Les paysans mexicains sont en colère ! |
Ce qui se passe aujourd'hui au Mexique est révélateur de ce qui attend les pays du Sud s'ils n'obtiennent pas " l'exception agricole " aux négociations sur l'agriculture à l'O.M.C. : Les produits agricoles mexicains sont très bon marché, mais ils ne peuvent concurrencer les produits américains massivement subventionnés. " Quatre vingt mille paysans représentant les associations professionnelles et syndicales du monde rural ont manifesté, sur le Zocalo, la place principale de Mexico. Ils voulaient ainsi protester contre la politique agricole du gouvernement de Vicente Fox. En 1993, lors de la signature de l'Alena (accord de libre échange nord-américain), ces mêmes petits producteurs avaient déjà protesté : sans une réforme structurelle de toute l'agriculture, une telle signature serait un désastre qui aboutirait à terme, à un démantèlement de ce secteur qui fait vivre 25 % de la population. Dix ans ont passés. Au 1er janvier, toutes les barrières douanières agricoles ont été levées : les produits mexicains, canadiens et des Etats-Unis peuvent donc circuler librement. Mais l'agriculture nord-américaine est tellement subventionnée qu'aucun produit mexicain ne peut être compétitif. Le fermier américain exporte, par exemple, du maïs à un prix 20 % inférieur à son coût de production, et reçoit en moyenne 21 000 dollars par an de subventions, contre à peine 700 dollars pour le producteur mexicain. L'accès au crédit est restreint. Les taux d'intérêt bancaires sont scandaleusement élevés, entre 50 et 60 %, alors que l'inflation est de 5 %. Et le prix de l'électricité (dans ce pays producteur de pétrole) est quatre fois plus cher qu'aux Etats-Unis. Il existe enfin dans le pays un problème d'absence de normes qui permet aux puissants voisins du Nord d'écouler à très bas prix des stocks invendables de viande congelée ou de produits de mauvaise qualité. La différence de niveau des économies est telle que le monde rural mexicain ne peut supporter la concurrence. D'autosuffisant, le pays va devenir dépendant Depuis la signature de l'Alena, les prix à la consommation ont augmenté de 200 %, mais le haricot noir a perdu 46 % de sa valeur du fait des importations. Dans les années 80, c'est-à-dire avant la mise en œuvre des politiques libérales, le Mexique était pourtant autosuffisant en aliments. Il est aujourd'hui dépendant à 40 % de son voisin et les experts pronostiquent que, dans cinq ans, il importera 70 % de ses produits agricoles. Enfin, entre 1994 et 2002, le Mexique a déboursé quelque 75 milliards de dollars en produits alimentaires nord-américains qui auraient pu être mieux dépensés. … Les agriculteurs en colère ont rappelé au président mexicain qu'il n'avait pas tenu ses promesses électorales et qu'il n'était pas question que le monde rural fasse les frais de sa politique ultra-libérale. Sans un accord national, ils sont prêts à fermer les frontières et à déclencher une grève générale, soutenus par toutes les grandes centrales syndicales ouvrières, présentes lors de leur manifestation." Patrice Gouy, la Croix (www.la-Croix.com) du vendredi 7 février 2003
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