Il est temps d'écouter les paysans !
« On paye vingt années d'erreur ». Cette fois, c'est le nouveau rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Olivier de Schutter, qui s'exprime dans les colonnes du journal Le Monde. A la question : Faut-il blâmer les institutions financières internationales ? Il répond : Oui.
« On paye vingt années d'erreur ». Cette fois, c'est le nouveau rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, Olivier de Schutter, qui s'exprime dans les colonnes du journal Le Monde. A la question : Faut-il blâmer les institutions financières internationales ? Il répond : Oui.
Pendant vingt ans, elles ont gravement sous-estimé la nécessité d'investir dans l'agriculture - la Banque mondiale l'a reconnu fin 2007. Et les plans d'ajustement structurel du Fonds Monétaire International ont poussé les pays les plus endettés, notamment dans l'Afrique subsaharienne, à développer des cultures d'exportation et à importer la nourriture qu'ils consommaient. Cette libéralisation les a rendus vulnérables à la volatilité des prix.
Pourtant, ce sont ces institutions qui s'expriment actuellement sur la crise alimentaire dans la grande presse. Ou encore, le président de la FAO, qui lui aussi oublie de faire l'auto-critique de son institution.
Je pense qu'il n'est pas inutile de rappeler qu'au premier sommet mondial de l'alimentation, qui s'est tenu à Rome du 13 au 17 novembre 1996, les paysans n'étaient pas invités. Cependant, la position des paysans et de 1200 organisations de la société civile se trouve sur le site de la FAO, mais qualifiée de « Manifestations parallèles ». On peut y lire que, durant les 5 jours de ce sommet, les paysans (chargés de nourrir le monde !) et les organisations de la société civile n'ont eu la parole que durant 4 minutes. Pourtant, leur déclaration est toujours d'actualité ! Je vous invite à la relire entièrement : Déclaration du forum des ONG adressée au Sommet mondial de l'alimentation.
En voici quelques passages :
1. Les capacités des petits producteurs, y compris des populations indigènes, des femmes, des jeunes, de même que les systèmes alimentaires locaux et régionaux doivent être renforcés.
Tous les aspects de l'alimentation et de l'agriculture doivent être réorientés en faveur des agriculteurs familiaux. Cela doit inclure un soutien technique, gestionnaire et financier, le crédit, ainsi qu'un accès direct aux marchés pour les associations paysannes. Il faut également accorder plus d'importance à une agriculture urbaine saine et durable.
Les femmes jouent un rôle central dans la sécurité alimentaire et il faut leur garantir le droit aux ressources productives ainsi que des possibilités égales pour utiliser et développer leurs savoir-faire.
Les ressources doivent être réorientées en faveur des producteurs et des systèmes alimentaires régionaux et locaux. Des ressources doivent être rendues disponibles pour l'investissement au travers d'une suppression et d'un allègement de la dette, d'une réaffectation de la coopération internationale existante et d'une mobilisation de ressources supplémentaires de la part des pays riches, qui doivent respecter leur engagement de consacrer 0,7% du PNB à l'aide publique au développement.
Les agriculteurs familiaux doivent avoir accès aux systèmes de communication et d'information.
3. L'agriculture et les systèmes de production agricoles et alimentaires, qui se fondent sur des ressources non renouvelables et qui influencent de manière négative l'environnement, doivent être modifiés au profit d'un modèle basé sur des principes agro-écologiques.
La recherche nationale et internationale, la formation et les services de vulgarisation rurale doivent être réorientés afin d'intégrer le paradigme agro-écologique, qui incorpore les connaissances et expériences des exploitants agricoles, hommes et femmes.
6. Le droit international doit garantir le droit à l'alimentation, en assurant que la souveraineté alimentaire ait priorité sur les politiques macro-économiques et la libéralisation commerciale. Les aliments ne peuvent être considérés comme des marchandises, étant donné leur dimension culturelle et sociale.
Chaque nation doit avoir droit à la souveraineté alimentaire afin d'atteindre le niveau de suffisance alimentaire et la qualité nutritive qu'elle estime adéquats sans subir de représailles sous quelque forme que ce soit. Les forces du marché aux niveaux national et international ne résoudront pas, à elles seules, le problème de l'insécurité alimentaire. Dans de nombreux cas, elles peuvent la provoquer ou la renforcer.
Enfin, au moment où beaucoup refusent de faire l'évaluation du commerce international des produits agricoles et alimentaires, et proposent seulement d'augmenter l'aide alimentaire, la déclaration des ONG notait :
L'aide alimentaire structurelle doit être remplacée progressivement par le soutien à l'agriculture locale. Lorsque l'aide est indispensable, il importe de privilégier les achats locaux et l'aide triangulaire qui prévoit que la nourriture est achetée dans un pays pour être distribuée dans le pays bénéficiaire de la même région.
Pour une meilleure compréhension de la Souveraineté alimentaire, je vous propose de lire :
La souveraineté alimentaire selon le mouvement Via Campesina
Pour une adaptation à l'Afrique de l'Ouest :
Plus récente, et regroupant des paysans du monde entier : La déclaration de Nyeleni .
Pour aller plus loin, notre dossier sur la Souveraineté alimentaire:
Maurice Oudet
Président du SEDELAN
le 5 mai 2008