Conte moderne du Burkina Faso :

Un de mes amis paysans dans le nord-ouest du pays, un ancien combattant, aimait bien, à la veillée, au clair de lune, raconter ce conte.

L'histoire se passe, disait-il, en France, en mai 1968. Il fait déjà nuit. La poule s'est barricadée dans son poulailler, quand le renard approche. Il s'arrête devant le grillage et ouvre sa radio. Le journaliste est en train de décrire la grève des étudiants et explique que partout sur les murs, il est écrit " Il est interdit d'interdire ! ". Le renard ferme son poste de radio et se tourne vers la poule.

Les Accords de Partenariat Economique entre l'Union Européenne et l'Afrique (APE) :

Le renard invite la poule à s'adapter au monde moderne !

Conte moderne du Burkina Faso :

Un de mes amis paysans dans le nord-ouest du pays, un ancien combattant, aimait bien, à la veillée, au clair de lune, raconter ce conte.

L'histoire se passe, disait-il, en France, en mai 1968. Il fait déjà nuit. La poule s'est barricadée dans son poulailler, quand le renard approche. Il s'arrête devant le grillage et ouvre sa radio. Le journaliste est en train de décrire la grève des étudiants et explique que partout sur les murs, il est écrit " Il est interdit d'interdire ! ". Le renard ferme son poste de radio et se tourne vers la poule.

" Tu as entendu ? Les temps ont changé ! Il est maintenant interdit d'interdire ! "

" Et alors, lui demande la poule, qu'est-ce que ça change pour nous ? "

" Cela veut dire que si tu veux être quelqu'un de moderne, dès demain matin, quand tu sors de ton poulailler, tu laisses la porte ouverte. Tu ne peux plus interdire à quelqu'un d'entrer chez toi ! " Là-dessus, il continue sa route.

Le lendemain matin, après une bonne nuit, la poule se réveille en pleine forme, et sort à la recherche de nourriture. Elle allait fermer la porte de son poulailler quand elle se rappelle ce que le renard lui a dit. Et elle laisse la porte ouverte, en se disant : "Bien sûr que je suis quelqu'un de moderne !"

Le soir, elle rentre chez elle pour se reposer. Cette fois encore, elle allait fermer la porte. Mais elle se reprend. " Tu oublies que tu es moderne ! Laisse donc la porte ouverte. Il faut t'adapter au monde d'aujourd'hui. Sinon, le renard va venir se moquer de toi ! " Elle laisse donc la porte ouverte. Et bientôt, elle s'endort du sommeil du juste !

Peu de temps après, le renard approche du poulailler sans faire de bruit. Il se demandait : " Est-ce que la poule sera assez bête pour avoir laissé la porte ouverte?" Arrivé devant la porte, il ne tarde pas à voir qu'elle est grande ouverte ! Il n'a qu'un bond à faire pour saisir la poule et la dévorer !

Ce conte, me semble-t-il, illustre à merveille le discours que l'Europe tient aux pays africains, et comment elle conduit ces mêmes pays africains à signer des accords aux conséquences dramatiques pour les populations africaines.

  • J'ai assisté à Bruxelles à une rencontre entre la Commission européenne et les députés qui suivent les négociations en vue de la signature des APE. Le représentant de la Commission européenne expliquait qu'il n'y avait pas d'alternative au libéralisme actuel. Que l'Europe ne pouvait faire qu'une chose en faveur des pays ACP (d'Afrique - des Caraïbe et du Pacifique) : les aider à moderniser leurs économies et donc à ouvrir leurs frontières. Il a eu cette expression : "Le libéralisme, c'est la vie !" En d'autres termes : " Soyez modernes ! Acceptez le libre-échange ! "

  • L'Europe persuade les pays africains que s'adapter au monde d'aujourd'hui, cela veut dire : "Laissez la porte ouverte ! Supprimez vos droits de douanes ! Acceptez le libre-échange pur et dur ! "

  • Si l'Europe était moins hypocrite et moins dure envers les pays de l'Afrique de l'Ouest, elle tiendrait un tout autre langage. Elle pourrait lui dire : " Vous voulez développer votre production laitière ? Commencez par taxer le lait en poudre à l'importation ! Regardez ce que nous faisons ! Notre filière lait est beaucoup plus développée que la vôtre. Ce n'est pas pour cela que nous avons cessé de la protéger ! Nous taxons le lait en poudre à l'importation à 75 %, alors que vous ne vous protéger qu'à 5 % ! " Et l'Europe aurait bien d'autres exemples à donner !

  • L'Europe pourrait dire aux pays africains : " Profitez de notre expérience. Quand nous négocions un accord de libre-échange avec d'autres pays, nous prenons bien garde de tout libéraliser. Nous proposons de libéraliser là où nous trouvons notre intérêt, mais nous refusons de libéraliser le commerce de nombreux produits, quand cela serait défavorable à nos producteurs. Vous devriez exclure de la libéralisation au moins autant de produits que nous dans nos accords de libre-échange avec le Chili (471 lignes tarifaires ont été exclues de toute réduction), avec le Mexique (631 lignes tarifaires ont été exclues de toute réduction) et avec l'Afrique du Sud (324). " Ces lignes tarifaires portent notamment sur les viandes, les produits laitiers, les céréales et les farines, le sucre, les préparations alimentaires.

  • Si l'Europe voulait vraiment construire un partenariat au lieu de renforcer sa domination sur l'Afrique, elle donnerait d'utiles conseils à l'Afrique de l'Ouest. Elle pourrait lui dire de faire comme elle, et donc d'instaurer deux sortes de taxes à l'importation (les deux pouvant s'appliquer en même temps). Prenons un exemple. Pourquoi ne pas taxer le riz importé à 20 % au lieu des 10 % actuels, et ajouter une taxe forfaitaire par kilo, par exemple de 100 FCFA. C'est un procédé que l'Europe utilise fréquemment. Pourquoi pas l'Afrique de l'Ouest si elle veut développer son agriculture ? On pourrait aussi ajouter une taxe de 1000 FCFA par poulet importé. C'est un procédé courant dans d'autres pays. Et nous pourrions multiplier les exemples. C'est dire que le TEC (Tarif Extérieur Commun) est à reprendre dans son ensemble.

Mais l'Europe se comporte avec les pays africains comme le renard avec la poule de notre conte. Et hélas, les pays africains comme la poule avec le renard. Qui, quel évènement sera encore capable d'aider les uns et les autres à changer de comportement ?

 

Koudougou, le 6 mai 2007
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

 

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