Les femmes peuls (éleveurs traditionnels) de Koudougou transforment le lait importé venu d'Europe |
Voici un nouvel exemple des effets pervers de la politique laitière européenne qui facilite les exportations à bas prix (subventionnées) de poudre de lait. A Koudougou, troisième ville du Burkina Faso, nous sommes quelques-uns à nous demander s'il ne serait pas possible de créer une mini laiterie qui transformerait le lait produit par les éleveurs traditionnels, les peuls, des villages proches de la ville. C'est ainsi qu'il y a quelques temps nous avons visité un quartier peul à une douzaine de kilomètres de la ville. « Le vieux » du quartier nous a dit : « Quand j'étais jeune, avec mon père, c'était moi qui fournissait le lait à l'administration française. Aujourd'hui encore, nous pouvons produire du lait toute l'année, à condition d'être sûr de le vendre à un prix rémunérateur (ce qui veut dire environ 300 F le litre de lait rendu en ville). Mais nous ne pouvons pas dépenser de l'argent pour la nourriture de nos vaches si ensuite nous n'arrivons pas à vendre notre lait. » Vers la fin de notre rencontre, une femme a pris la parole pour nous dire : « Nous les femmes, nous sommes très intéressées par cette idée de créer une mini laiterie à Koudougou. Personnellement, je ne suis pas de ce quartier. Je suis venue rendre visite à des amies, mais je suis de la ville de Koudougou. Je suis présidente d'une association de femmes peuls de la ville de Koudougou. Nous avons créer cette association pour nous entraider, car beaucoup d'entre nous sont très pauvres. Comme filles d'éleveurs, en ville, nous ne pouvons pas exercer notre métier. Aussi nous avons créer cette association qui a pour but, la transformation du lait et du mil. Notre association regroupe 51 femmes peuls de Koudougou. » La présidente de l'association m'ayant invité à participer à une de leurs réunions, un dimanche après-midi, je me suis retrouvée dans sa cour au milieu d'une trentaine de femmes. L'une d'elle est arrivée avec une calebasse recouverte d'un couvercle. J'ai demandé à voir ce que contenait la calebasse. Elle ne s'est pas fait prier. Elle nous à montrer son contenu : du « dégué ». Un plat traditionnel très apprécié : de la farine de petit mil délayée dans du lait caillé. J'ai demandé d'où provenait le lait. Elle a répondu qu'elle faisait le dégué avec du lait reconstitué à partir de la poudre de lait importé. Elle achetait son lait chez un commerçant. Celui-ci achetait des sacs de 25 kg de lait en poudre qu'il commercialisait au détail, à 1 700 F le kg. Ce qui permet d'obtenir un litre de lait pour 200 F environ. C'est ainsi qu'au cours de la conversation j'ai appris que toutes les femmes se fournissaient en lait en poudre auprès des commerçants de la ville pour fabriquer et commercialiser leur dégué ou leurs yaourts. Ce n'est qu'à partir du mois de juillet (et jusqu'en octobre – novembre) que certaines d'entre elles achetaient du lait produit localement. Toutes disaient que, filles d'éleveurs, elles préféreraient transformer du lait produit localement, mais qu'elles n'avaient pas le choix. Elles faisaient ce travail pour nourrir leurs enfants. Vu l'enthousiasme de ces femmes à l'idée de transformer à nouveau du lait produit localement et l'intérêt des éleveurs à pouvoir commercialiser du lait toute l'année, nous sommes décidés à appuyer cette association de femmes pour qu'elles puissent mettre en place une laiterie sur la ville de Koudougou. Cette laiterie devrait pouvoir commercialiser du lait pasteurisé, du dégué et des yaourts. Nous nous appuierons sur les radios locales pour aider les consommateurs à se détourner du lait importé pour se tourner vers le lait frais et les produits locaux. En même temps, nous nous battons avec la Confédération Paysanne du Faso pour obtenir que la CEDEAO (Communauté Économique Des États de l'Afrique de l'Ouest) pour obtenir que le lait en poudre soit taxé à 60 ou 70 % à l'importation (40 % pour « effacer » les diverses subventions européennes à la filière lait et 20 à 30 % pour donner le temps à la filière lait en Afrique de l'Ouest de se développer et de se renforcer). A titre d'exemple le Kenya taxe le lait à l'importation au taux de 60 %, et les kenyans consomment du lait produit localement. Maurice Oudet |