Nous vous garantissons un très bon riz étuvé à 9 000 F CFA le sac de 25 kg

Le 16 octobre 2008, journée mondiale de l'alimentation, j'étais à Bama, au milieu des rizières, pour assister au lancement d'une campagne de plaidoyer en faveur de la justice économique. Cette « Campagne Justice Economique » réclame plus de justice en faveur des hommes et des femmes du monde rural. Au cours de cette manifestation, nous avons pu assister à un évènement dont l'importance, je l'espère, se révèlera dans les prochains mois.

Nous avons entendu Monsieur Georges Kienou, président de l'Union Nationale des Producteurs de Riz du Burkina (UNPR-B), assisté de représentants de toutes les grandes plaines rizicoles du pays, nous faire l'historique de la production du riz au Burkina depuis la fin des années 80, jusqu'à aujourd'hui. Il a distingué trois périodes.

  1. la 1ère période (de la fin des années 80 jusqu'en 96, plus une année de transition) a été qualifiée « Présence de l'Etat ». Ce fut une période faste pour les producteurs de riz. Leur production se vendait bien : rapidement, à un prix rémunérateur.

  2. 2ème période (de 1998 à 2007) : « Désengagement de l'Etat ». Elle se caractérise par une importation massive de riz de mauvaise qualité à prix cassé, avec comme conséquences : la mévente du riz local, et même la détérioration de l'outil de production. Cependant, cette crise de la filière riz a produit quelques fruits. Les producteurs se sont organisés pour faire entendre leur voix, et c'est ainsi qu'en décembre 2005 est née l'Union Nationale des Producteurs de Riz du Burkina. De plus, un nouveau métier est apparu dans les rizières et même dans quelques villes proches des rizières. Je veux parler des "étuveuses". Des femmes qui ont sauvé la filière riz dans plusieurs plaines du Burkina. Voyant que les transformateurs ne venaient plus acheter le riz paddy dans les plaines rizicoles, elles se sont mises à transformer elles-mêmes leur riz, et à le vendre à meilleur prix vers les consommateurs urbains. Aujourd'hui, producteurs de riz et étuveuses revendiquent le droit de transformer eux-mêmes leur riz.

  3. 3ème période : « La situation actuelle (2007-2008) ». Elle se caractérise par des prix favorables aux producteurs. Cette situation favorable aux producteurs ne résulte pas d'une décision du pouvoir en place, mais du cours du riz sur le marché mondial.

 

Après avoir ainsi décrit ces trois périodes, le président de l'UNPR-B en a tiré plusieurs conclusions, dont les plus importantes, me semble-t-il, sont :

  1. la revendication d'un prix plancher pour le riz paddy à 175 F CFA le kilo.

  2. la revendication aussi de laisser, avec l'appui des producteurs eux-mêmes, la transformation du riz paddy aux femmes étuveuses dont les organisations sont en train de se structurer et de se renforcer à un rythme impressionnant. La présidente des étuveuses de Bama a ainsi promis aux consommateurs du riz étuvé à 9 000 F CFA le sac de 25 kg, si elles achètent elles-mêmes le riz paddy à 175 F CFA. (A titre indicatif, actuellement, il faut mettre au moins 10 000F CFA pour acheter un sac de riz blanc importé).

  3. l'assurance a ainsi été donnée aux consommateurs d'un riz de qualité à un prix garanti abordable, et cela dans la durée (pour autant que le prix plancher soit lui-même garanti).

 

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce lancement de la « Campagne Justice Economique ». Aussi, nous y reviendrons dans un prochain abc Burkina. Mais je voudrais tirer quelques conclusions de cet événement qu'est la revendication d’un prix plancher pour le riz paddy par l'Union Nationale des Producteurs de Riz du Burkina, et montrer ainsi l'importance de cet événement.

Mis à part le cas du coton, un produit d’exportation, c'est la première fois, me semble-t-il, qu'au Burkina Faso, des producteurs réclament un prix plancher pour un produit agricole. Alors que c'est une pratique courante dans la plupart des pays de la planète ! Au moment où la CEDEAO est en pleines négociations (internes et externes), au moment où le pays est tout juste en train de sortir d'une grave crise alimentaire, les hommes politiques feraient bien de prendre cela en considération. Cela est à mettre en relation avec les abc Burkina 300 et 301 . En effet, que doivent faire maintenant les politiques pour pouvoir garantir un prix plancher aux producteurs de riz. Il faut mettre la production locale de riz à l'abri des fluctuations insensées du marché mondial, et des variations incessantes de la parité euro:dollar. Pour cela plusieurs mesures sont nécessaires.

1. Il faut mettre le riz dans la liste des produits sensibles, notamment dans l'Accord de Partenariat Economique que la CEDEAO prépare avec l'Union Européenne. D'après nos informations, cela devrait se faire sans trop de difficultés.

2. Mais il faut surtout mettre le riz à l'abri des fluctuations du marché mondial. Or, aujourd'hui, où le prix du riz sur le marché mondial est très élevé, les pays de la CEDEAO n'ont pas envie de taxer fortement le riz à l'importation. Mais si on maintient le niveau actuel d'une taxe douanière de 10 % sur le riz à l'importation que pourra faire la CEDEAO quand le prix du riz va s'effondrer à nouveau sur le marché mondial. Pas grand chose, si la CEDEAO ne prend pas les devants et ne revendique pas, à l'OMC, le droits d'instaurer des taxes variables à l'importation.

 

Qui interdira à la CEDEAO de protéger son agriculture par des taxes à l'importation variables ?

Qui interdira à la CEDEAO d’offrir un prix plancher à ses producteurs de riz ? Et donc de fixer un prix d’entrée à l’importation de riz ?

Sûrement pas le Japon qui met 500 % de taxe à l’importation sur le riz !

Koudougou, le 19 octobre 2008

Maurice Oudet
Président du SEDELAN

 

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