Il y a quelque temps, un ami me rapportait sa conversation avec un éleveur, un pasteur qui se déplace souvent avec son troupeau dans l'est du pays. Il lui disait que lorsqu'il se déplace ainsi avec ses bêtes il préfère rencontrer le lion que le garde forestier. Cette conversation en dit long sur le climat qui règne entre les pasteurs et l'administration. |
« Je préfère rencontrer le lion que le garde forestier ! » |
Il y a quelque temps, un ami me rapportait sa conversation avec un éleveur, un pasteur qui se déplace souvent avec son troupeau dans l'est du pays. Il lui disait que lorsqu'il se déplace ainsi avec ses bêtes il préfère rencontrer le lion que le garde forestier. Cette conversation en dit long sur le climat qui règne entre les pasteurs et l'administration. A cela, plusieurs raisons. Il est clair qu'il arrive qu'un pasteur soit réellement en infraction quand il se déplace avec son troupeau. Notamment quand il coupe toutes les branches d'un arbre pour donner à manger à ses bêtes. Et alors, c'est à juste titre qu'il peut craindre le garde forestier. Mais il est tout aussi certain que des gardes forestiers profitent de l'ignorance des éleveurs pour les menacer d'amendes très élevées et même de prison... pour ensuite négocier à l'amiable et arrondir ainsi leurs fins de mois. On peut même se demander jusqu'à quel point l'administration souhaite vraiment aider les éleveurs à sortir de l'ignorance. Depuis que je m'intéresse à la filière lait et que je rencontre des communautés d'éleveurs, je vais de surprise en surprise. Je découvre une demande très forte et bien répandue d'alphabétisation en fulfulde (la langue des peuls). Mais je découvre aussi que parfois cette demande s'est exprimée il y a plusieurs années, sans qu'elle ait été prise en considération. En écrivant cela, je pense à ce vieux chef peul , à qui on a répondu : "Si vous voulez être alphabétisés en fulfulde, vous n'avez qu'à vous rendre à Dori", à plus de 500 km de son village ! Il y a 15 jours, je me demandais comment faire ? Où trouver tous les moniteurs pour répondre à cette forte demande d'alphabétisation. Ayant interrogé l'un ou l'autre directeur provincial de l'alphabétisation pour lui demander s'il disposait de moniteurs pour le fulfuldé dans sa province, tous m'ont répondu qu'ils n'en n'avaient pas, qu'il fallait les faire venir d'ailleurs; ce qui ne facilite rien et augmente les charges. Mais je viens d'avoir deux bonnes surprises. J'ai rencontré deux communautés peules proches d'un village ayant une école. Ces communautés demandaient à être alphabétisées en fulfulde. Mais dans la conversation, j'ai appris que plusieurs jeunes peuls, surtout des hommes, avaient été à l'école (jusqu'au CM2, et même parfois jusqu'en 4°), puis avaient suivi l'alphabétisation en jula. Certains étaient même moniteurs d'alphabétisation en jula ! A ces derniers j'ai offert quelques livres en fulfulde (car ils n'en avaient pas), pour qu'ils se familiarisent avec l'écriture de leur langue. Cela ne semble pas leur donner trop de difficultés. En décembre, nous organiseront une formation pour eux. Sauf imprévu, ils seraient disponibles en janvier 2008 pour animer des groupes en fulfulde. Certains resteront dans leur village, d'autres iront dans des villages plus ou moins éloignés. Je suis convaincu qu'il existe à travers le Burkina Faso de nombreuses situations semblables. Et donc qu'avec une réelle volonté politique et un minimum d'organisation, il est possible de répondre à cette demande forte de formation de la part des éleveurs. Ce qui, à mon sens, devrait permettre de réduire les conflits, de plus en plus fréquents, entre éleveurs et agriculteurs et ainsi renforcer la paix sociale. Koudougou, le 2 juillet 2007 |