Conte gouin par Mme Justine Fayama
1. Le chien, la guenon et la chèvre
Il y a très longtemps, le chien avait pour épouses la guenon et la chèvre.
La guenon, qui était la petite femme, était plus aimée que la chèvre qui était la première femme. Il n’y avait pas d’entente entre la chèvre et son mari le chien. Elle était tout le temps battue, insultée, maltraitée et elle souffrait beaucoup. Quant à la guenon, la préférée, elle était aimée, dorlotée, toujours contente. Elle avait tout le temps le mari à ses côtés, mangeant ensemble, causant ensemble, riant ensemble. La chèvre avait la mine toujours serrée et la guenon, toujours joyeuse.
Un jour, le contraire s’est produit. Ce jour-là, la chèvre est allée dans sa famille maternelle et ses grands frères lui ont donné du miel. Elle est vite revenue écraser du petit mil pour faire de la farine et la mélanger avec le miel. Vers le milieu de la journée, le chien, son mari, revient tout essoufflé de sa promenade et demande à boire. La chèvre prend sa farine au miel, ajoute de l’eau et vient la lui donner. Sa coépouse est absente. Quand le chien goutte de cette eau, il vide la calebasse et demande à la chèvre où elle a gagné ça. Elle lui répond : « Ce sont mes grands frères qui me l’ont donnée : ils l’avaient récoltée du front d’un singe. » Le chien dit : « Est-ce qu’il y a du miel dans le front de ma femme ? » La chèvre lui répond : « Les singes ne sont-ils pas tous pareils ? » Après cette réponse, le chien prit sa hache, l’aiguisa et la garda auprès de lui. Ce jour-là, la conversation a changé. Le mari a des paroles aimables envers sa première épouse.
L’épouse chérie, n’étant au courant de rien, rentre toute joyeuse et son mari lui dit : « Dépêche-toi de faire de la farine, j’ai soif! » Vite, la voilà au travail en chantant, ne sachant pas le malheur qui l’attend. Elle l’écrase, elle chante toute joyeuse quand, tout à coup, son chéri entre avec une hache cachée derrière lui. Il s’approche et, quand la chérie se retourne pour regarder le chien, elle reçoit un coup de hache sur le front. Faisant un bond, elle prend la fuite, poursuivie par son mari chéri et la mal-aimée qui verse le reste de son miel sur les traces du sang répandu par terre. Quand il n’y a plus de traces, elle s’en retourne à la maison.
Monsieur poursuit longtemps madame chérie. Si madame monte sur un arbre, monsieur monte aussi. Jusqu’à ce que madame fasse une demande à Dieu. Elle dit : « Seigneur Dieu, que l’un de nous soit en haut et que l’autre soit en bas. » Et Dieu, dans sa puissance, a fait que le chien ne puisse plus grimper aux arbres en lui mettant des boules dans les pieds et les mains. Ce dernier est retourné demeurer parmi les hommes avec sa première épouse.
Depuis ce jour, le chien et le singe sont des ennemis.