A qui profitent les O.G.M. (Organismes Génétiquement Modifiés) ?
Introduction :
Au moment où je commence à rédiger cette contribution, le porte-parole de la Confédération Paysanne (de France) est en prison pour avoir détruit des plants de riz transgénique. Il s'agissait d'un champ expérimental. José Bové et ses compagnons voulaient alerter les chercheurs et la société civile sur les dangers que représente toute culture OGM en plein champ, notamment sur les dangers de contamination des cultures voisines. Dans le journal "Le Monde" du 27 juin 2003, une quarantaine de chercheurs du CIRAD et d'autres de l'INRA reconnaissent que "la contamination d'OGM dans des milieux qu'ils vont immanquablement contaminer ne peut être acceptée." Ils ajoutent : "ces actions ont rempli une fonction d'alerte, pour nous, personnel de la recherche et de l'enseignement supérieur; notre réflexion sur la gravité du problème de l'utilisation des OGM… en a largement bénéficié." Pour ou contre les OGM ? Le débat fait rage, soulevant des interrogations pour l'avenir de la planète !
I - Qu'est-ce qu'un OGM.
- Pour un scientifique :
Un OGM est un être vivant "fabriqué par l'homme". L'homme - par un procédé technique très complexe (donc pas à la portée de tous) - va prendre un gène d'un être vivant et le fixer sur un autre être vivant, mélangeant des gènes de poisson, de fraise, de scorpion, de maïs, de n'importe quel être vivant avec n'importe quel autre.
(Définition d'un gène : Un gène est un segment d'A.D.N. conditionnant la synthèse d'une ou plusieurs protéines et donc la manifestation et la transmission d'un caractère héréditaire déterminé.) - Selon la Commission européenne
(Les états devant faire des lois pour interdire ou permettre l'introduction d'OGM ou encore les contrôler… se doivent donc d'en apporter une définition)
Selon la Commission européenne, un OGM est "un organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle". (Ce qui veut donc dire que si un chercheur ou un industriel vous dit que les OGM sont naturels ou sont dans la droite ligne de la sélection variétale (le choix, par les paysans, des semences les mieux adaptées depuis la naissance de l'agriculture), il vous ment ! ) - Pour les cinq entreprises américaines qui contrôlent les neufs dixièmes des semences OGM et les pesticides et herbicides qui leur sont associés.
Pour ces entreprises, c'est l'espoir de dominer l'agriculture du monde entier et donc de faire des bénéfices incalculables. Aujourd'hui, cinq firmes, avec en tête Monsanto, contrôlent l'essentiel de la commercialisation des OGM. Quatre pays, Etats-Unis, Argentine, Canada et Chine cultivent 99 % des OGM. Il s'agit essentiellement du soja, du coton, du colza et du maïs. Quelles sont les caractéristiques de ces OGM : ils sont résistants aux herbicides, aux insectes ou aux deux. En 2002, 51 % du soja, 20 % du coton, 12 % du colza et 9 % du maïs cultivés dans le monde étaient génétiquement modifiés.
Deux nouvelles variétés génétiquement modifiées sont prêtes à être cultivées : le riz et le blé !
II - Brève analyse des avantages et des risques des OGM.
- Les avantages (et leur contrepartie !):
* Augmenter les rendements. Mais en contrepartie, les semences sont plus chères, la dépendance plus grande. Les producteurs américains utilisent souvent le coton Bt (OGM), mais avec des coûts de production très supérieur à ceux du Burkina Faso.
* La résistance aux herbicides. Cette résistance aux herbicides peut permettre à un paysan d'accroître la superficie de ses champs et aussi le rendement. Encore faut-il qu'il y ait des terres disponibles (cette disponibilité tend à disparaître au Burkina avec la population qui double tous les 25 ans). De plus, l'accroissement des rendements que l'on peut éventuellement d'un désherbage bien maîtrisé suppose que les plantes aient régulièrement accès à une plus grande quantité d'éléments minéraux à l'unité de surface; ce qui pose d'abord la question de la fertilisation organique et/ou minérale des sols. Ce qui est loin d'être acquis aujourd'hui. Allez en zone cotonnière (ou en zone plus peuplée sur le plateau mossi) et demandez aux paysans s'ils pensent que leurs enfants pourront cultiver les mêmes terres qu'eux ? Le plus souvent leurs visages se ferment…
* La résistance aux insectes paraît également séduisante, dans la mesure où elle permettrait d'épandre moins d'insecticides qu'autrefois. Malheureusement la présence de gène insecticide, présent en permanence dans la plante transgénique, accélère l'acquisition de résistance chez les insectes (selon un scientifique américain, Charles Benbrook, "un champ de coton Bt (coton OGM) produit 10 000 à 100 000 fois plus de Bt que ce qu'utiliserait un agriculteur employant de façon intensive des traitements Bt). Et on connaît les risques encourus par les paysans lorsque les ravageurs résistants à la toxine dont les OGM sont porteurs commencent à se multiplier, sans concurrent aucun, avec pour effet d'anéantir la presque totalité de la récolte. - Les risques :
* Risques sur l'environnement : Tant qu'on ne maîtrisera pas le vent et les abeilles le risque de contamination est très important :
"Les plantes cultivées échangent en effet, par croisements spontanés, leurs gènes avec les variétés sauvages apparentées, qui sont souvent des mauvaises herbes. Ainsi, les gènes étrangers aux autres espèces, voire d'autres règnes, d'animaux ou de bactéries, introduits dans les plantes cultivées, risquent fort de passer dans les variétés sauvages. Les conséquences peuvent être sérieuses pour l'environnement et la biodiversité. Un gène de résistance à un herbicide introduit dans la plante que vous cultivez peut se retrouver dans des mauvaises herbes, favorisant son expansion dans le milieu et éliminant les autres espèces, perturbant également les équilibres écologiques au niveau des insectes butineurs" (Arnaud Apoteker dans " Plantes transgéniques. Une menace pour les paysans du Sud "). Les OGM menacent donc les autres agricultures, et tout spécialement l'agriculture biologique.
Pour contrôler ce risque, des contraintes ont été formulées : entourer les cultures OGM de cultures de variétés traditionnelles, appelées "zones refuges". Mais ces consignes sont loin d'être respectées par tous. Pour les petits paysans, ce n'est même pas possible !
* Risque sur la santé des hommes (et des animaux !). Aujourd'hui personne n'est capable de prouver que les OGM ont des effets pervers sur la santé de l'homme, mais le contraire est également vrai : personne ne peut prouver que ces effets pervers n'existent pas. Les travaux sur les effets des aliments transgéniques (à partir de plantes OGM) sont très peu nombreux, et ceux qui ont été entrepris ont été interrompus. De plus, il est nécessaire de faire des études à long terme, s'étendant sur plusieurs années (comme "la vache folle" nous l'a montré !). Une bonne raison de se méfier des OGM ! Voici à ce sujet le point de vue de Arpad Janos Pustai, biochimiste de la nutrition, spécialisé dans les interactions des composants alimentaires avec le système digestif, reconnu et estimé par ses pairs. Il a fait une expérience avec des rats nourris de tomates OGM. 7 rats sur 40 sont morts. Depuis 1998, il affirme : " Je trouve très, très déloyal d'utiliser nos concitoyens comme cobayes. Si vous me donnez le choix, je ne mangerai pas d'OGM"
III - A nouveau, qu'est-ce qu'un OGM ?
A la lumière de ce que nous venons de voir, reprenons notre question initiale pour différents acteurs :
- Pour un paysan burkinabè averti :
Cultiver des OGM, c'est accentuer sa dépendance, pour un bénéfice très incertain ! Les paysans qui ont l'habitude de sélectionner leurs propres semences, ne pourront plus le faire. Les paysans sont obligés, par contrat de verser des droits "technologiques" et s'engagent à ne pas conserver ou semer les semences obtenues lors de la récolte, et à n'utiliser que les pesticides fournis avec les semences OGM, et à permettre l'accès de la société (semencière) à leur propriété pour vérifier qu'ils tiennent leurs engagements. C'est prendre le risque de fatiguer davantage ses terres, de contaminer toute la brousse… pour un avantage qui risque de ne durer que 3 ou 4 ans. C'est le risque de s'endetter : les semences OGM sont nettement plus chères… Les plantes transgéniques plus exigeantes … Que fera le paysan burkinabè quand les pluies ne seront pas au rendez-vous ? - Pour la Sofitex et la SN Citec :
Pour la Sofitex, OGM veut dire Coton génétique Bt. Un coton-insecticide ! Au niveau des bénéfices potentiels du coton transgéniques, les études et observations divergent de façon importante. Certaines font état de bénéfices importants, d'autres signalent des pertes financières par hectare de culture de coton transgénique (principalement à cause du coût d'achat des semences. Y. Ismaêl qui fait état de résultats très favorables au coton transgénique en Afrique du Sud, conclut cependant son analyse en expliquant que "la période de deux ans est courte, aucune conclusion définitive ne peut être dressée quant aux dynamiques de la région. Quelques paysans peuvent décider de retourner aux variétés de coton non transgénique et ce au vu d'une éventuelle augmentation du prix des semences. (…) Finalement, plusieurs années de données sont nécessaires avant qu'un jugement final des bénéfices liés au coton Bt par les petits exploitants puisse être effectif".
Autre point à prendre en considération. Je n'ai trouvé aucune étude sur les conséquences sur la santé de la consommation d'huile de coton Bt. Aux Etats-Unis les graines sont utilisées pour l'alimentation des animaux. Personnellement, si un jour on introduit le coton Bt au Burkina Faso, je sais que je ne consommerai plus d'huile de la SN Citec ! Et je ne serai probablement pas le seul ! - Pour un producteur de coton :
En plus de ce qui a été dit sur l'intérêt des OGM pour un paysan burkinabè, nous pouvons ajouter qu'actuellement, les cours du coton sont très bas. Ce n'est sans doute pas le moment de se lancer dans la culture du Coton OGM. Pas avant que les Etats-Unis aient supprimé les subventions à leurs propres producteurs de coton. L'exemple des agriculteurs indiens est à méditer. En 2002, ceux-ci ont dû faire face à une crise financière pour avoir investi 5 fois plus d'argent dans l'achat de semences de coton Bt (4 500 roupies par hectare au lieu de 950 roupies pour des semences traditionnelles), qui se sont révélées être sensibles aux insectes auxquels elles étaient théoriquement résistantes ! - Pour un paysan traditionnel ou un paysan "bio" :
Pour lui, les OGM sont avant tout une menace. Les OGM risquent en effet de contaminer ses propres cultures, et de déséquilibrer l'environnement. Les produits "bio" risquent de ne plus être reconnus comme tels. - Pour le président Bush :
Les OGM sont pour M. George W. Bush ses meilleures armes. Grâce aux OGM, il compte bien étendre sa domination sur le monde (avec l'appui des Monsanto, Aventis, Syngenta…qui produisent les OGM). Pour cela il n'a pas peur de pratiquer le chantage. C'est ainsi que l'administration américaine a fait pression sur les pays bénéficiaires de l'enveloppe de 10 milliards de dollars pour lutter contre le sida, liant toute aide à une acceptation des OGM.
M. Bush n'a pas peur non plus d'accuser les Européens d'être responsable de la famine dans le monde. En refusant les OGM, les Européens empêcheraient les pays en développement de les accepter. Mais si M. Bush est si sensible à la faim et à la pauvreté dans le monde, pourquoi a-t-il augmenté les subventions aux producteurs de coton américains quand les Africains lui ont demandé de les supprimer ! C'est que M. Bush a besoin des voix des producteurs de coton pour être réélu, comme il a besoin de l'appui financier des entreprises qui fabriquent les OGM pour sa prochaine campagne électorale ! - Pour un député ou un responsable politique burkinabè :
Pour tout homme responsable, pour tout député ou responsable politique, la question des OGM est une question sérieuse. Personne ne devrait prendre de décision à la légère. Surtout une décision irréversible. Il est plus facile d'ajouter du sel dans une sauce jugée trop fade que d'en retirer quand celle-ci est trop salée.
IV - Que conclure ? Il est urgent d'attendre. Maurice Oudet, Bruxelles le 9 juillet 2003
Demandons un moratoire sur les OGM d'au moins 5 ans.