« Aujourd'hui, nous avons reçu une bonne nouvelle ! »


Depuis quelques années, avec le SEDELAN, je me suis intéressé à l'alphabétisation des peuls dans leur langue, le fulfulde. Cela m'a donné l'occasion d'être témoin de quelques expériences intéressantes.

L'an passé, le chef du quartier peul de Débé (au Sourou) a organisé une petite fête à l'occasion de la clôture du stage d'alphabétisation. Il avait invité le préfet de Di, quelques encadreurs des plaines rizicoles, la directrice et les monitrices de la maison de formation du projet dit des « 1 000 filles »de Débé, et quelques-uns de ses amis producteurs de riz... Cette année, le chef du quartier peul de Moaaga-Petit faisait la même chose. De tels événement aident puissamment les peuls à trouver leur place dans la société burkinabè. Quand vous avez été invité à participer à une telle fête, vous n'êtes plus tentés de traiter les peuls d'étrangers ! (lire l'abc Burkina n° 282 ).

Cette année, dans deux villages, j'ai vu des mossis participer aux stages d'alphabétisation en fulfulde avec leurs voisins peuls. Si, dans le passé, les peuls se sont repliés sur eux-mêmes, apparemment, aujourd'hui, les choses ont changé. Ils sont fortement demandeurs d'alphabétisation et de formation. Cette année, par exemple, nous avons facilité la mise en place d'un stage d'alphabétisation en fulfulde pour les peuls de Louta (au Nord de Toeni, au Sourou). Et bien, pas moins de quatre communautés peuls des environs sont venues nous trouver pour nous dire qu'eux aussi veulent apprendre à lire, écrire et compter dans leur langue.

Autre découverte. Auparavant, quand une communauté peule me demandait un moniteur pour les aider à s'alphabétiser en fulfulde, je me tournais vers le DPEBA (Directeur Provincial de l'Enseignement et de l'Alphabétisation) pour m'entendre dire qu'il n'avait aucun moniteur pour le fulfulde. Ce qui, apparemment ne troublait pas le moins du monde ce responsable de l'ensemble de l'alphabétisation de sa province. Aujourd'hui, je demande aux peuls du quartier demandeur s'il n'y a pas, en leur sein, l'un ou l'autre qui aurait fait l'école jusqu'au collège (ou tout au moins jusqu'au CM2).

A ma grande surprise, presque partout, je trouve cette perle que je croyais rare. Il suffit alors de lui offrir une formation en fulfulde de trois semaines pour lui donner la capacité de former ses frères et sœurs. C'est ainsi qu'en novembre et décembre 2007 nous avons formé une bonne vingtaine de moniteurs au cours de deux stages (l'un à Nouna, l'autre à Pa). Ces stages nous ont permis de soutenir 19 centres d'alphabétisation avec d'excellents résultats.

Aujourd'hui, je peux témoigner que ces stages aident fortement les peuls à trouver leur place dans la société burkinabè, et à être reconnu par les autres comme des burkinabè à part entière. C'est dire que si nous voulons éviter une guerre civile entre éleveurs et agriculteurs, il y a urgence à développer sans tarder et de façon importante l'alphabétisation des peuls en fulfulde – premier pas vers une intégration et une scolarisation des plus jeunes.

Un dernier récit. En mars dernier, rentrant du Forum Social du Burkina, je suis tombé en panne à Yako. Je me suis arrêté chez un ami. J'ai partagé avec lui l'essentiel de ce que je viens de décrire. Il m'a dit, alors, que lui aussi avait des amis peuls à quelques km de Yako. Nous avons décidé d'aller ensemble les saluer et leur demander s'ils étaient intéressés à ouvrir un centre d'alphabétisation en fulfulde chez eux. Ils ont répondu que c'est ce qu'ils veulent depuis des années, mais qu'ils ne savaient pas à qui s'adresser. Après quelques échanges pour s'assurer du sérieux de leur réponse, nous leur avons dit que nous reviendrons les voir dans quelques temps et que nous ferons notre possible pour les aider à ouvrir un tel centre dès l'an prochain. En nous quittant, ils nous ont dit : « Aujourd'hui, nous avons reçu une bonne nouvelle ! »

Pour conclure : Si vous êtes au Burkina et que vous avez des amis peuls, n'ayez pas peur d'aller les voir; et si eux aussi souhaitent apprendre à lire, écrire et compter en fulfulde, faites-nous signe. Nous vous aiderons, dans la mesure du possible, à trouver une solution.

 

Coupru, le 1er juin 2008
Maurice Oudet
Président du SEDELAN

FaLang translation system by Faboba