Les producteurs de coton burkinabè peuvent-ils espérer profiter de la hausse annoncée du prix du coton sur le marché mondial ?
La situation des producteurs de coton burkinabè est presque désespérée. Chaque année le prix du coton est revu à la baisse. En 2004, il était fixé à 210 F le kilo de coton-graine (à comparer aux 700 F et plus que reçoit un producteur de coton européen pour un coton de moins bonne qualité). L’année suivante, le prix est tombé à 175 F (le prix plancher), puis à 165 F en 2006. Ce qui signifie qu’en 2006, la façon de fixer le prix du coton a été modifiée. Le prix plancher a disparu. Ou pour le moins, il a changé de sens ! Le plancher varie d’une année à l’autre ! Et voilà qu’une fois de plus, il est revu à la baisse en 2007 : il est fixé à 145 F. C’est la baisse continue du dollar face à l’euro qui est responsable - pour l’essentiel - de cette baisse du prix du coton au Burkina, car le Franc CFA est lié à l’euro.
Pourtant, face à cette situation, les paysans qui ont abandonné la culture du coton sont peu nombreux. Beaucoup ont réduit la part de leurs champs attribuée au coton, mais ils continuent à cultiver des surfaces non négligeables de coton, car ils continuent d’espérer que la situation va s’améliorer. Ou surtout, ils ne savent pas vers quelle culture de rente se tourner !
Les producteurs de coton ont-ils eu raison de ne pas désespérer ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais toujours est-il que dans le quotidien « International Herald Tribune » du mardi 11 septembre est paru un article sur le coton qui laisse espérer une forte hausse du prix du coton fibre... pour décembre 2008 ! Un certain Jansen, notamment, prévoit qu’en décembre 2008 la livre de coton fibre pourrait alors atteindre 1 dollar ! C’est 3 fois plus qu’en décembre 2001, c’est beaucoup plus que ce qui est annoncé pour décembre 2007 (de l’ordre de 60 cents). Cela peut apparaître comme une bonne nouvelle pour les producteurs de coton africains.
Pourtant, il ne faut pas se réjouir trop vite : beaucoup d’incertitudes demeurent.
- Les producteurs de coton ne seront-ils pas définitivement découragés au moment de semer le coton en mai ou juin 2008? Avec un euro, qui vaut actuellement 1,42 dollar, la filière coton des pays dont la monnaie reste liée à l’euro risque de disparaître. 60,5 cents la livre met le kilo de coton fibre à un peu plus de 600 F le kilo. Nous sommes largement en dessous des coûts de production du Burkina. Les sociétés cotonnières seront-elles encore là en 2008 ?
- Rien n’est moins sûr ! En effet, en 2006, quand les sociétés cotonnières ont changé leur façon de calculer le prix du coton, le président de la SOFITEX (la principale société cotonnière du Burkina Faso) disait à qui voulait l’entendre que c’est « le fonds de lissage » qui allait sauver la filière coton. Ce fonds allait permettre d’atténuer les aleas du marché mondial et de garantir un prix plancher pour la saison à venir. De plus, il était même prévu des ristournes en fin de campagne pour les producteurs si le coton se vendait bien. L’Europe s’était engagée à aider les sociétés cotonnières pour faciliter la création de ce fonds.
Je me suis rendu sur le site officiel de la SOFITEX pour avoir des précisions sur ce fonds de lissage. Voici le résultat du moteur de recherche présent sur le site :
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Pour un fonds qui devait sauver la filière coton, c’est peu ! J’ai poursuivi mes recherches sur la toile, et j’ai fini par tomber sur un article de Louis Goreux pour l’AICB (Association Interprofessionnelle du Coton du Burkina). Cet article, assez technique, explique bien le rôle et la façon d’intervenir de ce fonds. Mais pas un mot sur le montant de ce fonds. Renseignements pris auprès du Président de l’AProCa et du Directeur Général du Commerce au Ministère du Commerce, ce fonds est vide ! Comment va-t-il sauver la filière coton ? Mystère ! Seule certitude : une fois de plus l’Europe n’a pas tenu ses promesses.
- Si le dollar continue sa chute, il est fort possible qu’en 2008, la livre de coton à 1 dollar ne signifie pas nécessairement que le kilo de coton fibre dépassera les 700 F. Tout dépendra alors des valeurs respectives du dollar et de l’euro.
- Enfin, les producteurs de coton qui persévèreront jusqu’en 2008 auront intérêt à rester vigilants. Il n’est pas dit que si le coton se vend bien en décembre 2008, les ristournes - auxquelles les producteurs de coton auront droit en avril ou mai 2009 - ne disparaîtront pas dans ce fonds de lissage que ni l’Europe, ni les sociétés cotonnières, n’auront été capables d’alimenter !
Pour finir, juste une dernière information. Sur le site de l’OMC, on peut lire : « L'ensemble des résultats de juillet 2004 prévoit que le coton sera traité “de manière ambitieuse, rapide et spécifique”, dans le cadre des négociations sur l'agriculture. » Trois ans plus tard, dans sa note d’information N°69 datée du 1/10/2007, Ideas Centre note simplement : « Le blocage sur le coton se confirme. »
Tout n’est pas rose pour « l’or blanc » du Burkina.