Attaquons-nous aux règles du jeu !

A l'occasion de l'Atelier régional sur la Politique Agricole de l'UEMOA (Ouagadougou les 2, 3 et 4 octobre 2001, le président d'honneur du ROPPA (Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricols de l'Afrique de l'Ouest), M. Mamadou Cissokho, a envoyé cette note au Président de la Commission de l'UEMOA.

"Nous sommes réunis pour réfléchir ensemble à ce dont nous avons besoin pour faire dignement notre métier de paysans et de paysannes. Personne ne peut le faire à notre place. Nous savons que la décision finale concernant la mise en place d'une "politique agricole de l'Union" ne nous appartient pas. Nous sommes d'autant plus libre pour dire et défendre nos positions face aux autorités politiques.

Quoi qu'on nous dise, nous savons que l'on nous a engagé dans un combat perdu d'avance contre des concurrents autrement plus puissants que nous. Cette compétition que les plus forts veulent toujours durcir est impossible pour nous. On peut nous tromper, c'est le jeu, mais nous ne pouvons pas nous tromper nous-mêmes à moins de souhaiter un suicide collectif.

Quoi qu'on nous dise ce que nous mangeons n'est pas sur le marché mondial. Quoi qu'on nous dise les produits d'exportation qui sont depuis cent ans sur le marché mondial n'ont pas servi le développement des campagnes. Ils ont fait pousser les villes.

Nous voulons d'autres règles du jeu. Savez-vous que l'Union européenne a dégagé un milliard d'euros pour soutenir la production cotonnière en Grèce et en Espagne ? Savez-vous qu'aux Etats-Unis des milliards de dollars appuient les producteurs de coton. Les uns et les autres peuvent vendre le kilo de coton 1 Fcfa, car, avant d'avoir vendu leur produit, ils ont déjà été payés. Vous savez, en tous cas, que nous ne recevons rien et que, au contraire, c'est nous qui soutenons nos pauvres Etats. Ne nous laissons pas tromper par le discours de la productivité et de la compétitivité, attaquons-nous aux règles du jeu !

Les défenseurs du libre-échange se sont préparés pendant plus de 50 ans. Grâce à des politiques et des programmes adaptés, ils ont pu créer des conditions permettant la réussite des acteurs du secteur public, du secteur privé, des organisations socioprofessionnelles ou des organisations sous-régionales. Il est important et non négociable que nous bénéficions de la même chose chez nous.

Nous allons négocier car nous ne pouvons accepter un suicide collectif. Pourquoi ne pourrait-on pas changer les règles du jeu pour pouvoir vivre de notre travail, manger et vendre notre production ? Ceux qui ne sont pas convaincus doivent rester chez eux et attendre la mort, une mauvaise mort qui ne les emmènera pas au paradis."

Mamadou Cissokho

Président d'honneur du ROPPA

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