L’exploitation paysanne familiale :
moteur du développement.

Dans l’esprit d’un certain nombre de responsables politiques africains et d’acteurs de la société civile, l’expression « exploitation paysanne familiale » évoque pour eux un modèle de production archaïque orientée vers l’autosubsistance. Pourtant quand on fait l’effort d’analyser la réalité, c’est le contraire qui apparaît : l’agriculture paysanne est un modèle de production efficace des aliments. Au Burkina Faso, la plupart des exploitations familiales sont très nettement orientées vers le marché. Une étude récente vient encore de le montrer.

Les éléments qui suivent sont tirés d’un document du TASIM-AO (Transition de l’Agriculture d’autoSubsistance vers une agriculture Intensive durable et Marchande en Afrique de l’Ouest).


Ce document a pour titre : La commercialisation vivrière paysanne au Burkina Faso (Synthèse des études régionales Dédougou, Fada N’Gourma et Kaya). Il s’agit d’un travail de recherche reposant sur l’analyse de 180 exploitations familiales par région. Dans chaque région ces exploitations sont réparties dans neuf villages. Ce qui nous donne 540 exploitations réparties dans 27 villages. De nombreux documents de cette enquête sont disponibles sur le site :

http://www.shl.bfh.ch/fef/feprojektef.htm

Le document lui-même est téléchargeable à l’adresse :

http://www.shl.bfh.ch/fed/docs/TASIM-AO_DocTravailNo6-Synthese.pdf

L’hypothèse du projet de recherche TASIM-AO est que la demande alimentaire croissante des villes peut entrainer le développement agricole paysan, dans la mesure où les agriculteurs et éleveurs sont à même de satisfaire ce marché en expansion rapide. Le pouvoir d’achat urbain crée alors un revenu paysan qui à son tour deviendra un pouvoir d’achat rural pour des biens de production et de consommation issus du milieu rural et des villes.

Si cette circulation monétaire interne au pays s’installe, impulsée par le pouvoir d’achat urbain croissant, elle entraînera à la fois le développement paysan, rural et urbain .

Si ce circuit des pouvoirs d’achat interne au Burkina Faso ne se s’instaure pas, si le pouvoir d’achat urbain s’oriente vers des vivres et des biens de consommation importés, le milieu rural dépérira, s’appauvrira et par conséquent il ne stimulera pas l’écoulement des biens et services offerts à la campagne par les villes.

L’hypothèse du projet de recherche est donc que la demande alimentaire croissante des villes peut

initier un développement endogène puissant, à la fois paysan, rural et urbain. Cette demande alimentaire urbaine ne peut toutefois être satisfaite par le milieu agricole burkinabé que si :

1 les agriculteurs sont à même et désireux de satisfaire cette demande,

2 les filières alimentaires nationales sont efficaces, compétitives par rapport aux importations, et

3 si les consommateurs urbains sont disposés à consommer les produits agricoles nationaux.

Nous ne pouvons pas résumé ici le volumineux travail qui a été fait pour réaliser les enquêtes sur le terrain, ni en donner tous les résultats. Nous voulons surtout attiré l’attention des organisations paysannes de la sous-région, et les invités à étudier sérieusement les conclusions de cette enquête. Elle peut efficacement les aider à préciser leur vision d’une politique agricole digne de ce nom. Elle leur permettra aussi de la défendre sur des bases solides.

En conclusion : une des conclusions de ce travail de recherche (doc. Cité page 41) :

Une agriculture familiale performante :

Considérant les Constats et conclusions du chapitre 8.1 ci-dessus, il n’est pas nécessaire, en vue d’accroître et de moderniser la production vivrière, d’implanter de « nouveaux acteurs » en milieu rural, sur de grandes surfaces cultivées à la mécanisation lourde. L’étude de Toulmin et Guèye (juin 2003, p. 42ff. et tableau 3 en particulier) montre que la traction animale est économiquement au moins aussi rentable et performante, sinon plus, que celle basée sur le tracteur.

Cette dernière mécanisation ne semble de fait souvent pas rentable et absorbe des crédits de faveur considérables, qui entraînent une concurrence déloyale des « nouveaux acteurs » par rapport aux agriculteurs et éliminerait beaucoup de petits producteurs. Une stratégie de promotion d’une agriculture à grandes structures mécanisées serait non seulement peu rentable et déloyale, mais elle absorberait les crédits agricoles et autres appuis publics limités, tout aussi nécessaires pour la modernisation des exploitations traditionnelles.

Or notre étude, comme celle de Toulmin/Guèye, montre la performance et le potentiel de

l’agriculture familiale, qui évolue rapidement, mais de manière organique (progressive), vers des systèmes plus intensifs et générateurs d’excédents. Il ne fait pas de doute que certaines exploitations familiales vont se moderniser et mécaniser spontanément dès que le seuil de rentabilité sera atteint. On ne s’improvise pas agriculteur !

Comme les ventes alimentaires par unité de surface ne sont pas liées à la superficie cultivée d’une exploitation, les exploitations petites à moyennes (3 à 10 ha) peuvent aussi avoir une commercialisation vivrière importante à l’unité de surface. Considérant le manque d’emplois non agricoles, il vaut mieux poursuivre une stratégie d’intensification de la production chez le plus grand nombre possible d’exploitants.

Le document propose également des mesures concrètes pour appuyer ces exploitations paysannes familiales.

Maurice Oudet
Koudougou le 14 mai 2004

FaLang translation system by Faboba