Les deux laiteries de Fada N'Gourma
Si vous avez l'occasion de vous rendre à Fada N'Gourma, et si vous êtes intéressés par les questions de développement, je vous propose un petit exercice très instructif. Demandez où se trouve la laiterie de la ville. Soyez certain qu'on vous indiquera « La grande laiterie de Fada N'Gourma ».
Et si on vous propose de la visiter, n'hésitez pas. Vous serez émerveillés ! C'est impressionnant ! On a envie de s'enthousiasmer ! Vous découvrirez que cette laiterie est équipé de matériel de qualité, très performant, et de grande capacité.
En effet, la laiterie peut transformer 5 000 litres de lait par jour, peut-être plus. Seulement, elle doit transformer et commercialiser 3 000 litres de lait par jour pour être rentable. Sinon, elle fonctionne à perte. Et c'est justement ce qu'elle fait depuis sa création. Elle ne transforme que 800 à 900 litres de lait par jour, et n'en commercialise que 80 sur place. La plus grande partie de sa production est transportée en véhicule jusqu'à Ouagadougou. Là, les produits laitiers sont vendus au même prix qu'à Fada N'Gourma. Les frais de transport, les frais d'amortissement du véhicule ne sont pas comptabilisés. Quand celui-ci devra être remplacé, il n'y aura pas de fonds disponibles.
La laiterie appartient encore à l'Etat qui supporte une grande partie des salaires du personnel. Jusqu'à quand ? Si la laiterie devait être privatisée, il est fort probable qu'elle fermerait dans l'année, comme ont déjà fermé les laiteries « clé en main » de l'Etat burkinabè implantées à Ouagadougou (Cissê) et Bobo-Dioulasso.
Mais il existe une autre laiterie à Fada N'Gourma. La laiterie du groupement féminin Deweral e Waltare. Depuis l'an 2 000, cette association regroupe des femmes (à majorité peules, des femmes d'éleveurs) qui transforment et commercialisent le lait sous le label « Nungu Kossam », « Le lait du Gourma ».
J'ai visité cette laiterie, il y a deux ans. Déjà, elle transformait et commercialisait sur place 80 litres de lait par jour. Mais elle était en pleine expansion, grâce à l'appui d'une ONG américaine « Luther World Relief ».
Aujourd'hui, elle est installée dans ses nouveaux locaux. Elle commercialise environ 200 litres de lait par jour. Elle a des clients jusqu'à Ouagadougou qu'elle approvisionne grâce aux cars qui assurent la liaison Fada N'Gourma – Ouagadougou. Les femmes de la laiterie vivent de leur travail, dont elles sont fières. La trésorerie de cette laiterie est saine. Elle est prête à se développer encore. Ce qu'elle ne manquera pas de faire lorsque « la grande laiterie » devra vivre sans l'appui de l'Etat.
Les femmes de la laiterie « Nungu Kossam » témoignent, avec beaucoup d'autres, de la vitalité des mini laiteries du Burkina (voir le site de l'Union Nationale des Mini Laiteries et des Producteurs de Lait du Burkina Faso ).
Pourtant, depuis plusieurs années le gouvernement semble se désintéresser de ce type de laiterie. Il continue à rêver de laiteries industrielles (voir abc Burkina n° 294) alors que celles-ci se sont montrées inadaptées.
Koudougou, le 2 février 2009
Maurice Oudet
Président du SEDELAN