Notre monde est devenu comme un seul village. Qui va décider de son avenir ?

Coton OGM ou coton équitable ?

La Pomme du Sahel


Notre monde est devenu comme un seul village.

Qui va décider de son avenir ?

L’hivernage est terminé. Le temps des récoltes est arrivé. Et comme cette année, pour la plupart des villages du Burkina (et même de l’Afrique de l’Ouest) les pluies n’ont pas manquées, les récoltes s’annoncent bonnes. Mais attention, pendant que vous étiez dans vos champs à travailler dur, beaucoup de choses ce sont passées dans le monde et au Burkina qui intéressent l’avenir des paysans burkinabè et africains.

Tout d’abord au Burkina, en juillet, à Bobo-Dioulasso. Nous avons appris que le Burkina voulait se lancer dans l’aventure des O.G.M. Il est temps de s’informer pour nous préparer à faire les bons choix. Nous aurons l'occasion d'en reparler. Mais déjà, il est important, à ce sujet, de savoir qu'il faudra bientôt choisir entre "coton équitable et coton O.G.M."

Mais ce n’est pas tout. Dans le dernier numéro (le n° 19) des Amis de la Terre, nous avons donné les exemples du riz et du coton pour illustrer quelques problèmes des paysans africains. Ces problèmes oné été discutés au mois de juillet dernier, à Cancun, au Mexique. Presque tous les pays du monde y étaient représentés. Le Bénin, le Burkina, le Mali et le Tchad se sont unis pour demander que cessent les subventions des Etats-Unis et de l’Europe à leurs producteurs de coton. Des subventions qui ne permettent pas aux pays africains de vendre leur coton au juste prix. Presque tous les pays du monde ont soutenu les pays africains mais les Européens, et surtout les Américains n’ont pas accepté la demande des pays africains.

A Cancun, les pays du monde entier devait se mettre d’accord pour améliorer la situation des paysans, surtout ceux des pays pauvres. Là encore, les 146 pays qui s’étaient rassemblés n’ont pas réussis à se mettre d’accord. C’est pour cela que l’on a parlé de l’échec de Cancun.

Pourtant à Cancun, il y a eu aussi de bonnes choses.

A Cancun, les pays africains et les pays pauvres se sont unis pour demander que leur droit de protéger leur agriculture soit reconnu. Leur demande n’a pas encore été reconnu, mais tous ces pays sont restés unis. Ensemble, ils sont plus fort.

Des paysans du monde entier étaient présents à Cancun, pour défendre leurs droits devant les hommes politiques. Les gouvernements africains et les producteurs de coton africains étaient unis pour sauver le coton africain. Ensemble, ils étaient plus forts.

Tout cela doit montrer aux paysans qu’ils doivent s’unir pour faire entendre leur voix auprès des hommes politiques qui font les lois. Une bonne loi pourra les aider à mieux vivre. Une mauvaise loi risque de les faire tomber dans la misère. Est-ce que dans chaque régions les responsables paysans ne pourraient pas convoquer leurs députés pour réfléchir sur ces questions ? Pourquoi ne pas organiser des rencontres annuelles ? Quand le temps de voter sera là, il sera plus facile de choisir son député !

Le monde entier à entendu parler de Cancun, et c’est bien. Mais il y a eu une autre réunion importante pour les paysans africains. Elle a eu lieu au Bénin, à Cotonou. Mais presque personne n’en a parlé. Un peu comme ceux qui préparent un mauvais coup, et donc qui le font en cachette. De quoi s’agit-il ? Il s’agit de négociations entre l’Union Européenne et l’Afrique de l’Ouest. Ces négociations sont prévues par un accord entre l’Union Européenne et 77 pays du monde appelé les pays ACP (Afrique – Caraïbes – Pacifique) dit l’accord de Cotonou. Pour comprendre ce qui se passe, il faut regarder du côté des Etats-Unis. Il y a dix ans, les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ont signé un accord, qu’on peut appeler accord de libre échange. C’est comme si, pour les commerçants, on avait supprimé les frontières entre ces 3 pays. Cet accord a enrichi les commerçants américains qui vendent leur nourriture aux mexicains. Mais c’est très mauvais pour les paysans mexicains qui ne peuvent plus vivre de leur travail.

Or, avec les accords de Cotonou, l’Europe veut faire comme les Etats-Unis. Elle veut faire une zone de libre échange entre elle et l’Afrique de l’Ouest. Pour ne pas faire peur aux africains, elle ne parle pas de zone de libre échange. Elle a inventé un mot compliqué : A.P.E.R. (Accord de Partenariat Economique Régional). Mais en fait, il s’agit bien de la même chose. Ce qui est très dangereux pour les paysans africains. Si l’Europe nourrit les habitants des villes africaines, que vont faire les paysans africains ? A qui vont-ils vendre leurs produits ?

Là encore, face à cette menace, il est urgent que tous les paysans africains s’unissent.

Ami lecteur, il faut t’interroger. Comment les paysans de ton village sont-ils informés de ces questions ? Comment pouvez-vous faire entendre votre voix ?

Comme je le disais en titre, notre monde est devenu comme un seul grand village. Ne laissons pas les autres (nos hommes politiques ou ceux des pays riches) décider de notre avenir. Unissons-nous. Renforçons le mouvement paysan de notre pays et de l’Afrique de l’Ouest. Faisons entendre notre voix. Nous savons ce qui est bon pour nous. Exigeons de nos responsables, de nos hommes politiques et de nos députés qu’ils travaiellent dans ce sens.

Maurice Oudet
Koudougou, le 15 novembre


Coton OGM ou coton équitable ?

Du 9 au 12 juillet, s'est tenu à Bobo, un atelier sur les OGM. A la suite de cet atelier, nous avons appris que les premiers essais de Coton OGM (Coton Bt) ont déjà eu lieu. Deux stations conduisent les essais. Il s'agit des sites de Farakoba dans la région de Bobo Dioulasso et de Fada N'Gourma dans l'Est du pays.

Ces essais visent à prouver la viabilité du coton bt, que la firme américaine Monsanto a mis au point, au Burkina Faso. Syngenta, l'autre géant de la biotechnologie, s'appréterait à mener des tests similaires. Ces éléments laissent donc penser que le séminaire de Bobo n'avait pas pour but de lancer la réflexion avant de choisir, mais plutôt de préparer les esprits à l'introduction des OGM au Burkina Faso. A Bobo, Monsanto est venu en force. L'inventeur du coton OGM, le coton Bt était là. Certains producteurs de coton ont dit qu'ils étaient prêts à expérimenter le coton Bt, un "coton insecticide".

Mais à Bobo, il y a un élément important qui n'a pas été versé aux débats.

L'Europe est en train de mettre en place une filière de "coton équitable". Cela veut dire que des entre prises européennes sont prêtes à payer plus cher leur coton aux producteurs africains (une mission est déjà venu au Burkina (mais aussi au Mali, au Sénégal et au Cameroun) pourvu que le coton puisse être reconnu comme équitable : c'est à dire qu'un juste prix sera proposé aux producteurs qui en contre partie devront respecter certains critères : leur façon de cultiver le coton devra être très respectueuse de l'environnement. Or justement, les OGM menacent gravement l'environnement. Or, comme nous l'avons dit à Bobo, tant qu'on ne maîtrisera pas le vent et les abeilles le risque de contamination est très important :
"Les plantes cultivées échangent en effet, par croisements spontanés, leurs gènes avec les variétés sauvages apparentées, qui sont souvent des mauvaises herbes. Ainsi, les gènes étrangers aux autres espèces, voire d'autres règnes, d'animaux ou de bactéries, introduits dans les plantes cultivées, risquent fort de passer dans les variétés sauvages. Les conséquences peuvent être sérieuses pour l'environnement et la biodiversité. Un gène de résistance à un herbicide introduit dans la plante que vous cultivez peut se retrouver dans des mauvaises herbes, favorisant son expansion dans le milieu et éliminant les autres espèces, perturbant également les équilibres écologiques au niveau des insectes butineurs" (Arnaud Apoteker dans " Plantes transgéniques. Une menace pour les paysans du Sud "). Les OGM menacent donc les autres agricultures, et tout spécialement l'agriculture biologique.
Pour contrôler ce risque, des contraintes ont été formulées : entourer les cultures OGM de cultures de variétés traditionnelles, appelées "zones refuges". Mais ces consignes sont loin d'être respectées par tous. Pour les petits paysans, ce n'est même pas possible !

Coton OGM ou coton équitable, il va falloir choisir !

Maurice Oudet


La Pomme du Sahel

La population burkinabè tire directement de la nature l'essentiel des ressources dont elle a besoin pour vivre : produits alimentaires pour l'Homme et l'animal, bois de chauffe, produits de la médecine traditionnelle et de la pharmacopée, etc.

Malheureusement, par la faute de cette même population, cette nature si généreuse se dégrade chaque jour faisant ainsi place au désert. Cependant, force est de reconnaître que dans ce contexte de dégradation, les arbres fruitiers sont épargnés. C'est le cas notamment du karité, du baobab, du néré et surtout du jujubier qui a fait l'objet d'un programme de domestication (dont la Burkina peut se vanter d'avoir épousé le schéma complexe) par le Centre international de recherche agroforestière (ICRAF). Ce programme s'intègre dans le souci de procurer aux populations de la zone sahélienne du SALWA (semi arid low lands of western africa) une alimentation équilibrée, c'est-à-dire riche en vitamines et en sels minéraux essentiels, d'améliorer le pouvoir d'achat de la ménagère, d'assurer une diversification des sources de revenus des plantations et surtout de préserver l'espèce.

Qu'est-ce que le jujubier ?

De son nom scientifique, zizyphus mauritiana Lam., le jujubier est connu au Burkina Faso sous les appellations Mugunuga en Mooré, Tomono en Dioula, Njaabi en Fulfuldé. C'est un arbuste épineux et sarmenteux à usages multiples particulièrement apprécié pour son fruit, son fourrage et son bois.

Le fruit constitue l'intérêt principal du jujubier. Il est consommé frais ou séché. Sec, le fruit peut être transformé en farine pour diverses utilisations alimentaires : pâte, gâteau, boissons, bouillie.

Les feuilles sont utilisées pour l'alimentation humaine et animale.

Le bois, résistant aux termites, est utilisé pour la fabrication de manches d'outils, de jougs de bœufs. C'est aussi un bon bois de chauffe et du bon charbon de bois.

La racine, l'écorce et les feuilles sont utilisées dans diverses préparations médicinales : hémorroïde, diarrhée, vomissement, maux de ventre, plaie…

En plus des fruits, le jujubier fournit du fourrage de qualité et entre dans la mise en place de haies vices de protection des cultures, efficace et non compétitive. En effet, l'analyse bromatologique des feuilles de zizyphus mauritiana dans le nord du Burkina Faso, montre une valeur fourragère élevée, particulièrement intéressante en saison sèche.

Pendant la saison sèche, la commercialisation des fruits de zizyphus mauritiana mobilise les populations et particulièrement les femmes, aussi bien dans les zones rurales qu'urbaines.

Variétés améliorées

Le jujubier est une des espèces en régression dans notre pays à cause de son intérêt multiple. Dans un souci de renversement de cette tendance et de domestication de la plante, des variétés indiennes ont été introduites au Burkina Faso. Les chercheurs du Département Productions Forestières de l'INERA ont réalisé depuis 2001 des greffes sur la variété locale avec des cultivars indiens. Le résultat de ces travaux a donné d'autres espèces de jujubier aux fruits plus gros et à la pulpe plus charnue (l'épaisseur de la pulpe est 10 fois supérieure à celle du fruit local). Présentant des similitudes de goût et de forme avec la pomme (seulement 2 fois moins gros), la << pomme du sahel >> a une meilleure saveur que celle de la variété locale. Sa pulpe est riche en éléments minéraux, en vitamine A et particulièrement en vitamine C. La matière minérale comporte une teneur relativement élevée en fer et en calcium. De ce fait, elle constitue un élément non négligeable dans l'alimentation des populations dans les zones arides et semi-arides dont l'alimentation est essentiellement basée sur les céréales pauvres en vitamines et en sels minéraux.

Ces nouvelles variétés de jujubier (Gola, Umran et Seb) peuvent être plantées dans les concessions comme des plantes ornementales.

La variété Seb qui a le port le plus érigé peut atteindre 10 m de haut avec une forte production qui peut atteindre 35 kg à plus de 100 kg. Le poids d'un fruit peut atteindre 25 g. Ses fruits sont les plus sucrés.

La variété Umran donne les fruits les plus gros (33 à 50 g) avec un rendement de 190 kg.

La variété Gola a un port étalé, parfois rampant et son rendement peut atteindre 100 kg à l'état adulte. Cette variété commence à produire très tôt.

Selon le Dr Jean Sibiri Ouédraogo, chef de Département Productions Forestières de l'INERA, " ces variétés introduites présentent une grande capacité nutritive, écologique et monétaire. Du point de vue nutritif, ces variétés ont environ 17 fois la teneur en vitamine C de la pomme vendue sur la place du marché. Sur le plan monétaire, 1 kg de fruits selon les enquêtes menées au Mali coûterait 1 000 F CFA. Du point de vue écologique, il n'y a aucun inconvénient : comme elles sont supportées par la variété locale qui est le porte-greffe, il a toute l'adaptation, tous les avantages liés à l'enracinement, qui permettent de l'associer aux cultures et dans n'importe quel système de production ".

Ces trois espèces du jujubier amélioré pourrait être une aubaine pour nos maraîchers qui pourront sans difficultés s'investir dans la plantation de ces fruitiers, car, non seulement ils n'exigent pas un entretien contant (30 litres d'eau par semaine sont suffisants pour la croissance d'un pied), mais ils ont une production fruitière très précoce et importante. Selon des travaux effectués au Mali, au bout de deux ans, dix pieds de jujubier amélioré peuvent procurer près de 28 000 F CFA par an.

Ces caractéristiques les prédisposent bien à une arboriculture intensive surtout dans le périurbain où la disponibilité en eau est plus grande.

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