Les APE :

Les Accords de Partenariat Economique, ces mal nommés !

Il y a quelques jours, au hasard d'une lecture, je suis tombé sur ces mots de Camus :

« Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde »

Je ne résiste pas à vous partager ma réflexions à la lecture de ces mots. J'ai pensé aux APE, et je me suis dit : 

Les Accords de Partenariat Économique, ces mal nommés !

Je veux parler des Accords de Partenariat Économique (APE) qui sont le prolongement des accords de Cotonou, et que l'Europe veut signer avec 4 régions d'Afrique (sans compter la région du Pacifique, et celle des Caraïbes).

Ils sont tellement mal nommés, que certains s'interrogent : 

Faut-il parler d'Accords de Partenariat Économique ou d'Accords de Paupérisation Économique ?

La bonne question à se poser : A qui vont profiter les APE ?

  • Certainement à l'Europe qui impose un calendrier implacable (alors qu'il aurait été facile de négocier une dérogation à l'OMC en vue d'obtenir plus de temps pour des négociations difficiles). L'empressement de l'Europe est perceptible, alors que les pays africains négocient sans enthousiasme : Shree Baboo Chekitan Servansing, représentant permanent de Maurice auprès de l’ONU à Genève et coordonnateur du groupe ACP s'exprime ainsi : 

    « La logique qui veut que l’accès aux marchés favorise le développement est dans l’impasse. La libéralisation n’est pas la clé. La preuve : on a beaucoup ouvert nos marchés, et la situation s’est aggravée. »

 

  • Plus grave : ces Accords de Partenariat Économique sont, de fait, des Accords de libre-échange. C'est ainsi qu'ils ont été nommés initialement. C'est ainsi qu'il faudrait continuer à les appeler. Or de tels accords ne profitent pas à tous. Ils profitent à quelques-uns, mais on n'a jamais vu qu'ils profitaient aux petits paysans. Cela veut dire, pour l'Afrique de l'Ouest, que quelques personnes bien placées vont profiter largement de ces accords au détriment de la grande majorité de la population. Au Burkina, par exemple, les agriculteurs et les éleveurs forment plus de 80 % de la population. Il est prévisible qu'ils vont s'enfoncer un peu plus (voire beaucoup plus) dans la misère.

Les APE sont donc incompatibles avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement, notamment avec l'objectif  qui demande de tout faire pour réduire l'extrême pauvreté et la faim de 50 % d'ici 2015.

De façon plus précise, pour la pauvreté, il s'agit de réduire de moitié, entre 1990 et 2015, la proportion de la population dont le revenu est inférieur à un dollar par jour. 

Ceci demande une explication. Il ne s'agit pas vraiment d'un dollar par jour, mais d'un dollar par jour "en parité du pouvoir d'achat", ce qui veut dire que les revenus sont comparés à un même panier à l'échelle mondiale. Ce panier, un habitant des États-Unis peut se l'offrir avec un dollar. Au Burkina Faso, avec 103 FCFA. Soit 3 090 FCFA par mois et par personne.

Prenons pour exemple cette femme peule du quartier Hamdalaye de Ouagadougou. Elle est veuve et a 7 enfants à charge. Sa seule richesse : 3 vaches (3 zébus) qui lui donnent 5 litres de lait par jour. Elle vend ce lait à 300 FCFA le litre (moins d'un 1/2 euro). Elle garde la moitié de ses recettes pour nourrir la famille, l'autre pour acheter de la nourriture pour ses vaches. Son revenu est donc de 750 F par jour. Elle et ses enfants vivent dans l'extrême pauvreté.

Au Burkina, les dernières statistiques de la Banque mondiale indiquent que près de 50 % des Burkinabè vivent dans une extrême pauvreté. La plupart sont des paysans. Tout laisse à penser que les APE vont accroître cette pauvreté rurale.

Source : http://millenniumindicators.un.org/unsd/mifre/mi_series_results.asp?rowId=699 

Maurice Oudet
Président du SEDELAN
le 4 juillet 2006

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