“CEDEAO, CEDEAO ! Vos histoires de CEDEAO, c’est à la télé. Nous, on n’a pas de télé ici. “Give money !”
Au moment où  l’UE met une pression énorme sur les ACP pour qu’ils signent des APE avant la fin de l’année en agitant la menace de diminuer l’aide au développement et d’augmenter les droits de douanes sur les importations, cet article est le bienvenu. Nous ne cessons de répéter dans ces colonnes qu'il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Comment signer un accord de partenariat économique entre la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et l'Union Européenne, alors que l'intégration régionale de l'Afrique de l'Ouest n'existe pas dans les faits.

lundi 3 septembre 2007.

Le Réseau informel des journalistes (RIJ), en collaboration avec le Service allemand de développement (DED) et grâce à l’appui financier de la société de téléphone mobile TELMOB, a initié du 16 au 26 août 2007, un voyage d’échange avec des confrères mais également de tourisme dans la sous-région.

Ce voyage nous a respectivement conduit au Bénin (Cotonou, Ouidah), au Togo (Lomé) et au Ghana (Accra, Kumassi). Tout le long du voyage, les tracasseries policières ont été au rendez-vous.

L’un des objectifs du voyage entrepris par le Réseau informel des journalistes (RIJ) était de voir de visu les scènes de tracasseries policières au niveau des postes de police transfrontalière et de mesurer du même coup le degré d’intégration des peuples ; un vœu très cher à nos autorités de l’espace CEDEAO et de l’UEMOA.

C’est la raison pour laquelle, à défaut du passeport, il a été demandé aux dix membres de la délégation de posséder un carnet de voyage CEDEAO. Consigne bien respectée par tous. A bord d’un car de transport en commun de la compagnie TSR, le périple a débuté le 16 août 2007 à 7 h, direction Cotonou. Mon plus long voyage (17 heures de route). Comme tout bon passager, nous nous sommes installés dans un siège et direction, l’Est : Fada N’Gourma, Pama puis Nadiagou, dernier village burkinabè avant la frontière avec le Bénin et seul poste de contrôle policier côté burkinabè.

Là, après les formalités d’usage (sans souci pour les passagers), ceux-ci reprennent place dans le car et direction Porga, un faubourg où ont été implantés un poste spécial de police transfrontalière et un poste de douane. Bonjour les tracasseries ! Les convoyeurs de car, pour éviter de longues discussions avec les policiers, exigent des passagers une contribution individuelle de 500 FCFA sauf à ceux qui possèdent un ordre de mission. Même ceux-ci doivent fournir un argumentaire solide en plus du papier (car comme ils aiment à le dire, policiers ne mangent pas papiers) au cas où ils ne veulent pas être tournés en rond.

“Policier s’en fou de papiers”

De Porga à Cotonou, les cars de transport font l’objet de racket sur racket de la part des policiers gendarmes, douaniers. Inutile de leur demander de lire un papier. Glissez juste 1000 FCFA avec les papiers du véhicule pour eux et vous circulez en toute tranquillité. Dans le cas contraire, ce sont les coups de sifflet (ils excellent là-dedans) qui finissent par vous irriter. Même en plein cœur d’Abomey-Calavi, les coups de sifflets stridents des policiers continuent la nuit venue, pour juste vous soutirez 500 à 1000 F CFA. A Cotonou, ne vous avisez pas à mal stationner votre véhicule, autrement, vous en aurez pour votre compte : 200 ou 500 F CFA.

Après quatre jours de séjours à Cotonou, nous avons décidé toujours de relier Lomé (Togo) par la route, cette fois-ci dans un mini-bus. La route qui mène à Lomé longe la côte atlantique, avec une vue agréable sur la mer. Elle donne également l’opportunité de découvrir des villages lacustres comme Ahémé (Bénin) et Aného (Togo). D’un pays à l’autre, l’on a aucunement le sentiment d’avoir traversé une frontière, tant la nature qui se donne à voir est la même. Mais le gros problème au Bénin, c’est l’attitude de ces policiers abonnés aux rackets. Cela s’est encore vérifié à Hilla Condji, frontière entre le Bénin et le Togo.

Là, en plus du poste de douane, il y a deux postes de police situés à 100 m l’un de l’autre plus un poste de service de l’immigration côté togolais. Le chemin se fait à pied pour tout passager. Dans l’intervalle de 100 m, il y a encore deux contrôles des passagers à faire, au niveau d’une passoire, par des policiers. C’est le lieu privilégié des rackets.

D’un côté à l’autre, si vous n’avez pas un nom qui sonne béninois ou togolais, vous débourserez 300 à 500 FCFA quel que soit le papier (carnet CEDEAO, passeport, ordre de mission) que vous allez leur tendre. A ce poste frontalier, les policiers n’ont rien à “cirer” avec la libre circulation des personnes et des biens prônée par les autorités de l’espace CEDEAO ou même de l’UEMOA. Par contre, à la frontière entre le Togo et le Ghana le contrôle a été fluide et le passage pour nous s’est effectué sans grand problème. Ce d’autant plus que les policiers togolais ont compris que le groupe était composé de journalistes.

Deux heures d’attente pour des cachets

De Aflao (frontière Togo-Ghana) à Accra, les policiers ghanéens sont aussi dans la danse. Mais les rackets sont surtout opérés sur les passagers des mini-bus et des cars moyens. Les passagers de la société nationale de transport STC sont la plupart du temps sereins eu égard à l’image de marque de la société. Mais ce mercredi 22 août 2007, alors qu’embarqués dans un car STC pour Accra, le chauffeur du car a été interpellé par des coups de sifflets stridents venant d’une fourgonnette de policiers en patrouille.

Certainement habitué à cela, le chauffeur continua sa course. Mais voilà que quinze minutes plus tard, la fourgonnette était à notre niveau et le chauffeur sommé de se ranger sur le côté. Il a fallu un long moment d’explication entre le chauffeur et les policiers. Pour calmer leur fureur et au risque de voir son car bloquer, le chauffeur a été obligé de débloquer les cédis (franc ghanéen).

Et nous voilà à Accra, puis Kumassi, 3e et dernière étape de notre périple. Après le séjour en terre de Kwamé N’Krumah et des Ashanti, nous avons décidé de rentrer au pays.

A la frontière entre le Ghana (Paga) et le Burkina Faso (Dakola), les passagers que nous sommes ont encore souffert le martyr. Plus de deux heures d’horloge pour récolter, rien que des cachets. C’est à ne rien comprendre.

Ce d’autant plus que nos bagages ont cette fois-ci été épargnés au contrôle douanier. Rentré enfin au pays après une telle expérience, nous nous interrogeons sérieusement sur la libre circulation des personnes et des biens. Dans son préambule, le traité de l’UEMOA modifié, affirme que les Etats membres, fidèles aux objectifs de la CEDEAO, conviennent des objectifs qui sont de créer entre les Etats membres, un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune ; ensuite d’intituler une coordination des pratiques sectorielles nationales par la mise en œuvre d’actions communes et éventuellement de politiques communes notamment dans les domaines des ressources humaines, des transports, etc.

Comment comprendre que certains pays-membres mettent tout en œuvre pour appliquer le traité et d’autres non ? Le citoyen burkinabè a du mal à comprendre que les barrières policières et ce qui s’y rattache soient levées dans son pays et pas ailleurs. Cette anecdote d’un policier ghanéen en dit long sur les discours et les faits. A un passager qui voulait traverser la frontière pour un autre pays, carnet CEDEAO en main, il a lancé : “CEDEAO, CEDEAO ! Vos histoires de CEDEAO, c’est à la télé. Nous, on n’a pas de télé ici. “Give money !” (donne l’argent !)

Ismaël BICABA

Sidwaya du 3 septembre. Article publié sous le titre :

Tracasseries policières dans l’espace CEDEAO : Une réalité quotidienne malgré les discours

 

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