A.L.E. (Accord de Libre-échange) Maroc - USA

Quelles leçons en tirer ?

Introduction :

Au moment où l'U.E. (Union Européenne) est entrée dans une phase active de négociations avec les pays A.C.P. (Afrique, Caraïbe et Pacifique) au sujet des Accords de Partenariat Economique Régionaux (A.P.E.R.), il est sûrement très utile de jeter un coup d'œil sur les négociations actuelles entre les Etats-Unis et le Maroc. En effet, ces deux pays sont sur le point de signer un accord de libre-échange. En principe les négociations devraient s'achever au cours du mois de janvier de cette année 2004. Et la signature officielle de cet accord est prévue pour le mois d'avril.

1. L'agriculture marocaine et l'ALE Maroc - USA

" Initialement, l'accord devait être bouclé avant ce mois de décembre, au plus tard lors du 6e round à Washington. Les négociateurs n'avaient pas cessé de répéter que ce calendrier était le vœu des chefs d'Etat des deux pays. Seulement, un décalage s'est produit à cause du volet agricole de l'accord qui est remonté jusqu'au Premier ministre. Le cadrage de Driss Jettou au sein d'une commission interministérielle a permis de tracer des lignes rouges à ne pas franchir. L'agriculture en était la principale. Les problèmes allaient être posés, particulièrement pour les céréales, les viandes rouges et les légumineuses, "made in morocco". Une période de transition est obligatoire pour la survie de ces pans essentiels de l'économie du pays. En tout cas, au niveau de l'agriculture, le Maroc souffre de l'absence d'une vision claire et d'une stratégie pour développer ce secteur. Le gouvernement est donc acculé à élaborer un programme de réformes pour donner une plus grande visibilité dans ce domaine. " (Mohamed CHAOUI sur www.yabilabi.com)

"L'agriculture américaine est la plus performante du monde surtout au niveau des céréales. Un volet qui reste le principal obstacle pour la finalisation de l'ALE. Et pour cause, l'économie marocaine est basée en grande partie sur l'agriculture. 50% de la population active travaillent dans le secteur primaire. 70% des exploitants cultivent les céréales. Les produits américains seront une sérieuse menace pour l'agriculture marocaine. Ils sont de très bonne qualité et d'un coût moins cher. Ils profitent énormément d'un ensemble de subventions publiques. La partie marocaine a préconisé lors des négociations de réserver un cadre spécial de la filière céréalière avant la libéralisation totale." (Charaf Jaidani , dans le quotidien marocain "Le Matin" du 30/7/03)

"Le Maroc veut un accord équilibré qui ne porterait pas atteinte à ses agriculteurs", affirme El Hassan Benabderrazik secrétaire général du ministère de l'Agriculture et du développement rural.

De son côté, la partie américaine trouve qu'un ALE doit englober aussi le volet agricole. "Il faut savoir qu'un ALE n'est plus un accord préférentiel. Ce que gagne le Maroc, c'est ce qu'il saura et pourra conquérir. Nous ne sommes pas uniquement dans une politique comptable. L'intérêt de l'ALE réside dans les changements structurels de l'agriculture marocaine pour la rendre plus compétitive… et en exploitant mieux les avantages comparatifs du pays", explique Mohamed Aït Kadi, coordinateur du volet agricole de la ALE avec les USA.

Aujourd'hui, les deux groupes ont réussi à aplanir beaucoup de difficultés et ils devraient trouver un compromis sur le volet agricole. La ratification de l'ALE n'est plus qu'une question de jours.

2. L'agriculture de l'Afrique de l'Ouest et l' A.P.E.R.

a) Les paysans marocains ont de bonnes raisons d'être inquiets. Qui peut assurer que le Maroc ne se prépare pas à sacrifier ses paysans sur l'autel de la libéralisation et de la mondialisation ? Qu'ils demandent aux paysans mexicains ce qu'ils pensent de l'ALE que leur pays a signé avec les USA et le Canada ?

Mais les paysans africains feraient bien également de se méfier et de se mobiliser avant qu'il ne soit trop tard. Nous l'avons déjà signalé : les pays ACP ont demandé de mettre l'agriculture à l'ordre du jour des négociations dans le cadre des accords de Cotonou ( "Voir l'Union Européenne impose sa loi au pays ACP" ) . Et l'Union Européenne a refusé !

Or il est absolument nécessaire que les pays ACP obtiennent un traitement spécifique de l'agriculture. Ce devrait être un préalable à toute négociation. Les Marocains l'ont obtenu des USA, pourquoi pas les Africains vis à vis des européens. Pour ce qui est de l'Afrique de l'Ouest, c'est même la reconnaissance de la souveraineté alimentaire qui doit être un préalable à toute négociation en vue de la signature d'un A.P.E.R.

b) La chance des paysans africains, c'est que d'autres pays les ont précédés sur la voie de la libéralisation des échanges agricoles : le Mexique (avec les USA et le Canada), et maintenant le Maroc (avec ces mêmes USA). Ils ont sûrement intérêts à regarder au mieux ce qui se passe dans ces pays là, pour en tirer les conclusions qui s'imposent. Et en même temps, ils doivent se mobiliser pour ne pas être absents des négociations qui vont décider de leur sort. C'est à ce prix seulement qu'on peut espérer éviter que les APER ne se transforment en catastrophe pour les paysans africains.

Ouagadougou le 2 janvier 2004
Maurice Oudet

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