt dernières années, la Chine a été tantôt importatrice nette, tantôt exportatrice nette. …/…

La Grèce et l’Espagne ne comptent que pour 2,7% de la production mondiale, mais les subventions dépassaient 0,7 milliards de dollars en 2001/02, car les subventions par kg de coton y étaient plus élevées que partout ailleurs.

Comme le coton peut être produit à meilleur coût dans les pays de l’AOC qu’aux Etats Unis et en Chine, et surtout qu’en Espagne et en Grèce, une réduction de la production dans ces quatre pays, compensée par un accroissement dans les pays non subventionnés (dont ceux de l’AOC), conduirait à une meilleure utilisation des ressources à l’échelle mondiale. L’avantage d’une telle solution serait d’autant plus grand que la culture du coton pourrait être remplacée plus facilement par d’autres spéculations dans les pays développés qu’au Sahel. Les subventions des pays industrialisés ont un effet économique pervers qui a été dénoncé par les Secrétariats de l’OECD et du FMI ; dans le domaine social, elles ont des effets désastreux. …/…

Dans les pays de l’AOC, le coton est produit dans des exploitations familiales cultivant en moyenne moins de trois hectares de coton. Les subventions américaines aux producteurs de coton ont pu réussir à hisser quelques milliers d’individus au dessus de la ligne de pauvreté aux Etats Unis, mais elles ont eu pour effet d’accroître la pauvreté de millions d’individus en Afrique.

Il est clair que les pays de l’AOC ont subi un préjudice grave du fait des subventions accordées aux producteurs de coton aux Etats-Unis, en Chine, en Grèce et en Espagne. Ce préjudice ne disparaîtra pas spontanément et il pourrait s’aggraver du fait de la nouvelle loi agricole adoptée par les Etats-Unis en mai 2002. Les pays de l’AOC disposent d’un excellent dossier sur le plan des principes, sur le plan économique et, surtout, pour lutter contre la pauvreté. Ils doivent exploiter ce dossier au mieux de leurs intérêts en tenant compte du calendrier contraignant de l’OMC. …/…

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En combinant leurs options de façon appropriée, les pays de l’AOC pourraient demander une compensation en espèces en attendant la réduction des subventions qui ne progressera que lentement. …/….

Louis Goreux, le 25 mars 2003

 

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