La Pomme du Sahel
La population burkinabè tire directement de la nature l'essentiel des ressources dont elle a besoin pour vivre : produits alimentaires pour l'Homme et l'animal, bois de chauffe, produits de la médecine traditionnelle et de la pharmacopée, etc.
Malheureusement, par la faute de cette même population, cette nature si généreuse se dégrade chaque jour faisant ainsi place au désert. Cependant, force est de reconnaître que dans ce contexte de dégradation, les arbres fruitiers sont épargnés. C'est le cas notamment du karité, du baobab, du néré et surtout du jujubier qui a fait l'objet d'un programme de domestication (dont la Burkina peut se vanter d'avoir épousé le schéma complexe) par le Centre international de recherche agroforestière (ICRAF). Ce programme s'intègre dans le souci de procurer aux populations de la zone sahélienne du SALWA (semi arid low lands of western africa) une alimentation équilibrée, c'est-à-dire riche en vitamines et en sels minéraux essentiels, d'améliorer le pouvoir d'achat de la ménagère, d'assurer une diversification des sources de revenus des plantations et surtout de préserver l'espèce.
Qu'est-ce que le jujubier ?
De son nom scientifique, zizyphus mauritiana Lam., le jujubier est connu au Burkina Faso sous les appellations Mugunuga en Mooré, Tomono en Dioula, Njaabi en Fulfuldé. C'est un arbuste épineux et sarmenteux à usages multiples particulièrement apprécié pour son fruit, son fourrage et son bois.
Le fruit constitue l'intérêt principal du jujubier. Il est consommé frais ou séché. Sec, le fruit peut être transformé en farine pour diverses utilisations alimentaires : pâte, gâteau, boissons, bouillie.
Les feuilles sont utilisées pour l'alimentation humaine et animale.
Le bois, résistant aux termites, est utilisé pour la fabrication de manches d'outils, de jougs de bœufs. C'est aussi un bon bois de chauffe et du bon charbon de bois.
La racine, l'écorce et les feuilles sont utilisées dans diverses préparations médicinales : hémorroïde, diarrhée, vomissement, maux de ventre, plaie…
En plus des fruits, le jujubier fournit du fourrage de qualité et entre dans la mise en place de haies vices de protection des cultures, efficace et non compétitive. En effet, l'analyse bromatologique des feuilles de zizyphus mauritiana dans le nord du Burkina Faso, montre une valeur fourragère élevée, particulièrement intéressante en saison sèche.
Pendant la saison sèche, la commercialisation des fruits de zizyphus mauritiana mobilise les populations et particulièrement les femmes, aussi bien dans les zones rurales qu'urbaines.
Variétés améliorées
Le jujubier est une des espèces en régression dans notre pays à cause de son intérêt multiple. Dans un souci de renversement de cette tendance et de domestication de la plante, des variétés indiennes ont été introduites au Burkina Faso. Les chercheurs du Département Productions Forestières de l'INERA ont réalisé depuis 2001 des greffes sur la variété locale avec des cultivars indiens. Le résultat de ces travaux a donné d'autres espèces de jujubier aux fruits plus gros et à la pulpe plus charnue (l'épaisseur de la pulpe est 10 fois supérieure à celle du fruit local). Présentant des similitudes de goût et de forme avec la pomme (seulement 2 fois moins gros), la << pomme du sahel >> a une meilleure saveur que celle de la variété locale. Sa pulpe est riche en éléments minéraux, en vitamine A et particulièrement en vitamine C. La matière minérale comporte une teneur relativement élevée en fer et en calcium. De ce fait, elle constitue un élément non négligeable dans l'alimentation des populations dans les zones arides et semi-arides dont l'alimentation est essentiellement basée sur les céréales pauvres en vitamines et en sels minéraux.
Ces nouvelles variétés de jujubier (Gola, Umran et Seb) peuvent être plantées dans les concessions comme des plantes ornementales.
La variété Seb qui a le port le plus érigé peut atteindre 10 m de haut avec une forte production qui peut atteindre 35 kg à plus de 100 kg. Le poids d'un fruit peut atteindre 25 g. Ses fruits sont les plus sucrés.
La variété Umran donne les fruits les plus gros (33 à 50 g) avec un rendement de 190 kg.
La variété Gola a un port étalé, parfois rampant et son rendement peut atteindre 100 kg à l'état adulte. Cette variété commence à produire très tôt.
Selon le Dr Jean Sibiri Ouédraogo, chef de Département Productions Forestières de l'INERA, " ces variétés introduites présentent une grande capacité nutritive, écologique et monétaire. Du point de vue nutritif, ces variétés ont environ 17 fois la teneur en vitamine C de la pomme vendue sur la place du marché. Sur le plan monétaire, 1 kg de fruits selon les enquêtes menées au Mali coûterait 1 000 F CFA. Du point de vue écologique, il n'y a aucun inconvénient : comme elles sont supportées par la variété locale qui est le porte-greffe, il a toute l'adaptation, tous les avantages liés à l'enracinement, qui permettent de l'associer aux cultures et dans n'importe quel système de production ".
Ces trois espèces du jujubier amélioré pourrait être une aubaine pour nos maraîchers qui pourront sans difficultés s'investir dans la plantation de ces fruitiers, car, non seulement ils n'exigent pas un entretien contant (30 litres d'eau par semaine sont suffisants pour la croissance d'un pied), mais ils ont une production fruitière très précoce et importante. Selon des travaux effectués au Mali, au bout de deux ans, dix pieds de jujubier amélioré peuvent procurer près de 28 000 F CFA par an.
Ces caractéristiques les prédisposent bien à une arboriculture intensive surtout dans le périurbain où la disponibilité en eau est plus grande.