Déclaration de la Confédération Paysanne du Faso (CPF) pour une agriculture comme moyen de lutte contre la pauvreté au Burkina Faso.

Cette déclaration a été faite à l'issue de concertations paysannes lors de la 9° édition de la Journée Nationale du Paysan tenu les 16-17 décembre 2004 à Gaoua.

Les producteurs du Burkina Faso sont convaincus que l'agriculture doit désormais être perçue comme un métier qui fait vivre et prospérer celui qui la pratique. C'est du reste cette vision qui motive notre engagement pour la professionnalisation en vue de promouvoir une agriculture productive, durable et compétitive.

L'agriculture et la lutte contre la pauvreté constituent toujours notre préoccupation, en ce sens que plus de 90 % des pauvres vivent en milieu rural. Il s'agit de la catégorie de ruraux dont la survie et les moyens d'existence dépendent directement de l'agriculture, de l'élevage, de la foresterie, de la pêche artisanale...

Nous sommes également convaincus que cette question préoccupe aussi les décideurs politiques. Ainsi, l'Etat s'est beaucoup endetté et les producteurs aussi, mais nous constatons que le secteur agricole n'a pas encore totalement répondu à nos attentes en tant que moyen de lutte contre la pauvreté.

Des expériences vécues au Burkina Faso et dans d'autres pays, comme  la "révolution blanche" en Inde dans les années 70, renforcent cependant notre conviction que l'agriculture peut effectivement être un moyen de lutte contre la pauvreté. 

Mais nous sommes en droit de nous poser quelques questions :

  • Comment peut-on encourager les producteurs de lait à utiliser des races performantes et des formules alimentaires calculées pour augmenter la production nationale de lait si nos marchés sont constamment envahis par du lait importé (et subventionné - ndlr) ou provenant des aides alimentaires ?

  • Comment peut-on promouvoir une modernisation des exploitations agricoles sans aucune politique de promotion de la transformation et de la consommation des produits locaux ?

Ces quelques questions montres que Vous, autorités politiques, et Nous, producteurs, avons des raisons légitimes de nous retrouver pour débattre et échanger. Ainsi, nous avons retenus quelques axes d'interpellation et de discussion avec le gouvernement :

Axe 1 : Les politiques de soutien à l'agriculture burkinabè

Face au contexte de désengagement, de libéralisation/privatisation et globalisation, les producteurs ruraux pauvres font face à d'énormes difficultés d'accès aux marchés tant au niveau national qu'à l'extérieur du pays.

Nous comprenons la difficulté d'utiliser les rares ressources du pays pour subventionner notre agriculture, comme ceux du Nord le font actuellement. Mais l'histoire nous enseigne aussi que ceux qui prônent aujourd'hui l'ouverture des marchés, ont dans un premier temps protégé leur agriculture avant d'ouvrir leurs frontières. Certains grands pays continuent même de protéger implicitement leur agriculture à travers les fameuses normes de qualité.

Ainsi, nos propositions pour discussions sur les politiques de soutien à l'agriculture sont les suivantes :

  • L'instauration d'une politique de taxation spécifique de certains produits agricoles importés, dont les ressources générées serviraient à la constitution d'un fonds de soutien au développement des filières agricoles concernées. En terme de choix de filières, il pourrait s'agir dans un premier temps du riz et du lait.

  • L'instauration d'un mécanisme de régulation des importations des produits alimentaires en vue de permettre un meilleur écoulement des produits locaux à certaines périodes de l'année. Cela pourrait se faire par le biais de la taxation, de l'imposition de quota d'importation, ou de tout autre mécanisme approprié.

  • Un plus grand engagement du Gouvernement pour la promotion du développement du secteur de la transformation agro-alimentaire au Burkina Faso, en créant l'environnement incitatif nécessaire.

A ce niveau, les producteurs du Burkina Faso prennent l'engagement de mener les actions nécessaires en partenariat avec les transformateurs et les consommateurs, en vue de promouvoir la consommation des produits locaux transformés.

Axe 2 : La compétitivité des produits agricoles burkinabè

Conscients que notre agriculture demeure peu productive et qu'il existe des marges de productivité à conquérir, les producteurs du Faso prennent l'engagement de travailler au renforcement de la professionnalisation.

Nous sommes convaincus que le seul combat pour des politiques agricoles plus appropriées ne suffit pas. Notre but à travers la professionnalisation est d'améliorer la productivité et le rapport qualité/coût de nos produits agricoles.

Ainsi, notre proposition au Gouvernement en terme de mesure de soutien à la professionnalisation est : 

La mise en place d'une politique d'allègement  de la fiscalité sur les intrants et matériels agricoles.

Axe 3 : La politique d'aide alimentaire

L'agriculture burkinabè demeure très vulnérable car dépendant fortement des facteurs climatiques, tels que la pluviométrie. Cela explique les crises alimentaires répétées aux quelles les producteurs doivent fréquemment faire face.

Sans remettre en cause l'aide alimentaire en tant que telle, notre interpellation auprès du gouvernement est de développer une politique d'aide alimentaire qui permette effectivement aux Burkinabè de se passer de l'aide alimentaire.

Le succès de la "révolution blanche" en Inde (avec le lait), montre que l'on peut effectivement utiliser l'aide alimentaire pour le développement des filières agricoles, c'est à dire : utiliser l'aide pour éliminer l'aide.

Nous sommes convaincus que si nous recherchons ensemble des réponses appropriées à toutes ces questions, nous aurons amélioré le rôle joué par l'agriculture dans la lutte contre la pauvreté au Burkina Faso.

La Confédération Paysanne du Faso

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