Le "Quimanpousse" (Qui m'a poussé ?) ou les méfaits de l'alcool.

Il y a quelques jours j'ai passé la soirée et la nuit dans un village au Sud du Burkina Faso. C'était jour de marché. Le "Quimampousse (alcool obtenu localement en distillant du sucre) régnait en maître. C'était impressionnant. Le marché terminé, vendeurs et buveurs jouaient les prolongations dans les lieux d'habitations. La situation est vraiment inquiétante. Les autorités sont muettes. Il est loin le temps du président Sankara. La lutte contre l'alcoolisme semble avoir été enterrée avec lui. Ce phénomène est en train de gagner les villes.  L'article suivant en est une bonne illustration.

Le "Quimanpousse" (Qui m'a poussé ?) ou les méfaits de l'alcool.

Traduit de la revue « Sanje wi », en lyele, de Réo.

Une liqueur très forte et qui ne coûte presque rien. Après l’avoir bu, ça te change complètement le visage, comme si tu viens de recevoir une gifle. Cette liqueur a beaucoup de noms : « quimanpousse, sopal, akouété, aide-moi à mourir, toèlein-toèlein, bousculator, … Cette boisson va vraiment aider nos vieillard à rendre l’âme, et elle n’oubliera pas de réserver un avenir regrettable à nos jeunes filles et à nos jeunes gens.

Cette liqueur a envahit le pays. Tout le monde est conscient de cela et l’on se pose la question : est-ce pour l’embellir ou pour le gâter ? Que chacun de nous jette un regard critique autour de lui, et il verra le résultat.

Tous les coins et les alentours de Réo en particulier, et du pays en général, ont des lieux aménagés et animés spécialement pour la vente de ce fameux produit alcoolisé. Et chaque soir, au son de la musique, les gens se retrouvent comme des abeilles dans ces lieux pour consommer. On y trouve : hommes, femmes, jeunes gens, jeunes filles. Le plus grave, peut-être, c’est que nos produits traditionnels, comme le dolo, sont pris avec cette liqueur. Parfois, elle remplace même notre bouillie !

Que pensons-nous de cette liqueur ?

Au Sanje wi nous sommes très tristes quand nous voyons cette consommation excessive de cette boisson. Nous avons envoyé quelqu’un faire une enquête auprès des vendeurs et des consommateurs. Nous voulions savoir ce que cette boisson apporte au consommateur, et aussi ce qu’elle rapporte au vendeur. Ensuite, nous avons été interroger un docteur pour lui demander les conséquences de cette consommation sur la santé.

Écoutons le point de vue d’un vendeur !

Sanje wi : Quel intérêt vous apporte le Quimanpousse (Sopal) en le vendant ?

Le vendeur : Sincèrement, moi je ne bois pas le Sopal pour en connaître le goût. Ce que je sais, c’est qu’un jour je suis allé chez un grossiste pour en acheter, et qu’il me l’a fait goûter. Mais je vous assure qu’après l’avoir avalé, moins une, je n’arrivais pas à destination.

Sanje wi : Combien vous rapporte une bouteille ? et combien de bouteilles vendez-vous dans une journée ?

Le vendeur : J’achète la bouteille à 400 F ou 425 F. Une bouteille contient 42 ( ?) boules, et nous vendons 3 boules à 50 F. Je peux donc avoir un bénéfice de 150 F dans une bouteille. Et je peux vendre plus de 10 bouteilles par jour. Si c’est le jour du 21 de Réo (le dimanche qui coïncide avec le marché), le bénéfice est inimaginable.

Sanje wi : Vous n’en consommez pas, et vous en vendez ! Pourquoi cela ?

Le vendeur : Ne m’interrogez pas ainsi ! Moi je cherche l’argent, je m’en fous du reste ! Observez bien dans la ville de Réo. Il y a combien de boutique où on ne vend pas ces liqueurs ? Moi personnellement, je ne supporte pas l’alcool, surtout le Sopal. Mais si quelqu’un vient en demander, je lui en donne, et je prends mon argent, c’est tout !

Ensuite, Sanje wi s’est approché des consommateurs fidèles du Sopal et les a intervewés :

Sanje wi : Pourquoi les gens aiment-ils cette boisson beaucoup plus que les autres ?

Un consommateur : « Quoi ? Le Quimanpousse ? Mais, c’est très moins cher ! Et quand tu en prends un peu seulement, ça te suffit. Moi si je prends un quart de litre, c’est jusqu’au soir que j’en prends encore. »

Un autre consommateur : Moi si je me lève le matin, tout mon corps est lourd. Mais si je prends un verre de Sopal, mon corps devient très léger comme une feuille. En ce momment, je peux faire ce que je ne pouvais pas faire. Ça, ce n’est pas de l’amusement, hein !

Un autre consommateur (jeune) : Hé djah ! Ne vous fatiguez pas. Moi, là où je suis là, le bien que le Sopal m’a fait la nuit de Pâques, c’est Dieu seul qui le sait. Je n’avais pas beaucoup d’argent en poche et j’ai rencontré une de mes gazelles en pleine ville. Vous savez ce que j’ai fait ? Je l’ai emmené dans un petit coin et j’ai pris une bouteille de Sopal. Je vous dis qu’on a même pas fini la bouteille et la fille était K.O. (soûle). Immédiatement, je l’ai tiré dans un autre coin sombre et hop… j’ai fini avec elle !

Sanje wi : Dans un état pareil, est-ce que tu as pu utilisé un préservatif ?

Le jeune homme : Quel préservatif ? Moi-même j’étais soûl !

Sanje wi s’est approché du docteur Thio, le Médecin chef du Centre Médical du Sanguié et lui a tendu son micro. Ecoutez-le.

Docteur Thio : L’excès d’alcool ne fait jamais de bien à une personne. Quand tu bois, tu es fier sur place. Et cette fierté peut te conduire à faire du mal, à faire ce que tu ne devais pas faire, et même ce que tu ne voulais pas faire. Si tu consommes trop d’alcool, il y a des conséquences immédiates, et d’autres dans l’avenir.

Quel mal immédiat peut faire le Sopal ?

Docteur Thio : Si quelqu’un consomme excessivement le Sopal, cela peut entraîner un arrêt brusque du cœur (crise cardiaque) et la personne meurt sur place. L’abus de l’alcool peut entraîner un chauffeur (ou un motocycliste) à un accident de circulation qui peut souvent occasionner des morts ou des blessés graves. L’alcool peut donner des plaies au foie.

L’alcool peut t’entraîner à avoir des relations sexuelles alors que tu ne devais pas. Et si cette personne a le sida ou une autre maladie sexuellement transmissible… on ne sait jamais.

 

Sanje wi : Et à la longue, qu’est-ce que le Sopal peut faire à une personne ?

Docteur Thio : J’ai bien dit que le Sopal donne des plaies au foie, et ces plaies se terminent par la mort. L’alcool ralantit la respiration et le battement du cœur de la personne. Ça donne également une maladie aux reins qui ne leur permet plus de fonctionner. L’alcool donne aussi la cirrhose du foie. Lorsque le foie est atteint, ça devient un cancer du foie, et ce cancer se termine toujours par la mort comme vous le savez tous.

L’alcoolique devient comme un enfant, agit comme un fou, il devient ignorant, il ne respecte plus rien, ni personne. Et prêtez bien l’oreille à ce que je vais vous dire maintenant : l’homme qui consomme trop d’alcool ou d’autres liqueurs, finit par perdre sa virilité. Il ne peut plus avoir d’enfant, car l’alcool détruit la qualité des spermatozoïdes. Ou encore, il peut avoir un enfant, mais cet enfant est mal formé, idiot… c’est un monstre au lieu d’être un être humain. Tu peux avoir un enfant avec une petite tête comme le poing. Ce genre d’enfant ne peut pas réussir à l’école, ni faire les travaux physiques à la maison.

Pour les femmes aussi, c’est très dangereux également : elles peuvent devenir stérile à vie. Ce sont là les séquelles de la consommation excessive de Sopal et de tous les alcools.

Sanje wi : Docteur, ce que vous venez de dire fait vraiment peur. C’est très inquiétant. Mais quel conseil donnez-vous à nos lecteurs, et aux fervents consommateurs de ces liqueurs, et à nos jeunes frères et sœurs tentés par la consommation du Sopal.

Docteur Thio : Ce n’est pas seulement le Sopal, mais aussi bien toutes les autres liqueurs qui sont dangereuses. Pour ma part, si j’ai un conseil à donner, surtout aux jeunes gens et aux jeunes filles, je leur dirais de faire très attention à la consommation abusive d’alcool, que sont ces liqueurs. Ces jeunes sont appelés à devenir l’élite du pays, les bras valides de la société. Le monde de demain leur appartient ; c’est pour eux. Je leur conseille donc de réduire fortement leur consommation d’alcool : surtout de Sopal et des autres liqueurs. Si la consommation ne baisse pas, on ne verra plus de jeune vaillant, ni d’enfant docile dans cette génération. On n’aura plus d’adulte solide, ni de sage vieillard. Les enfants à naître seront idiots, mal formés, comme je l’ai dit plus haut. Quel sera notre monde alors ?

Voilà le vibrant appel que je lance à tout un chacun. Celui qui peut cesser complètement de boire ces liqueurs, n’a qu’à cesser ! Celui qui ne peut pas cesser complètement, qu’il réduise fortement sa consommation d’alcool. A bon entendeur, salut !

Sanje wi : Merci doctheur Thio.

Docteur Thio : Merci, et courage !

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