Enfin une bonne nouvelle du côté de l’Afrique de l’Ouest et des Accords de partenariat économique (APE) !
Depuis plus de 4 ans, la société civile du Burkina et plus largement de l’Afrique de l’Ouest (notamment à travers ses organisations paysannes, comme la Confédération Paysanne du Faso, au Burkina, et le Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l'Afrique de l'Ouest) n’a cessé de dire : « STOP aux APE sous leur forme actuelle », c’est à dire celle que l’Union Européenne cherchait à imposer aux pays ACP. Aujourd’hui, elle peut se réjouir. Elle a été entendu !

Pour en rendre compte, nous vous proposons la Lettre hebdo d’Afdi (Agriculteurs français et développement international), n°181, du 1er au 7 octobre 2007 ( Sources : AFP, Abidjan.net, Allafrica, CEDEAO-UEMOA, Commission européenne, Le Quotidien de Dakar, Reuters).

Nous voulons un accord « qui réponde aux ambitions de développement économique et social de nos pays et de nos populations »

Depuis la fin de l’année 2003, l’Union européenne et six blocs de pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP1) sont engagés dans un processus de négociations régionales d’Accords de partenariat économique (APE), volets commerciaux de l’Accord de Cotonou qui, depuis 2000, redéfinit les relations de coopération entre l’Europe et les ACP. Les APE sont des accords commerciaux devant promouvoir le développement par la mise en place de zones de libre-échange partiel entre l’Union européenne et chacune des régions ACP. Ils doivent succéder à des accords commerciaux préférentiels non compatibles avec les règles de l’OMC. En 2001, l’institution commerciale multilatérale a accordé aux ACP et à l’Union européenne une dérogation jusqu’au 31 décembre 2007 pour la réforme de ces régimes commerciaux.

Vendredi 5 octobre, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui représente l’Afrique de l’Ouest dans la négociation de l’APE, a officiellement demandé un report des négociations. Réunis en session extraordinaire à Abidjan, en Côte d’Ivoire, les membres du Comité ministériel de suivi des négociations de l’APE (CMS)2 ont « constaté que l’importance des activités qui restent à entreprendre […] ne permet pas objectivement, selon les deux parties, la conclusion d’un accord global, équilibré qui prenne en compte les préoccupations de l’Afrique de l’Ouest ».

Le CMS estime en particulier que l’élaboration du texte de l’accord est insuffisamment avancée et que les conditions de mise en place et de financement des mesures d’accompagnement de l’APE ne sont pas réunies. Il considère également que la région n’est pas prête à formuler une offre d’accès à ses marchés des marchandises et des services, ses travaux concernant notamment la constitution des listes de « produits sensibles » pouvant être exclus de la libéralisation n’étant pas finalisés. Le CMS précise aussi que l’impact fiscal de l’APE sur les économies ouest-africaines n’a pas été évalué. En 2003, les recettes fiscales des pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) représentaient entre 16 et 17% du PIB et, des estimations chiffrent à près de 2,8 milliards d’euros le coût d’ajustement lié à la mise en œuvre de l’APE dans la CEDEAO. Le CMS souligne enfin que les modalités de compensation des pertes fiscales liées à la libéralisation commerciale ainsi que le mécanisme de suivi et d’évaluation de l’APE restent à définir.

En conséquence, le CMS demande à l’Union européenne « un délai supplémentaire au delà du 31 décembre 2007 » pour poursuivre et conclure les négociations de l’APE, et « exhortent l’Union européenne » à déposer auprès de l’OMC une demande de prolongation de la dérogation en cours. Ceci afin de « maintenir le régime actuel de Cotonou de façon à ne pas pénaliser les exportations de la région, notamment pour les pays non PMA »3, selon des propos de Mohamed Ibn Chambas, président de la Commission de la CEDEAO. « L’APE a pour objectif de donner un nouveau cadre juridique sécurisé pour nos échanges commerciaux, mais surtout de conclure un bon accord, juste, équitable, un accord mutuellement avantageux qui réponde aux ambitions de développement économique et social de nos pays et de nos populations » a ajouté M. Chambas.

Dans un interview donné à Reuters le 8 octobre, Peter Power, le porte-parole du Commissaire européen au Commerce Peter Mandelson, a déclaré que « notre dérogation expire à la fin de cette année et nous avons besoin d’un nouveau régime (commercial) avant la fin de cette année ». Peter Mandelson a lui-même rappelé à plusieurs reprises ces derniers mois qu’il était inenvisageable de demander à l’OMC une nouvelle dérogation, notamment parce que les autres pays en développement membres de l’OMC n’accepteraient pas le maintien des accords préférentiels UE-ACP. Ablasse Ouedraogo, conseiller spécial de Mohamed Ibn Chambas, a lui déclaré à la même agence de presse que « nous aurons le temps de poursuivre les négociations avant que l’OMC n’intente une action (contre nous) », ajoutant que « cela devrait nous prendre moins de deux ans (pour finaliser les négociations) ».

A défaut d’accord global, la Commission européenne espérait que l’Afrique de l’Ouest accepte de s’engager en faveur d’un « APE allégé », formule proposée à la fin du mois de septembre par Peter Mandelson et Louis Michel, le Commissaire européen au Développement. Cet accord à minima, « OMC-compatible », serait recentré sur le commerce des marchandises et représenterait une étape dans l’élaboration d’un accord complet. Les représentants de l’Afrique de l’Ouest ont considéré que cet APE allégé « n’est pas porteur de développement et est fondé sur l’aspect le plus controversé des négociations, à savoir l’ouverture des marchés » et qu’il n’est pas négociable d’ici le 30 octobre, date butoir pour une application au 1er janvier 2008.

1 Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale, Afrique Orientale et Australe, Afrique Australe, Caraïbe, Pacifique.

2 La région Afrique de l’Ouest a mis en place une structure pour conduire et suivre les négociations, articulée notamment autour d’un Comité ministériel de suivi des négociations qui réunit des représentants des Etats de la CEDEAO et de l’UEMOA, les deux entités sous-régionales ouest-africaines.

3 Les conventions commerciales actuellement en vigueur entre l’Union européenne et les ACP accordent à la quasi-totalité des importations en provenance des pays ACP un accès libre et illimité sur le marché européen.

La Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria sont les trois pays de la CEDEAO qui ne sont pas classés dans la catégorie des Pays les moins avancés (PMA). Tous les autres membres de la CEDEAO sont des PMA et bénéficient d’un accès libre et illimité au marché européen dans le cadre de l’initiative « Tout sauf les armes ».

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