La CEDEAO doit protéger ses produits sensibles
en fixant des prix d’entrée à l’importation.
La CEDEAO doit trouver le moyen de développer son agriculture tout en permettant aux populations urbaines de se nourrir à un prix supportable. Le meilleur moyen : protéger ses produits sensibles en fixant des prix d'entrée à l'importation.
Actuellement, les importations de l'UEMOA sont soumises à des droits de douanes fixes. Pour chaque produit, le taux de taxation est défini. Et l’ensemble de ces taux constitue ce que l’on appelle le Tarif Extérieur Commun (TEC). C’est ainsi que le lait en poudre en sac de 25 kg est taxé à 5 %, le riz et le triple concentré de tomate à 10 % ... L’augmentation croissante des importations alimentaires et la récente crise alimentaire ont montré clairement les limites d’un tel système.
Et pourtant, c'est un système très proche de celui-ci qu'a choisi de mettre en place la CEDEAO. Elle a repris le TEC de l'UEMOA qui comporte quatre niveau de taxation (0 %, 5 %, 10 % et 20 %), auquel elle va ajouter une nouvelle bande tarifaire à 35 % ! Quand on sait que le dollar a baissé de 43 % par rapport à l'euro, et donc au F CFA, entre 2001 et 2009, on peut affirmer sans risque de se tromper que cette protection n'est pas suffisante. De plus, elle est inadaptée.
Illustrons cela de quelques exemples.
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De 1995 (naissance de l’OMC et mise en place de l’Accord sur l’agriculture) à 2006, les importations alimentaires de l’Afrique de l’Ouest ont augmenté de 230 % (dix fois plus vite que la population).
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De 2000 (mise en place du TEC de l’UEMOA, très libéral) à 2006, le déficit alimentaire (importations – exportations) de l’Afrique de l’Ouest est passé de 393 millions de $ à 2 109 millions de $ (le déficit à donc été multiplié par 5,4 en 6 ans).
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Toujours de 2000 à 2006, les importations de riz ont doublé, et celles de poudre de lait grasse ont été multipliées par 2,3.
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En 2008, quand les denrées alimentaires ont fortement augmenté sur le marché mondial, plusieurs gouvernements de l’Afrique de l’Ouest ont supprimé les faibles taxes douanières sur le lait en poudre et le riz, mais aussi sur d’autres produits de première nécessité. Le Sénégal a même subventionné ses importations de riz ! Preuve s’il en est que les droits de douanes fixes ne sont pas adaptés à la situation : cours mondiaux des denrées alimentaires très volatils et forte proportion de pauvres dans les villes et le monde rural de l’Afrique de l’Ouest.
Il est urgent de proposer une alternative à cette situation qui risque de conduire toute l’Afrique de l’Ouest à une situation catastrophique et difficilement réversible.
Le seul moyen (celui qu’ont utilisé et utilisent encore les pays dont l’agriculture est fortement développée) est d’offrir des prix stables et rémunérateurs aux agriculteurs. C’est aussi la condition pour qu’il soit possible d’investir dans l’agriculture, et donc que les paysans obtiennent des prêts.
Pour cela il faut fixer des prix d’entrée pour chaque produit alimentaire de base, de sorte que les produits importés arrivent sur le marché légèrement plus chers que les produits locaux. Ainsi, les agriculteurs seront sûrs de pouvoir vendre leurs récoltes à un prix rémunérateur. Et les consommateurs urbains seront également protégés d’une hausse trop forte des cours mondiaux.
Quand les cours mondiaux seront supérieurs aux prix d’entrée, il n’y aura pas de taxe à l’importation. Quand pour un produit donné, le prix d’entrée sera supérieur au cours mondial (plus précisément au prix de ce produit une fois arrivé dans un port de la CEDEAO, c'est-à-dire précisément à ce qu’on appelle le prix CAF = coûts + assurance + fret) le prix subira une taxe (appelée prélèvements) suivant l’égalité simple :
prélèvement = prix d’entrée – prix CAF
Cette taxe (ce prélèvement) variera donc en fonction des cours du produit sur le marché mondial. C’est pourquoi on parle de prélèvements variables. Le prix d’entrée, lui restera stable. Il pourra être réajusté, par exemple chaque année, en fonction de l’évolution des coûts de production qui varient, entre autres, avec le prix des intrants : engrais, carburant…
Cette façon de faire n’est pas bien vue à l’OMC, mais elle est nécessaire. Elle doit donc faire l’objet de négociation. Elle peut être négociée à l’OMC au titre du « traitement spécial et différencié » reconnu aux Pays en développement. Elle devrait pouvoir être acceptée tant que les prix d’entrée resteront inférieurs aux lignes tarifaires du TEC consolidé. Mais de cela nous reparlerons dans un prochain abc Burkina.
Ceux qui, dès maintenant, veulent aller plus loin et poursuivre l’analyse sont invités à consulter la présentation de Jacques Berthelot : Quelles mesures de sauvegarde du TEC pour renforcer le marché régional de la CEDEAO ?
Koudougou, le 28 février 2009
Maurice Oudet
Président du SEDELAN