Or le prix de revient d'un kilo de coton-fibre burkinabé est de l'ordre de 7,20 FF. Pour l'Etat burkinabé, c'est une perte de plus de 40 milliards de FCFA (400 millions de FF). Aussi pour pouvoir continuer à payer ses fonctionnaires, l'Etat a demandé à la Banque Mondiale un prêt de 40 milliards de FCFA, au risque de s'enfoncer un peu plus dans la dette.
Jusqu'à aujourd'hui, le coton faisait vivre environ dix millions de producteurs ouest-africains. Que vont-ils devenir s'ils doivent arrêter cette culture dès la saison prochaine ?
Nous devons nous demander qu'est-ce qui provoque une telle situation ? Bien sûr, la surproduction mondiale. Mais ce n'est pas tout. Tous les analystes sont d'accord pour affirmer que cette surproduction est provoquée, essentiellement, par les subventions des Etats-Unis et de l'Union Européenne à leurs producteurs de coton. C'est pourquoi, les producteurs de coton du Bénin, du Burkina Faso, et du Mali, à travers leurs organisations ont lancé un appel solennel : que les USA et l'Union Européenne arrêtent de subventionner leurs propres producteurs. Ils ajoutent : "Nous demandons à tous ceux qui veulent construire un monde plus juste et fraternel de se joindre à nous pour faire pression sur les États-Unis et l'Union Européenne pour qu'ils suppriment ces subventions ". (Le texte complet de cet appel se trouve sur le web - www.abcburkina.net -. On trouvera sur ce site beaucoup d'autres informations relatives au coton et plus largement au monde rural du Burkina Faso).
Missionnaire d'Afrique, responsable d'éditions au service des paysans du Burkina, j'ai été passé Noël à Boni : un village dont tous les habitants produisent du coton. J'ai été étonné de voir combien ils étaient peu informés de la situation (car cette année ils ont été payés grâce aux économies des années précédentes). A la fin toute l'assemblée est restée, et j'ai fait un véritable cours d'économie rurale et mondiale, devant une assemblée très attentive. Ensuite, quelques chefs de famille sont restés et nous avons continuer notre réflexion. Tous étaient devenus conscients de la gravité de la situation, mais aussi très étonnés. Ils pensaient que les pays du Nord les aidaient à avancer, et voilà qu'ils découvrent une autre réalité.
Nicodème Biwando, chef de famille, a expliqué que s'il devait arrêter la culture du coton, il ne pourrait plus payer la scolarité de ses deux fils qui sont au collège. Même l'achat de médicaments pour la santé de sa famille deviendrait un problème. Puis, il a terminé en disant : "Il faut dire aux Américains et aux Européens que nous sommes tous dans un même monde, ils sont des frères, nous avons besoin les uns des autres. Il ne faut pas qu'ils organisent leur travail (allusion aux subventions aux producteurs de coton) comme s'ils étaient dans un autre monde, à part. Leur façon de faire n'est pas bonne, puisqu'ils nous empêchent, nous, d'avancer. Qu'ils cherchent une solution, pour que tous ensemble, eux et nous, nous puissions avancer.""
En quelques mots simples, il traçait tout un programme pour nos hommes politiques : la mondialisation telle qu'elle fonctionne aujourd'hui n'est pas bonne, puisqu'elle exclut du monde des millions de producteurs dont la seule faute est d'être nés dans un pays pauvre. Parole de sagesse, qui interpelle les pays industrialisés au moment où il est prévu de relancer les négociations au sein de l'O.M.C. Il y a des formes d'aide à l'agriculture qui doivent être supprimées : celles qui étouffent les pays du Sud. L'aide aux producteurs de coton des Etats-Unis et de l'Union Européenne en fait partie. Saurons-nous entendre l'appel de Nicodème Biwando, un des dix millions de producteurs de coton de l'Afrique de l'Ouest ?
Maurice Oudet
Missionnaire d’Afrique (Père Blanc)
25 décembre 2001