Le coton dans l’accord cadre du 1° août 2004 de l’OMC
La décision adoptée, le 1er août 2004, par le Conseil général de l’OMC, à Genève, expose le cadre des futures négociations sur l’agriculture, dans lequel il est spécifié que la question du coton sera traitée de manière « ambitieuse, rapide et spécifique » et qu’une complémentarité sera recherchée entre les aspects relatifs au commerce et ceux relatifs au développement dans la question du coton. Ceci est une réalisation significative des quatre pays producteurs de coton de l’Afrique de l’ouest, qui, en mai 2003, ont présenté à l’OMC une proposition intitulée : ‘Réduction de la pauvreté : Initiative sectorielle sur le coton’, en exigeant un accord sur un système de réduction visant la suppression des subventions sur le coton dans une ‘première phase’ de manière accélérée (early harvest), ainsi qu’une compensation pour les producteurs de coton des PMA tant que les subventions resteront en place. Ceci témoigne de la force des alliances, forgées avant, durant et depuis Cancun, autour de cette question, que ce soit et entre gouvernements des pays en développement et ou entre ces gouvernements, les producteurs de coton, les industries de transformation et les acteurs de la société civile plus large.
A Cancun, il y avait un vaste abîme entre la position des Etats-Unis et celle des pays de l’Afrique de l’ouest producteurs de coton et leurs alliés, les premiers ne reconnaissant pas que leurs subventions étaient un problème et exhortant les pays en développement à recourir aux programmes d’aide pour diversifier leur agriculture en se détournant de la production de coton fortement concurrentielle. Les Etats-Unis, comme l’UE, ont totalement rejeté la demande de compensation.
Depuis Cancun, une question centrale pour les pays d’Afrique de l’ouest reste la nécessité de prendre en compte la question du coton séparément des négociations plus larges sur l’agriculture. Ceci est dû à l’urgence que revêt la question pour les moyens de subsistance de millions de petits agriculteurs de la région, et en conséquence à la nécessité de garantir une action rapide sur les subventions qui faussent les échanges, au lieu d’une simple déclaration générale de principes. A ce titre, la proposition sur le coton est devenu un test décisif de la volonté politique des pays développés de s’engager sur le mandat de Doha concernant la réduction des subventions internes ayant des effets de distorsion des échanges.
Toutefois, les Etats-Unis et l’UE, de même que le Secrétariat de l’OMC, ont exercé des pressions considérables sur les pays producteurs de coton pour les amener à fondre leurs revendications dans le dossier plus large de l’agriculture. Tout en exigeant une flexibilité de la part des pays en développement, les négociateurs américains ont fait clairement savoir en privé que le coton était pour eux une question ‘ligne rouge’, c'est-à-dire une question sur laquelle les discussions pourraient buter pouvant mener à l’échec des négociations.si elles n’allaient pas dans le sens qu’ils souhaitaient.
Dans le premier projet de texte diffusé, le 16 juillet, par le président du Conseil général, la question du coton était clairement inscrite dans l’agriculture, mais sans garanties de traitement spécifique, sans calendrier et sans mécanismes concrets proposés pour faire rapport sur les aspects relatifs au commerce de la question du coton. Non seulement ceci, mais De plus, les nouvelles propositions concernant la définition de la catégorie bleue dans le cadre plus large de l’agriculture, impliquaient au moins que certains programmes américains de subventions – notamment ceux relatifs au coton jugés illicites par la décision de juin du groupe spécial sur le coton demandé par le Brésil - pourraient être reclassés comme des subventions à la production légitimes.
En réponse, les pays producteurs de coton ont préparé une contre-proposition, présentant les éléments minimaux nécessaires pour renforcer le texte en termes de spécificité, de calendrier et de mécanismes, si le coton devait être inclus dans le cadre de l’agriculture. Les négociations finales ont eu lieu durant 13 heures de discussions bilatérales entre les négociateurs américains et les représentants des quatre pays, au siège de la délégation américaine. En outre, l’équipe de l’Afrique de l’ouest était politiquement affaiblie par l’absence d’au moins deux ministres qui suivaient un ‘Programme d’orientation de l’industrie du coton’ aux Etats-Unis, à l’invitation de USDA et du National Cotton Council. Durant ces discussions bilatérales, les pays africains ont finalement consenti à incorporer leur initiative à l’accord aux négociations sur l’agriculture, jouant ainsi leur principale carte de négociation. En échange, de petites modifications ont été apportées au texte du 16 juillet pour y inclure le mot de manière « spécifique » à côté de « ambitieuse » et « rapide ». Une référence directe a également été faite à la proposition initiale sur le coton dans le texte, comme base de négociation et ; un mécanisme de sous-comité sur le coton est proposé pour faire rapport à la session spéciale du Comité de l’agriculture sur les progrès dans les discussions commerciales sur le coton, séparément de toutes les autres initiatives sectorielles.
Toutefois, il y a de nombreuses insuffisances dans le texte final, par rapport à la portée et à l’importance de la proposition initiale des pays producteurs de coton :
En premier lieu, il n’y a aucun objectif concret fixé en ce qui concerne la réforme des subventions, bien qu’il y ait une référence à la proposition sur le coton qui énonce effectivement des objectifs ;
En second lieu, si l’expression ‘de manière rapide’ apparaît dans le texte, aucun calendrier n’est donné et il n’y a aucun engagement spécifique pour une approche rapide sur le coton dans les négociations sur l’agriculture. Ceci signifie que le coton peut être utilisé comme monnaie d’échange pour obtenir d’autres concessions. En outre, l’absence de délai spécifique signifie qu’il y a le risque que les négociations sur le coton progressent en parallèle avec les négociations agricoles, donc sans reconnaissance de la spécificité et de l’urgence de la situation du secteur du coton en Afrique.
En troisième lieu, le mécanisme de sous-comité proposé pour suivre la question est faible et n’a pas de lien direct au Conseil général, de sorte que le coton risque de disparaître de l’agenda de négociation principal. Toutefois, le coton devra être inclus dans le rapport adressé au Comité des négociations commerciales par le président de la Session spéciale sur l’agriculture.
Enfin, la question de la compensation est totalement marginalisée et remplacée simplement par des exhortations générales aux pays bailleurs et aux agences multilatérales pour qu’ils coordonnent les efforts, qu’ils orientent les programmes additionnels et réorientent les programmes existants vers l’appui au développement du secteur du coton. De plus, le fait que le lien entre la compensation et les subventions existantes aient été abandonnées montre que la considération rétroactive des préjudices pour les pays producteurs de coton est à présent retirée de manière effective des négociations de l’OMC.
Bien que jouissant d’une lecture essentiellement positive dans le matraquage médiatique qui a immédiatement suivi l’annonce, les réactions des organisations d’agriculteurs et de l’Association des industries du coton en Afrique (ACA) ont été très critiques à l’égard du texte, qui est bien en deçà de leurs attentes en termes d’engagements concrets. Selon le président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB), François Traoré, également président de la fédération nationale des agriculteurs : ‘Nous ne pouvons pas dire que nous sommes satisfaits de la manière dont les propositions avancées dans l’initiative sur le coton ont été prises en compte … Aujourd’hui, le prix du coton fibre est à 600 FCFA le kilogramme, ce qui va entraîner encore une fois une perte importante pour les producteurs africains. A ce rythme, la filière coton risque de disparaître en Afrique…’
Les négociations reprendront sérieusement à partir de septembre, à Genève et il est crucial que préalablement à ceci :
Les négociateurs des pays producteurs de coton conviennent d’une stratégie claire pour garantir que les déclarations générales de principe sur le coton, dans le texte cadre sur le coton, serontont traduites en engagements spécifiques, en termes d’objectifs, de calendriers et de mécanismes de mise en œuvre ;
Le sous-comité du coton qui fait rapport à la session spéciale du Comité de l’agriculture bénéficie de la participation d’alliés influents, ainsi que d’une représentation importante des pays africains producteurs de coton eux-mêmes ;
Il est également essentiel que l’alliance la plus large possible continue d’appuyer leurs négociations à Genève et que les pays influents à l’OMC continuent de s’investir dans le débat ;
Les organisations d’agriculteurs, les compagnies cotonnières et les acteurs de la société civile continuent de se mobiliser pour encourager les efforts de négociations de leurs gouvernements.
De même, du fait qu’il est possible que les discussions agricoles soient à présent prolongées, une focalisation importante de la campagne, dans les mois à venir, est la mise en œuvre de la décision du groupe spécial sur le coton, envisagée dans un premier temps pour juillet 2005. Du fait que les Etats-Unis feront presque certainement appel de cette décision, le résultat de l’appel sera également un point de ralliement crucial. En outre, les pays africains ne devraient pas écarter la possibilité de demander la constitution de leur propre groupe spécial de déposer une plainte devant l’organe de règlement des différends contre les subventions américaines au coton.
En plus du soutien à ces efforts, les ONG de développement internationales ont la responsabilité particulière de faire pression sur les gouvernements du Nord concernant la nécessité d’apporter des changements aux politiques nationales qui engagent les gouvernements à poursuivre les de subventions massives qui sont en contradiction, en violation de avec leurs engagements internationaux, et aussi de contrer les fausses informations et le lobbying des groupes d’intérêt agricoles riches qui résistent aux réformes.