Négociations sur le coton à l’OMC . Que veut dire l’affirmation :
"Toutes les formes de subventions à l'exportation pour le coton seront éliminées par les pays développés en 2006" ?
Nous avons reçu, cette semaine, un document très intéressant (et très bien documenté) de Jacques Berthelot sur les négociations en cours à l’OMC sur le coton. Ce document commence par analyser la communication faite par les 4 pays africains (Bénin, Burkina Faso, Mali et Tchad) co-auteurs de l'Initiative sectorielle sur le coton à l'OMC. Ce groupe de 4 pays est parfois appelé C4. D’où le titre du document :
Le C4 doit revoir son argumentation pour sauver le coton africain à l'OMC
Réflexions à partir de la communication du C4 à l'OMC du 1er mars 2006
Solidarité ( http://solidarite.asso.fr )
14 mars 2006
L’aspect technique du document dépasse le cadre d’un simple abc Burkina ! Aussi nous nous proposons de vous en présenter l’essentiel. Ceux qui voudrait en savoir plus pourront télécharger le document.
L’auteur commence par une fine analyse de la communication du C4 à l’OMC, pour conclure : « Pour sauver leurs producteurs de coton les pays africains Membres de l'OMC et leur porte-parole du C4 doivent changer leur fusil d'épaule et réajuster leur stratégie. Ils doivent réaliser que, au-delà de leurs beaux discours, leurs principaux partenaires – l'UE, les USA et leur bras armé, le FMI – ne leur feront pas de cadeaux et poursuivront des intérêts égoïstes. Ils doivent comprendre que les Accords de l'OMC – l'Accord sur l'agriculture, l'Accord-cadre et la Déclaration de Hong-Kong – sont pleins de pièges puisqu'ils ont été conçus par ces puissants Membres pour perpétuer leur dumping en transférant leurs subventions d'une "boîte", censée avoir plus d'effets de distorsion des échanges, dans d'autres qui en auraient moins et en trichant en outre massivement dans leurs notifications et la conformité de leurs politiques agricoles avec ces règles. »
L’auteur nous invite surtout à faire la distinction entre non seulement le soutien interne au coton et les subventions à l’exportation (ce qui est classique), mais aussi entre le soutien interne au coton et le soutien interne au coton exporté (ce qui constitue le coeur de son argumentation).
La Déclaration de Hong Kong (paragraphe 11) stipule que "Toutes les formes de subventions à l'exportation pour le coton seront éliminées par les pays développés en 2006". Comment interpréter cette expression :
« Toutes les formes des subventions à l’exportation pour le coton » ?
Il s’agit en premier lieu des subventions formelles à l’exportation. Mais ce n’est pas tout ! Depuis bientôt 5 ans, on peut noter une évolution positive de l’Organe des règlements des différents (ORD) de l’OMC. Aujourd’hui, quand un produit est exporté en-dessous de ses coûts de production grâce à des subventions internes, ces subventions sont considérées comme des subventions à l’exportation. C’est ce qui ressort de différents jugements qui ont été rendus par l’Organe d’appel de l’OMC. C’est ainsi que le 3 décembre 2001 un jugement a été rendu sur les Produits Laitiers du Canada. Il se prononce en ces termes : "La distinction entre les disciplines en matière de soutien interne et les disciplines en matière de subventions à l'exportation, définies dans l'Accord sur l'agriculture, serait également affaiblie si un Membre de l'OMC était habilité à utiliser le soutien interne, sans limite, pour soutenir les exportations de produits agricoles (paragraphe 91)… Le potentiel qu'ont les Membres de l'OMC d'exporter leur production agricole est préservé, pour autant qu'aucune vente destinée à l'exportation, effectuée par un producteur à un prix inférieur au coût de production total, ne soit financée en vertu d'une mesure des pouvoirs publics" (paragraphe 92).
Le jugement du 4 avril 2005 sur le coton fait référence à ce précédent.
Puisque, en 2005, 70% de la production de coton des USA ont été exportés, 70 % des subventions internes doivent être considérés comme des subventions à l'exportation !
Si nous essayons de chiffrer tout cela, voici ce que nous obtenons :
Les subventions formelles à l’exportation s’élèvent à 132 millions de $.
Comme les subventions totales au coton pour 2005 sont estimées à 4,692 milliards de $ – elles n'ont jamais été aussi fortes –, cela ferait 4,560 milliards de $ de subventions dites internes, mais dont 70 %, soit 3,190 milliards de $, sont en réalité des subventions à l'exportation.
On doit donc estimer qu’en 2005 les subventions à l’exportation des USA au coton se sont élevés à 3,322 milliards de dollars (3,190 milliars + 0,132 milliard). Les subventions formelles à l’exportation ne représentant que 2,8 % de l’ensemble des subventions ; ou encore 4 % des subventions (soutien interne au coton exporté compris) à l’exportation. D’où l’intérêt de mettre en évidence que l’accord de Hong-Kong doit s’appliquer, comme cela a été signé, à
« Toutes les formes de subventions à l'exportation ».
C’est là-dessus que maintenant le combat doit porter.
Comme l’écrit Jacques Berthelot, « puisque le C4 prétend s'appuyer sur ces règles de l'OMC, qu'il s'appuie aussi sur la jurisprudence de son Organe de règlement des différends pour exiger que toutes les subventions internes allant au coton exporté soient considérées comme des subventions à l'exportation et éliminées en 2006. A tout le moins le C4 doit exiger que la majeure partie des subventions internes, celles allant au coton exporté, soit astreinte à une réduction bien plus forte et bien plus rapide que celle qu'il a proposée le 1er mars pour les subventions internes au coton en général. »
L’étude de Jacques Berthelot contient d’autres éléments importants. Nous y reviendrons dans un prochain abc Burkina. Mais vous pouvez aussi, dès maintenant, lire le document en son entier en cliquant ici.
Koudougou, le 15 mars 2006
Maurice Oudet