A Shangaï en Chine, la filière coton et le Programme National de Gestion des Terroirs ont été cités comme exemples de réussite
Du 26 au 27 mai 2004, s’est tenue à Shangaï en Chine une conférence mondiale sur les stratégies de lutte contre la pauvreté. Organisée par la Banque Mondiale et ses partenaires, cette conférence a regroupé des délégations gouvernementales et des acteurs de la société civile de plusieurs pays du monde. La délégation du Burkina Faso était composée du Ministre des Finances, du Directeur Général de la Société Burkinabé des Fibres et Textiles et du Président de l’Union Nationale des Producteurs de coton du Burkina. Le Burkina Faso a fait l’objet d’une mention spéciale à travers la pertinence de l’approche mise en valeur dans le cadre de la relance de la filière Coton et du Programme National de Gestion des Terroirs. De retour de Shangaï où il a pris part aux travaux, le Président de l’Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina nous livre les grands enseignements qu’il a tirés de cette conférence.
Quand on parle de lutte contre la pauvreté, comme d’ailleurs de toute action de développement, la question centrale que l’on se pose est celle de savoir « comment réussir, comment faire pour atteindre son objectif » ? A la différence des pratiques mises en œuvre de par le passé par les gouvernements et les acteurs du développement, l’on assiste ces dernières années à des efforts non négligeables pour impliquer les populations et les acteurs de la société civile à la définition et à la mise en œuvre des actions de développement. Cependant, au regard des résultats toujours dérisoires que l’on enregistre, il se pose maintenant la nécessité de réfléchir sur les conditions de cette implication de la société civile ainsi que des mesures d’accompagnement indispensables à son succès.
A la faveur du désengagement de l’Etat au profit d’une plus grande responsabilisation des populations, dans plusieurs pays d’Afrique, de nombreuses organisations ont vu le jour, le terme société civile est devenu un terme à la mode, utilisé parfois de façon abusive et fantaisiste. Dans de telles conditions, il est claire que l’implication ne peut donner aucun résultat. La société civile dont l’Afrique a besoin aujourd’hui, afin de jouer pleinement son rôle dans la lutte contre la pauvreté, c’est cette société civile organisée, consciente de son développement, engagée à travers des actions concrètes et entièrement responsable. C’est pourquoi, les participants au forum de shangaï ont marqué leur admiration pour la démarche adoptée par le gouvernement burkinabé ayant abouti à une responsabilisation et une prise de conscience progressives des acteurs et des producteurs dans le cadre de la filière coton et du Programme National de Gestion des Terroirs. A travers ces processus, l’on note clairement la volonté réelle de l’Etat à accompagner ces deux types d’acteurs de la société civile, qui, à notre avis est une condition indispensable pour que l’implication donne des résultats.
Voyons maintenant en quoi une société civile consciente et organisée peut contribuer à la lutte contre la pauvreté.
A Shangaï, une éminente personnalité du continent africain a déclaré « l’Afrique ne devrait pas demander aux bailleurs de fonds. L’Afrique est un bailleurs de fonds ». En effet, nos Etats regorgent de matières premières qui développent l’industrie occidentale et y créent de nombreux emplois. De plus, le produit fini revient dans nos pays plus de dix fois plus cher que le prix de la matière première. De l’avis des spécialistes et experts, pour que l’Afrique tire profit de ces matières premières, il faut impérativement développer des stratégies de les transformer sur place. Mais pour que la transformation des matières premières réponde aux attentes, il est indispensable que la société civile participe.
Les hommes d’affaires et opérateurs économiques de nos pays, longtemps habitués à ne faire que de l’import/export doivent se résigner à davantage s’impliquer dans la valorisation et la transformation des produits locaux, dont la fabrication stimule l’industrie, crée de l’emploi pour les jeunes et garantit l’avenir des enfants. Pour les y encourager, l’Etat et la Société civile devraient s’inspirer de certaines expériences comme la Chine ou le Japon et revoir les lois du travail afin de rapprocher l’employé de l’employeur, élaborer des règles qui favorisent la prise de conscience chez l’employé de son appartenance à l’entreprise dont dépend l’avenir de ses enfants.
Les antagonismes récurrents entre employés et employeurs qui se manifestent par des grèves et d’interminables revendications, ne sont pas du tout de nature à favoriser l’implication des opérateurs économiques dans l’industrie de transformation. Du fait de ces antagonismes, de nombreuses entreprises ont dû fermer porte au détriment, non seulement de l’employeur mais aussi de l’employé, et les repercussions sur les producteurs que nous sommes sont dures.
La Société Civile, quant à elle, devrait prendre conscience de l’importance de la consommation des produits locaux pour le développement des industries de transformation. La fascination pour les produits étrangers, venus de loin, n’encourage pas les opérateurs économiques à s’investir dans la transformation.
En clair, si la lutte contre la pauvreté passe par la réduction de la dépendance vis-à-vis des produits venus de l’extérieur, et si dans un tel contexte la transformation se présente comme une porte de sortie, il faut nécessairement que les opérateurs économiques, les industriels bénéficient de l’accueil et de la complicité de la société civile.
Les pays développés gagneraient à accompagner les pays pauvres dans ce genre d’initiative de réduction de la pauvreté. Comme le dirait l’autre, nous devons renverser la tendance du G8 pour davantage axer les réflexions sur le devenir de la planète sur le reste des Etats et surtout des pays les plus pauvres qui ne demandent que le minimum pour vivre. Il y a richesse lorsque l’on est entouré de pauvres, et il y a développement lorsque autour de nous les gens disposent de ce qu’il faut pour vivre. Le développement pour tous, c’est le salut de l’humanité car la paix dans le monde en dépend.
François Traoré
Président de l'UNPCB
Président de la CPF