Merci à la Table Filière Lait du Burkina !

Oui, merci à la Table Filière Lait du Burkina et à son coordonnateur. A l’occasion de la Journée Mondiale du Lait, ils ont réussi à réunir tous les acteurs de la filière lait : les éleveurs, les transformateurs (notamment les laiteries artisanales qui transforment le lait local), quelques distributeurs, mais aussi des représentants du Ministère des Ressources Animales et du Ministère du Commerce. Ces représentants sont arrivés à l’heure, et surtout, ils sont restés dialoguer avec la salle jusqu’à la fin de la rencontre.

J’ai participé à trop d’ateliers, où le représentant du Ministère se fait attendre, lit un document préparé par les organisateurs de l’atelier, déclare l’atelier ouvert et se retire sans chercher à entendre les attentes des participants, pour ne pas apprécier la présence du Ministre des Ressources Animales et des autres représentants des Ministères.

Le thème de la rencontre était d’actualité : « Hausse des cours mondiaux du lait : menace ou opportunité pour la production et la transformation du lait local ».

Mais l’annonce officielle par le Ministre des Ressources Animales du projet du gouvernement de faciliter la création de deux unités industrielles a eu tôt fait de déplacer les débats. Ces unités de capacité respective de 15 000 litres et de 5 000 litres de lait par jour seront implantées à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso. Or depuis quelques jours, le même gouvernement a fait savoir qu’il allait obliger (à partir du 1° juillet 2008) les laiteries artisanales à procéder à leur frais à deux tests de qualité par mois auprès du Laboratoire National de Santé Publique (à raison de 50 000 F le test, sans compter les déplacements...).

Si cette dernière mesure est appliquée en l’état, elle entraînera la disparition de la grande majorité des laiteries artisanales. Non pas que ces laiteries ont peur des contrôles. Les contrôles peuvent avoir un rôle bénéfique, en rassurant les consommateurs sur la qualité des produits laitiers offerts à la vente par les laiteries artisanales. Mais aujourd’hui, elles n’ont pas la capacité financières d’assumer cette charge.

Cette mesure ne tient aucun compte de la réalité, et notamment des efforts que les mini laiteries font pour ne mettre sur le marché que des produits de qualité, et notamment des produits sains. Voir à ce sujet la charte de qualité de BurkinaLait . Elle va entraîner un retour en arrière !

Prenons un exemple. La laiterie de Batié (au Sud de Diébougou) n’ayant pas les moyens de se rendre à Ouagadougou deux fois par mois, et de payer ces tests devra cesser ses activités. Donc les femmes peules qui vendaient leur lait à la laiterie vont retourner au marché, ou se promener en ville à la recherche de clients, pour y vendre du lait cru ou du lait caillé non pasteurisé. Pour y vendre du lait dont la qualité sanitaire est certainement moins sûre que celle de la laiterie. Est-ce cela que veut le législateur ? Ou va-t-on interdire aussi la vente traditionnelle de lait dans les marchés et les villages du Burkina ?

Face à ces inquiétudes, les acteurs venus célébrer la journée mondiale du lait ont fait une recommandation aux autorités nationales : que les coûts de contrôle de la qualité des produits laitiers soient pris en charge par le gouvernement.

Sinon, les éleveurs et les transformateurs seront bien obligés de penser que cette mesure d’hygiène n’a qu’un seul but : faire disparaître ce qui existe, pour laisser le champ libre à quelques gros investisseurs privés ! Et il est à prévoir que ceux-ci se tourneront vers les gros producteurs de lait (ancien ministre ou député, président directeur général de société d’état... qui auront investi dans la production laitière) qui emploieront des ouvriers agricoles dans leur ferme . Une fois de plus, les éleveurs, qui participent à hauteur de 20 % à la production de la richesse nationale vont se sentir les mal aimés du régime.

D’autres informations ou échanges importants de cette rencontre méritent d’être rapportés. Nous y reviendrons. Aujourd’hui, nous souhaitons mettre l’accent sur la prise en charge des contrôles de qualité des produits laitiers par le Laboratoire National de Santé Publique. La journée mondiale du lait a été l’occasion d’interpeller le gouvernement. Va-t-il répondre positivement à notre recommandation, et donner par là un signal fort envers tous ceux qui se sont déjà impliqué pour construire une filière de qualité qui ne demande qu’à aller de l’avant, avec l’effort de tous? Ou va-t-il condamner ces petites entreprises artisanales à disparaître pour se tourner vers quelques puissances financières, locales ou étrangères ? Affaire à suivre, attentivement !

 

Le 22 juin 2008
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

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