Les Migrations et les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) |
Alors que l'UDC (Union Démocratique du Centre - parti suisse d'extrême droite qui gagne de plus en plus de terrain et a fait voter deux lois très restrictives sur l'immigration et les étrangers) monte au créneau contre le milliard qui sera alloué aux pays de l'Est par la Confédération, les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), ont été mis en doute par des participants au récent Forum de l'OMC à Genève où régnait un pessimisme sensible. Vu le blocage du cycle de Doha, il leur paraît impossible de réduire la pauvreté dans le monde d'ici 2015. Pour y arriver, ces Objectifs, acceptés en 2000 par tous les pays à l'ONU dont la Suisse, prévoient, entre autre, un partenariat mondial du développement, l'augmentation de l'aide au développement à 0,7 % du PNB, la réduction de la dette, un système commercial et financier plus juste. On pourrait y ajouter aujourd'hui, la baisse des prix du pétrole devenus inabordables pour les pays les plus pauvres et le respect des cultures des autres. Certes plusieurs pays ont fait des efforts dans le sens des OMD, la Suisse particulièrement comme le montre le récent rapport 2005 de la DDC (Direction du Développement et de la Coopération - en Suisse) qui doit dicter sa politique future. Mais force est de constater que tout cela est largement insuffisant, qu'il y a des incohérences parce qu'on donne d'une main et qu'on reprend de l'autre. Les milliers de réfugiés africains qui accostent sur les rives de l'Europe le prouvent. Ils n'ont rien à perdre. Ne nous y trompons pas: les Etats africains d'où proviennent ces immigrants surtout francophones, sont "soulagés" de voir partir leurs jeunes chômeurs, ferments de futures révolutions chez eux et porteurs d'espoirs financiers. En les laissant partir sans trop de contrôle, ces Etats semblent ainsi prendre une sorte de "revanche" sur leurs anciennes colonies et sur cette mondialisation du commerce dont profitent seulement leurs élites souvent corrompues, mais qui déstructure tout le tissu social et culturel de ces sociétés sans assurances sociales. Ces jeunes sont aussi susceptibles de devenir des cibles pour les réseaux terroristes qui sont en train de se développer dans le monde. En effet, les services secrets maliens, avec l'aide de services secrets étrangers, viennent de découvrir et de démanteler un réseau d'Al Quaïda qui semble vouloir déménager son QG d'Afghanistan en Afrique d'où il serait plus facile de déstabiliser l'Europe. Réaliser concrètement les Objectifs du Millénaire pour contrer cette pauvreté qui fait fuir les jeunes africains envoûtés par les images de la TV européenne, ce serait d'abord réformer l'OMC, dont l'avenir est manifestement incertain. La société civile devrait avoir son mot à dire, représentée par les syndicats ou associations légales de consommateurs et de producteurs, et pas seulement par les Etats souvent sous pression des multinationales (pétrole, agro-alimentaire, pharmacie, finances, etc). Il faudrait aussi sortir l'agriculture de l'OMC pour la mettre sous contrôle autorisé de la FAO, parce que ce n'est pas une marchandise quelconque qu'on exporte pour gagner des dollars en laissant ses habitants avoir faim (poisson, viande, céréales). Cela aurait pour conséquence d'accepter la notion de souveraineté alimentaire qui est un droit fondamental de chaque peuple de se nourrir qualitativement, inscrit dans le Pacte économique et social de l'ONU. Il faudrait encore arrêter le dumping des pays riches qui vendent leurs surplus alimentaires à bas prix dans les pays du Sud forcés d'accepter les marchandages du donnant-donnant. Enfin, les accords bilatéraux peuvent être dangereux, tels les Accords de Partenariat Economique Régionaux (APER), survivance des Accords de Cotonou, qui devraient être passés en 2007 entre l'Union-Européenne et les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique). Tous les ministres africains du commerce les ont critiqués ce printemps à Nairobi, parce qu'ils ne représentent que du libre-échange commercial sans composante développement valable, sans donner le temps aux cultures d'évoluer. A cet égard, la Chine, peu exigeante en matière de Droits de l'homme et de gouvernance, est en train de concurrencer les Etats-Unis et l'Union Européenne par les investissements importants qu'elle apporte dans de nombreux pays africains, en même temps qu'elle y exporte ses biens et ouvriers bons marchés. Elle est plus pragmatique et inquiète le G7 qui avait prévu plusieurs mesures de désendettement. D'autre part, les jeunes chômeurs africains ne comprennent pas que leurs Etats préfèrent engager des Chinois. A y regarder de près, les Objectifs du Millénaire sont tout un programme dans lequel il ne suffit pas de remettre quelques dettes, ce qui, par effet statistique, fait gonfler artificiellement l'aide publique au développement dans laquelle les Etats industrialisés comptabilisent aussi l'aide aux réfugiés. Il vaudrait mieux prendre le mal à la racine comme nous l'avons senti lors du Forum de l'OMC : réformer le commerce mondial vers plus de justice, transformer, selon un processus démocratique, les grandes institutions internationales pour qu'elles deviennent plus représentatives des Etats du monde et de la société civile (Conseil de Sécurité de l'ONU, OMC, FMI), tenir compte des grandes différences culturelles. Cela pourrait prendre 20 ans, mais peut-être qu'à ce moment-là, l'Europe deviendrait moins attractive pour les immigrants et les réseaux terroristes trouveraient un terrain moins fertile. Christine von Garnier |