Libéralisation de la filière cotonnière burkinabé :
inquiétudes des producteurs de coton
D’abord, un constat
La montée des cours mondiaux du coton observée au cours de l’année 2000 a suscité un fort espoir d’une hausse des prix d’achat au producteur pour la campagne 2001/2002. C’est ainsi que les sociétés cotonnières de la sous région ouest africaine ont fixé un prix d’achat fort incitateur à leurs producteurs de coton. Seulement, jusqu’à la mi-juin 2002, il a été donné de constater que le Burkina Faso figure parmi les rares pays à avoir respecté leur engagement vis-à-vis de leurs producteurs. Dans certains endroits, l’engagement n’a pas été entièrement respecté soit pour paiement inachevé soit pour défaut d’enlèvement du coton produit. En effet, dans certains pays, l’on enregistre pour la seule campagne 2001/2002 plusieurs dizaines de milliards d’impayés aux producteurs et des milliers de tonnes de coton n’on encore ramassé à cause du retard de la commercialisation engendré par un manque d’entente entre les nouveaux acteurs mis en place à la faveur de la libéralisation des filières cotonnières.
De la libéralisation, parlons-en !
Un tel constat nécessite que l’on s’arrête un peu sur la question de la libéralisation pour tenter d’en cerner les différents contours. La libéralisation, c’est quoi ? C’est pour faire du bien à qui ? Quel est le bilan que l’on peut tirer des filières libéralisées ? et surtout, quelles leçons pour les filières non encore libéralisées ou en voie de l’être ?
La libéralisation devrait être un processus qui vise à accroître la rentabilité d’une société afin de générer plus de revenus aux acteurs de base. Pour le cas des sociétés cotonnières, il s’agit plus particulièrement de briser le monopole des états, de faire intervenir des acteurs privés à tous les niveaux de la chaîne afin que le producteur de coton à la base puisse bénéficier au maximum des fruits de la croissance.
En clair, en incitant nos Etats à aller à la libéralisation, les institutions financières prennent le producteur comme le principal enjeu, le faible qu’il va falloir défendre. Mais, voyons comment les choses se passent dans certaines filières libéralisées non loin de nous. Pour ce faire je m’attarderai principalement sur les volets égrenage, encadrement et approvisionnement en intrants qui constituent de grands enjeux dans le processus de libéralisation de la filière cotonnière.
Pour l’égreneur, le seul souci consiste à se procurer du coton déjà récolté. La provenance du coton, les intrants utilisés pour le produire, l’encadrement du producteur lui importent peu. Une telle pratique est à mon avis, à l’antipode de l’objectif même de la libéralisation qui vise à accroître les gains en réduisant notamment les coûts de production. En creusant un fossé entre l’égrenage et le crédit, le crédit devient inéluctablement plus cher. Les risques courus par les banques deviennent plus grands et ces risques sont payés par le producteur. Aussi, celui qui livre les intrants les transporte de la firme au bord champ et le véhicule retourne vide, ce qui engendre des frais supplémentaires que le producteur, une fois de plus, paie.
En plus d’augmenter les charges de production du paysan, une telle pratique de la libéralisation expose le producteur à des risques énormes. Lorsque le metteur de crédit procède au recouvrement, il ne s’embarrasse pas de savoir comment le coton a été acheté, s ‘il a été déclassé, si les parasites ont attaqué l’exploitation, si la pluviométrie a été suffisante…
Il apparaît à l’évidence qu’une telle pratique de la libéralisation n’est pas enviable et ne peut nullement permettre un quelconque décollage des filières. Bien au contraire, elle semble porter tous les germes d’une déconfiture des filières. Curieusement, certains états ont été appelés à la rescousse de certaines filières où il leur a été demandé de se retirer à la faveur de la libéralisation au même moment où d’autres filières non libéralisées ont pu se passer de l’intervention de leurs Etats. Nous en arrivons à nous interroger sur le rôle, la place et les responsabilités de l’Etat dans ces processus de libéralisation. Aussi, que fait-on pour impliquer au maximum les producteurs dans ces processus de libéralisation mis en œuvre en leur nom et pour leur cause. Dans bien de cas, le producteur pour qui l’on libéralise ne sait pas ce qui l’attend, ne connaît pas qui va acheter son produit, en un mot ne dispose d’aucune information.
Le cas du Burkina
Comme nous l’avons fait remarquer un peu plus haut, le Burkina Faso figure au rang des pays à avoir tenu ses promesses sans avoir eu besoin de recourir à l’Etat au cours de la campagne 2001/2002. Mieux, il occupe le premier rang des filières bien portantes d’après ce qui ressort des conclusions de l’étude comparative des filières africaines réalisée tout dernièrement. Il y a donc lieu de s’y arrêter pour analyser les atouts de la privatisation à la burkinabé pour voir si besoin en est encore de tendre vers une libéralisation importée de l’extérieur.
En impliquant les acteurs à la base que sont les producteurs et mieux en leur conférant une place primordiale dans la gestion de la filière coton, l’Etat burkinabé a ainsi fait la preuve d’une réelle prise de conscience. C’est tout comme si l’Etat leur avait confié le flambeau coton. La bonne collaboration entre l’Etat et les Acteurs de base a acquis la compréhension des autres acteurs, ce qui a permis au Burkina Faso de payer correctement son coton. A l’issue de la campagne, les retombées des recettes ont été visibles tant dans la famille du producteur (pour la satisfaction de ses besoins élémentaires et les investissements pour la famille et l’exploitation), que dans la société burkinabé toute entière. Combien d’unités industrielles ont-elles connu une rupture de stocks de leurs produits du fait de la réussite de la campagne cotonnière ?
Certes, bien que les atouts soient déjà encourageants, beaucoup reste néanmoins encore à faire. Pour nous aider à remettre en cause les autres formes de libéralisation qui ont fait plus de mal que de bien autour de nous, il faudrait que chaque acteur pense plutôt à l’avenir, à la sauvegarde du patrimoine qu’à ses intérêts immédiats, qu’il s’agisse des producteurs ou des agents de la Société Cotonnière. Si cela est garanti, dans la mesure où l’Etat a un engagement vis-à-vis de la société burkinabé toute entière, il a, au delà de la libéralisation, une obligation normale d’être à l’écoute de cette société dont il est issu.
L'UNPCB (Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina Faso)