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Afrique de l'Ouest :

la recherche en agronomie est-elle au service des paysans ?

J'ai eu l'occasion de participer ces jours-ci à un atelier de la Confédération Paysanne du Faso sur les politiques agricoles du Burkina Faso. Au cours d'un travail en groupe des producteurs ont étudié un document d'orientation du développement rural. Ce document indiquait que la recherche en agronomie devait être orientée vers les nouvelles technologies.

Les producteurs ont réagi pour dire que toutes les technologies ne sont pas bonnes pour eux. Que les chercheurs devraient être davantage au service des agriculteurs. Ils ont cité le cas des OGM (Organisme génétiquement modifié). "Nous n'avons pas besoin des OGM. Ils vont accentuer notre dépendance vis à vis de l'extérieur. Et pourtant beaucoup d'argent est dépensé au Burkina pour la recherche sur les OGM."

Par là, ils rejoignent la préoccupation de l'ONG GRAIN (Genetic resources action international) qui dans un article daté du 2 février à Cotonou écrit :

Le coton génétiquement modifié envahit l’Afrique de l’Ouest

Les compagnies d'agrochimie les plus importantes dans le monde et le gouvernement des Etats-Unis s’empressent d'introduire en Afrique de l'Ouest, les cultures génétiquement modifiées, à commencer par le coton.

Un nouveau rapport produit par GRAIN montre que Monsanto, Syngenta et Dow Agro Sciences, soutenus par l’USAID, ont élaboré avec le gouvernement du Mali, des plans pour remplacer dans les cinq prochaines années le coton local par des variétés transgéniques. Le coton est le principal produit d’exportation du Mali, et pourtant, ni les agriculteurs, ni les exportateurs, ni le public ne sont au courant de ces plans.

« Le coton Bt est le cheval de Troie des multinationales ; le but est d'introduire en Afrique de l'Ouest les cultures génétiquement modifiées brevetées » déclare Jeanne Zoundjihékpon de GRAIN au Bénin. « La filière coton est bien organisée dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, et les multinationales veulent en profiter. Le coton est une espèce essentielle pour la région, et il est déplorable que les chercheurs du secteur public jouent avec le gagne-pain des citoyens, car les technologies qu'ils apportent n'ont rien à offrir aux agriculteurs, sauf une plus grande dépendance vis-à-vis des compagnies étrangères … »

En 2003, avant que le pays n'ait adopté une législation sur la biosécurité, le Burkina Faso a importé des Etats-Unis deux variétés de coton Bt, l'une de Monsanto et l'autre de Syngenta. Des essais au champ sont en cours sur les stations de recherche de l'Institut Nationale de l'Environnement et de la Recherche Agronomique à Farakoba et à Kouaré.

L'on retrouve la même hâte au Mali. Les chercheurs de l'Institut d'Economie Rurale sont en train de mettre la dernière touche au projet quinquennal qui doit développer et commercialiser le coton transgénique avec l’USAID, Monsanto, Syngenta et Dow Agrosciences. D'après les termes de l'accord, les essais au champ de coton transgénique Bt importé commenceront en 2004. Le projet est en train d'être négocié, sans que les agriculteurs maliens producteurs de coton, qui sont le plus menacés par le transfert imminent de la technologie de modification génétique n’aient été consultés, alors que la Convention sur la diversité biologique ratifiée par tous les pays d’Afrique de l’Ouest, oblige à l’information du public.

« Il y a seulement deux semaines, le groupe d'experts de la Commission Scientifique, Technique et de Recherche de l'Union Africaine a recommandé que ses états-membres considèrent un moratoire sur l'introduction des produits génétiquement modifiés » a dit Mariam Mayet du Centre Africain de Biosécurité (Afrique du Sud). « Mais les produits génétiquement modifiés sont constamment introduits en catimini en Afrique, et mettent la totalité du continent en danger. Les gouvernements africains doivent faire face à ce problème, lors de la prochaine rencontre relative au Protocole de Carthagène sur la biosécurité qui doit se tenir à Kuala Lumpur (Malaisie) dans quelques semaines. »

Dans une étude collective sur les résultats probables de l'introduction du coton Bt en Afrique de l'Ouest, GRAIN a démontré que cette technologie est absolument inappropriée pour les agriculteurs de la région. Contrairement à ce que ses champions prétendent, le coton Bt n’est pas en mesure de réduire l'usage des pesticides, et ne fournira aucun avantage économique aux agriculteurs. Les producteurs locaux de coton, des scientifiques et les ONGs qui ont été consultés pour cette étude ont dit qu’il serait beaucoup plus bénéfique que les institutions publiques concentrent leurs efforts sur le soutien des programmes destinés à réduire l’usage des pesticides. En effet, ces programmes ont déjà fait leurs preuves et ils ne sont pas dépendants des technologies étrangères ; par exemple la lutte étagée ciblée, le traitement sur seuil ou la gestion intégrée de la production et des déprédateurs. Ces programmes peuvent permettre de réduire l’usage des pesticides de 70 –100%, mais ils sont seulement appliqués au Mali dans 10% de la surface cotonnière. Les contraintes ne sont pas d’ordre technique, mais financier car les budgets de ces programmes de recherche sont constamment réduits. Entre temps, l’USAID promet des millions de dollars pour les programmes d’OGM au Mali, si le pays accepte le coton transgénique.

En Afrique de l’Ouest, il n’y a pas moyen de garantir que le coton transgénique, une fois introduit, ne va pas contaminer le coton traditionnel. Les agriculteurs du coton en Afrique de l’Ouest ne peuvent déjà pas rivaliser avec les producteurs subventionnés des Etats-Unis. L’introduction du coton transgénique ne fera que rendre leur situation plus difficile.

Si on consultait les agriculteurs, je suis sûrs qu'ils auraient plutôt demandé que l'Institut d'Économie Rurale du Mali (I.E.R.) reprenne la recherche sur le Fusarium, ce champignon ennemi du "Striga", ce parasite du mil (comme du sorgho et du maïs). Cette recherche était quasiment achevée, et très prometteuse, quand, an l'an 2001, je crois, le responsable de cette recherche a été nommé à la bibliothèque de l'I.E.R. Depuis nous n'entendons plus parlé de ces travaux. Et le Striga continue ses ravages au Sahel. Comment se fait-il que le Mali (avec au besoin l'appui de la France et de l'Union Européenne qui soutiennent différents programmes en faveur de la sécurité alimentaire) ne trouve pas les moyens d'achever et de vulgariser cette recherche ?

Maurice Oudet
Ouagadougou le 20 février 2004

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