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Le Sésame au Burkina Faso |
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Outre le mil, le fonio, le maïs, le haricot et les arachides, les paysans de Bomborokuy, comme ceux de leur région cultivent le sésame. Contrairement aux productions citées ci-dessus, le sésame est essentiellement une culture de rente c’est-à-dire que la majorité de la production est vendue pour l’exportation. Même si lorsqu’on le sème on ne s’en rend pas très bien compte, les possibilités qu’offre le sésame sont énormes. C’est de cette vague d’optimisme pour l’agriculture burkinabè dont j’ai décidé de parler. L’exposé qui suit donnera un bref aperçu sur la plante elle-même et ses utilisations. Ensuite, la production mondiale et les échanges internationaux seront mis en évidence pour montrer leurs impacts possibles sur la culture du sésame en Afrique. Le troisième point se concentrera sur la province du Kossi et sur le développement de la culture biologique au Burkina Faso. Le sésame est une plante annuelle à tige quadrangulaire, dont la hauteur varie de 60 à 200 cm selon les variétés. Elle appartient à la famille des Pedaliaceae. Les fleurs sont blanches ou roses en forme de dé à coudre, indistinctement bilabiées avec les bords recourbés. Elles sont individuelles ou en inflorescence. Les feuilles diffèrent énormément d’une variété à l’autre. La capsule quadrangulaire du fruit est d’environ 2 cm avec déhiscence à partir du sommet. Les nombreuses graines qu’elle contient sont blanc crème à presque noires.
A l’origine, c’est une plante de l’Afrique tropicale, de là, elle gagna vite l’Asie. On la considère comme le plus ancien fruit des champs fournissant de l’huile comestible. On a déjà des traces de son existence en Mésopotamie en 2 350 av. J-C. Les graines contiennent 50% d’huile dont l’extraction doit se faire de façon très fine ce qui lui vaut d’être l’huile comestible la plus chère. On s’en sert aussi dans l’industrie pharmaceutique et cosmétique, de même que comme additif à la margarine. En Asie et en Egypte, le sésame est bien plus utilisé comme céréale que comme oléagineux ; les graines décortiquées peuvent être mangées en purée, comme épice ou en confiserie. En Europe et en Amérique de Nord, ses utilisations les plus célèbres sont la garniture de hamburger et les barres sucrées. Les jeunes feuilles et les pousses sont aussi comestibles. Les résidus de l’extraction, appelés tourteaux, riches en protéines sont utilisés comme fourrage de qualité pour le bétail. 1.3.1 La production mondiale : La production mondiale de sésame est en forte augmentation depuis 1994 ; elle avoisine les 2,5 à 2,8 Mt. Cet accroissement est surtout dû à une augmentation des surfaces cultivées et non à une amélioration du rendement moyen, celui-ci dépassant rarement 400 kg à l’hectare. (voir annexe) Les rendements sont très différents selon le niveau des intrants utilisés et les soins à la récolte variant de 770 kg/ha en Amérique du Nord à 297 kg/ha en Afrique (130 à 440 kg). (CIRAD, Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement, 1999) Le sésame est cultivé de manière significative dans plus de 60 pays, mais la majorité de la production est asiatique (61% des surfaces et 70% de la production). L’Inde produisant près de 26% du sésame mondial est en régression depuis 1995 malgré le développement de ses exportations. Quant à l’Afrique augmentant significativement sa production depuis 1995 est passée au deuxième rang mondial (25%). Le sésame y est cultivé dans 23 pays avec le Soudan, l’Ouganda et le Nigeria comme plus gros producteurs. L’Afrique de l’Ouest dont la production ne dépasse pas 12000 tonnes a une production en hausse et est très dynamique à l’exportation. 1.3.2 Importations et exportations : Les échanges internationaux ne portent que sur 25% de la production mondiale, ce qui indique l’importance de l’autoconsommation des pays producteurs, notamment l’Asie. Les transactions touchent essentiellement les graines (94%) suivies de loin par les tourteaux et l’huile.(CIRAD, 1999) Les exportations de graines sont largement en hausse avec la dominance de 6 pays sur le marché (Soudan, Inde, Chine, Myanmar, Guatemala et Nigeria). On constate que la consommation domestique sous différentes formes croît en fonction de l’évolution du niveau de vie, notamment en Asie, raréfiant les exportations de ces pays producteurs et les obligeant parfois à importer (c’est le cas de la Chine). Soixante-cinq pour cents des importations de graines sont réalisées par le Japon, l’Union Européenne, la Corée du sud et les Etats Unis. La demande au Japon est en forte augmentation, ce qui pousse les acheteurs opérant pour de grands groupes japonais à s’implanter en Afrique et notamment dans la partie Ouest. La libéralisation des marchés coréens et la reprise de son économie favorisera les importations et, à terme, la Corée pourrait importer plus que le Japon. Sa production locale (40 000 tonnes) payée à 300% du cours mondial risque de s’effondrer au profit de l’importation et la Corée pourrait aussi chercher à s’approvisionner en Afrique. Les prix élevés pratiqués par les pays d’Amérique Latine tendent à freiner leurs exportations au profit des importations d’origine africaine. Les perspectives mondiales tendent donc à montrer que l’Asie ne sera pas en mesure d’assurer l’augmentation de la demande. La chine importe des quantités de plus en plus importantes. Le Vietnam n’arrive pas à développer sa production. L’Inde rencontre de plus en plus de difficultés à exporter du fait de la mauvaise qualité de son sésame (amertume et pesticides importants). Elle doit écouler sa production sur les marchés moins porteurs où les contrôles sanitaires sont moins sévères. L’Afrique, notamment l’Ouest (les problèmes politiques du Soudan ayant diminués ses possibilités d’exportation) est en bonne posture pour pouvoir répondre à cette nouvelle demande. Elle a pour avantage de produire un sésame de qualité, sans amertume, de couleur claire et sans pesticide. Mais, seuls les pays qui amélioreront leur sélection variétale (éviter la production de sésame bigarré càd de mélange variétal), se doteront d’une organisation fiable et systématiseront le nettoyage mécanique pourront profiter de cette envolée du marché.
Outre les variations de prix dans le temps, déterminées par le jeu de l’offre et la demande, les prix du sésame varient géographiquement en fonction de la qualité de la variété cultivée et des conditions de traitement des récoltes. Les graines sont classées en fonction de leur couleur (CIRAD 1998) : - graines blanches (Natural milkish white) - graines crèmes (Whitish) - graines brun clair (Light brown) - graines brun foncé (Dark brown) - graines noires (Dark black) Les graines bigarrées correspondent à un mélange de plusieurs couleurs. Sur le marché international, deux classes de produit sont distinguées : les graines non décortiquées, dites natures et les graines décortiquées, blanchies. Ces dernières sont beaucoup moins importantes sur le plan des échanges et sont surtout commercialisées par le Mexique et le Guatemala. Les exigences de qualité qui déterminent les prix portent sur la couleur, le goût (absence d’amertume), la taille, la teneur en huile, l’absence de moisissure, de matière étrangère et de résidu de pesticide.
En temps normal (pluviométrie convenable), le Burkina Faso est largement autosuffisant mais une mauvaise année peut être suivie d’une seconde mauvaise saison fait basculer la population dans un cercle de crédit et de famine. Pour cette raison, depuis plusieurs années le développement de cultures de rente est mise en avant pour permettre aux agriculteurs de diversifier leurs productions et d’en vendre une partie. L’industrie du coton établie depuis longtemps au Sud implique pas mal de petits producteurs mais aussi de grands groupes étrangers qui ont pris possession de la filière, employant les ouvriers pour un salaire minimum. Dans certaines régions et dans une moindre mesure, les arachides constituent aussi une culture de rente. A d’autres endroits, comme dans la province du Kossi, le sésame est en pleine expansion. La région se prête très bien à cette culture, les rendements y sont bien au-delà de la moyenne nationale. Le sésame y est produit en culture pure (CP) ou culture mixte principale (C1) ou secondaire (C2). Les cultures mixtes reprennent tout champ dont le nombre d’espèces cultivées dépasse une. La culture principale d’un tel champ est celle qui domine largement par rapport au secondaire et même parfois tertiaire. Tab.1 : Rendement et production du sésame dans la province du Kossi et au Burkina Faso pour l’année 98-99
(Source : Résultat de l’enquête permanente agricole campagne 1998-99. Ministère de l’Agriculture du Burkina Faso, direction des études et de la planification, sept 99)
Avant de commencer ce paragraphe, je tiens à signaler que celui-ci n’a pas pour but de dénoncer les pratiques « non-équitables » de certains négociants ou exportateurs. En effet, dans les contraintes ce point a déjà fait l’objet d’une courte mention et j’estime ne pas être assez compétente ni objective, n’ayant rencontré qu’une des deux parties, pour pouvoir m’étaler plus sur le sujet. Je ne me contenterai donc ici de dresser une liste succincte des acteurs de la commercialisation du sésame au Burkina Faso. L’expansion de la demande du sésame burkinabé à amener les négociants à prospecter dans les régions productrices. Du côté des demandes asiatiques, le premier trust japonais en commerce international, a fait appel à des négociants locaux dont le groupe Malien Mohamed Khagnassy qui a participé à l’expansion des productions maliennes en sésame. Le groupe possède deux sociétés pour le sésame burkinabé. Celle-ci travaille en direct avec les producteurs ; pour les inciter à produire elles distribuent des semences gratuitement et s’engagent à acheter les récoltes. Le Burkina Faso étant traditionnellement plus réputé en matière de sésame, du sésame produit au Mali est revendu à des commerçants installés au Burkina Faso. En effet c’est surtout sur le Burkina Faso que se focalise l’intérêt des acheteurs. Il y est produit depuis longtemps et malgré son faible volume, sa qualité est réputée sur les marchés internationaux. D’autres sociétés tel que Sodegrain sont déjà bien implantées dans la filière. La CFDT, la Compagnie Française pour le Développement des Fibres Textiles cherchent quant à elle à diversifier ses activités vers le sésame en installant à Bobo-Dioulasso, un atelier de traitement. Car un des gros problèmes du sésame burkinabé reste le manque d’infrastructures pour le nettoyage et le tri des graines. La qualité des exportations pourrait être alors supérieure si l’élimination des graines pourries, du sable, et autres impuretés présentes actuellement dans les chargements était systématique. L’Union des Groupements Villageois de la Boucle du Mouhoun se lance aussi dans le sésame et propose sa commercialisation collective vers un seul groupe exportateur pour garantir des prix convenables aux producteurs. Elle incite aussi les femmes à produire du sésame et recense les superficies semées. Le gouvernement, lui-même, qui avait délaissé cette culture pendant de nombreuses années recommence à s’y intéresser sérieusement, voyant dans celle-ci un potentiel énorme. Le ministre de l’agriculture, Salif Diallo, y a d’ailleurs mis en évidence le sésame dans la création de la SOPROFA, un nouveau programme de relance de la filière agricole sous forme de société mixte. D’autres acteurs plus ou moins grands sont aussi actifs dans la filière. Outre les problèmes de lavage des graines, la production burkinabée souffre de ce nombre important de commerçants indépendants, de l’organisation de certains d’entre eux et du non-respect des contrats entre producteurs et négociants. Tout cela amène à des retards de commandes et ne garantint aucun gage de qualité. Pour relancer l’image du sésame burkinabé, l’Union Européenne a proposé d’organiser la profession autour de la distribution de semences certifiées, du contrôle de la qualité et de la mise en place d’unités de nettoyage. Finalement, elle propose la mise en place d’un label « Burkina » pour les productions ayant respecté ces gages de qualité.
Depuis les différentes crises alimentaires en Europe, l’engouement de notre continent pour les produits biologiques fait l’affaire du Burkina Faso, pionnier dans le domaine. A la région de Bobo-Dioulasso, dans l’Ouest, se sont ajoutées celles de Nouna, Djibasso et Solenzo, plus au Nord, englobant Bomborokuy. En 1995, 1500 tonnes, soit 50% de la production mondiale du sésame bio, ont été produites au Burkina Faso contre 300 en 1989 (S.Ouattara, 1995). Actuellement plus de 2500 tonnes sont produites, essentiellement du S-42, une variété qui se prête particulièrement aux exigences du marché. Elle est pure, claire, de grosse taille et sans arrière-goût. Son cycle est de 95 jours et nécessite une pluviométrie de 400 mm de juillet à octobre, soit largement couverte dans la région. Pour la province du Kossi, seulement, on comptait en 2000, quatre-vingt-deux groupements de producteurs de sésame biologique. La culture bio fut lancée en 1984 avec une société française, Tropex, dirigée par Louis Perin exportant en exclusivité vers la France, à une société de produit bio, Provence Régime. Le label biologique délivré par Ecocert, un organisme indépendant reconnu par UE, permet l’exportation sous cette appellation. Le contrôle pour avoir et même garder ce label est sévère : la moindre trace de produit chimique suffit à déclasser une récolte (15 mg de pesticide par tonne). Or les risques de contamination sont grands, il suffit par exemple que le vent transporte des produits utilisés sur d’autres cultures ou que les récoltes soient stockées dans des hangars ayant contenu du coton, grand demandeur de pesticides, pour que l’analyse détecte des traces de produit chimique. Bien souvent aussi les producteurs croient bien faire en utilisant de la « poudre » pour préserver les récoltes des termites. Une information régulière aux agriculteurs est donc primordiale. Malgré les contraintes de la production bio et les charges coûteuses à la mise en place de ce type de production, il s’est avéré que la filière est vite devenue largement rentable pour toute la chaîne de production. La société Tropex fait en effet 1,5 milliard de CFA de chiffres d’affaire. Mr Perin le dit lui-même : Il ne s’agit pas d’un mouvement philosophique ou d’un mode de vie, c’est un business. D’autre part le sésame bio se vendant plus cher, les producteurs y trouvent aussi leur compte. Le bio s’ouvre aussi à d’autres cultures (karité, graines de courges, fonio,…) et à d’autres pays tels que le Sénégal et le Togo. Ce n’est pas la voie d’avenir, mais c’est l’une des voies à explorer, déclare Mr Perin.
Andreas BÄRTELS, 1994, Guide des Plantes Tropicales : plantes ornementales, plantes utiles, fruits exotiques. Edition Euger Ulmer (Paris), pp 384. Philippe DIMANCHE, 1998, Sésame. Les publications CIRAD http://www.cirad.fr/publications/documents/produitstrop/1998/sesam981.htm Marie-Hélène DABAT, 1999, Sésame. Les publiques CIRAD http://www.cirad.fr/publications/documents/produitstrop/1999/sesame99.htm lEdmond BOLEANE et Fadima DIARRA, 2001, Commercialisation du sésame…. Bulletin de la FENOP, info n°1, Ouagadougou (Burkina Faso) (disponible sur notre site !) Jean-Pierre BORIS, 23 mai 2001, Une ouverture sur le marché mondial du sésame. Diffusé sur RFI (Radio France Internationale) (également sur notre site) Souleymane OUATTARA, 1995, Le Burkina, terre bénie des cultures biologiques. http://www.francophonie.org/syfia/95AGR_1.html Anonyme, 2001, La révolution verte ? L’observateur PAALGA, n°5446, 20 juillet, p17-20 Martin MAILHOT, 2001, Etude de Faisabilité de la commercialisation collective du sésame par l’UGVBM (Dédougou – Burkina Faso). Panafrican news agency, 2000, Sesame sector rekindles hope for 2000-2001 season http://allafrica.com/stories/printable/200010250005.html Crépin Hilaire DADJO, 2000, Sésame : la petite graine qui monte, Syfia n°136 http://www.syfia.com/presse/psprod.asp Antoine LABEY, 1997, Sésame : graine de relance, Syfia n°98 http://www.francophonie.org/syfia/98_18.html Observatoire Economique et Statistique d'Afrique Subsaharienne, Bamako (Mali) http://www.afristat.org/burkina_faso/stats/Tab20.htm ANNEXE : STATISTIQUES MONDIALES DE SÉSAMESuperficies (Source : FAOSTAT) en millions d'ha
Production (Source : FAOSTAT) en millions de tonnes
Eventail des prix pratiqués début 1999 (Source : Cirad 1999) en US $/t - Nature cleaned origine Nigéria : 670-760 $ FOB Lagos - Nature Whitish origine Nigéria : 1060 $ CIF U.K. - Nature Whitish origine Soudan : 870-890 $ FOB - Nature Whitish origine Afrique : 870 $ C et F Japon - Décortiqué blanc : 1270-1300 $ C et F Japon Retour à la page le Burkina de A à Z |
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