"Rechercher des solutions appropriées et pérennes aux préjudices subis par les pays africains producteurs du coton, du fait des subventions accordées à la production et à l'exportation du coton par certains pays développés producteurs", telle est la bataille dans laquelle les Etats béninois, burkinabè, malien et tchadien se sont jetés au sein de l'OMC. Ils emboîtent ainsi le pas au Brésil qui a osé s'attaquer aux géants Etats-Unis d'Amérique en vue d'exiger le respect des principes fondamentaux de l'OMC trop longtemps faussés par le jeu inique des subventions.
En effet, depuis le 30 avril, le Burkina, le Mali, le Bénin et le Tchad ont saisi le Comité de l'Agriculture de l'OMC, à travers une "initiative sectorielle commune en faveur du coton". Une démarche concertée qui vise à attirer l'attention de tous les pays membres de l'OMC sur les effets pervers de la politique de subvention à la production et à l'exportation du coton. Pratiquée par les Etats-Unis, l'Union Européenne (Espagne, Grèce) et la Chine, cette violation des règles et principes du système commercial multinational entraîne des pertes de recettes de l'ordre de 1 milliard de dollars par an, pour les pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre.
Réagir ou périr
C'est pour amener l'OMC à corriger cette pratique anti-concurrentielle que les ministres burkinabè, malien et béninois en charge du commerce, ont décidé d'unir leurs efforts par une action mûrie et concertée. Se positionnant comme les plus grands producteurs du coton dans la sous-région Ouest-africaine (avec près de 50 % d'exportation du coton et un tiers de leurs populations productrices), il y a pour eux de quoi prendre le devant d'une bataille qui ne semble pas gagnée d'avance.
A l'issue des 72 heures de réunion tenue dans la capitale burkinabè, ils ont décidé d'entreprendre des actions communes. Ainsi, ils ont dénoncé la politique de subvention qui va à l'encontre des engagements pris par tous les pays membres de l'OMC. Pour la 5e conférence ministérielle prévue en septembre prochain à Cancun au Mexique, ils envisagent de mettre en place un système de réduction des effets néfastes du soutien direct et indirect à la production et à l'exportation cotonnières en vue de leur élimination totale. Au cours de ces assises, ils entendent également exiger une indemnisation des préjudices subis à cause de cette pratique.
Enfin, tout en faisant admettre par leurs pairs, le caractère stratégique du coton pour le développement de leurs pays respectifs et la lutte contre la pauvreté, ils comptent réclamer une indemnisation suffisamment élevée pour constituer une motivation additionnelle à la réduction ou à la suppression des subventions le plus rapidement possible.
Prendre les pays développés aux mots
En somme, l'action concertée du Burkina, du Mali et du Bénin vise selon le ministre malien Choguel Kokolla Maïga, à "prendre les pays développés aux mots". Pour lui, en effet, il est inconséquent de continuer à parler de "la lutte contre la pauvreté" si on empêche injustement les paysans producteurs de coton de vivre décemment des fruits de leur travail. C'est pourquoi il pense que la paupérisation des producteurs africains par le jeu des subventions, constitue à elle seule, un argument pertinent pour enfoncer les impénitents Goliath dans leurs propres contradictions. Pour appuyer son optimisme, il a donné l'exemple du petit Mexique qui, en son temps, s'est battu pour l'abolition des subventions de la banane et a obtenu une indemnisation d'environ 130 milliards de F CFA.
Forts de ces préalables, Benoît Ouattara du Burkina Faso, Lazare Sehoueto du Bénin et Choguel Kokalla Maïga du Mali ont dans un communiqué conjoint, lancé un appel à tous les acteurs du secteur cotonnier, notamment les organisations de
producteurs et les entreprises pour soutenir toute action en faveur de l'initiative sectorielle commune. En attendant, ils ont, à l'issue de leur rencontre avec la Commission de l'UEMOA, demandé à cette institution "d'organiser dans les meilleurs délais, une réunion de tous les acteurs intéressés en vue d'accroître l'efficacité des initiatives".
Par Félix Koffi AMETEPE