Quand la solidarité internationale renforce la solidarité locale !
Le jeudi 24 avril 2014, nous étions nombreux à nous retrouver au quartier peul de Sisséné du village de Doulou de la commune de Koudougou. Il y avait une représentante de la mairie de Koudougou, le Directeur Provincial des Ressources Animales de la province du Boulkiemdé, de nombreux agriculteurs et les éleveurs peuls de Sisséné. Nous étions là pour inaugurer un forage. Ce forage est le fruit d'une collaboration entre de nombreux acteurs du Nord et du Sud.
Au Sud, au Burkina Faso, il s'agit des éleveurs peuls de Sisséné et de la Laiterie du Boulkiemdé, du SEDELAN (qui collaborent entre eux depuis bientôt 10 ans), auxquels se sont ajoutés la Mairie de Koudougou (qui coordonne la gestion des forages sur tout son territoire) et le Ministère des Ressources Animales.
Au nord, il s'agit de l'Association pour la Formation technique au Burkina Faso (AFT Burkina) qui soutient le SEDELAN dans son action d'alphabétisation et de formation, et le syndicat Vendée-Eau (qui gère la distribution de l'eau potable en Vendée ; selon une loi française 0,1 % de ses recettes peut-être reversé à des actions de développement international. Vendée-eau finance des forages et pompes pour l'eau potable particulièrement au Burkina et au Togo).
Il y a un peu plus d'un an, à l'occasion de la journée mondiale de l'eau et de l'inauguration d'une passerelle, j'écrivais « Il manquait le forage pour que la fête soit complète ! » Cette année, le forage et l'eau étaient au rendez-vous. Il ne manquait rien. Les agriculteurs et les éleveurs communiaient à la même joie : « de l'eau pour tous ! » C'est la représentante du Maire qui la première a actionné la pompe « Volenta ». Quelques tours de volant ont suffit pour qu’une belle eau claire jaillisse. Tous ceux qui l'ont voulu ont pu goûter et apprécier la qualité de l'eau... puis quelques éleveurs ont continué à pomper pour que leurs animaux également puissent participer à la fête.
L'an passé, par manque d'eau, les animaux sont partis en transhumance le jour de l'inauguration de la passerelle. Cette année, non seulement il y avait de l'eau pour tous, mais également du lait pour tous (signe que les vaches laitières et leurs veaux n'étaient pas loin!).
Mais ce qui a marqué les esprits de ceux qui étaient là, c'est le mot de bienvenue du représentant des agriculteurs, auxquels appartient la terre du village. Il a souligné que leurs amis peuls étaient là depuis 60 ans. Que durant ces 60 ans, ils ont vécu dans la paix et le respect mutuel. Mais que depuis quelques mois, ils ont compris qu'ils ont besoin les uns des autres. Ils ont compris que c'est parce qu'ils sont unis qu'ils ont obtenu de l'aide. D'abord pour la construction d'une passerelle qui sert aux deux communautés, et qui les rapproche les uns des autres. Et cette année pour ce forage qui est inauguré en ce jour, alors que depuis quelques jours ils n'avaient plus d'eau.
Ils ont compris également que les éleveurs peuls avaient besoin de terre, de fourrage, mais aussi que le fumier des animaux pourrait les aider à améliorer les rendements de leurs cultures. Oui, ils ont besoin les uns des autres. Et pour renforcer l'union et la solidarité qui existent déjà, ils nous annonçaient qu'ils avaient fait don de 12 hectares à leurs amis éleveurs. Cette annonce a été saluée par des applaudissements bien nourris, et la mairie s'est proposée pour assurer le bornage et les documents administratifs.
Il faut noter aussi la joie des femmes de la laiterie de Koudougou « Le lait du Bulkièmdé ». Elles son très heureuses, parce que déjà les éleveurs de Sisséné continuent de leur fournir 30 litres de lait par jour (alors qu'en 2013, le lait a manqué dès le début du mois de février). Mais aussi parce que ces mêmes éleveurs ont commencé à faire du fourrage (notamment le chef du quartier) et qu'ils ont compris que c'est grâce à ce fourrage que leurs vaches continuent de leur donner du lait. Ils sont prêts à faire beaucoup plus de fourrage dès cette année. Ils pensent être capables de fournir 100 litres de lait par jour, toute l'année dès 2016 !
Oui, un avenir est possible pour les peuls du Burkina. Non, les conflits entre éleveurs et agriculteurs qui dégénèrent ne sont pas une fatalité. Oui, la solidarité internationale peut renforcer les solidarités locales.
Notre ambition ne s'arrête pas là. Nous voulons poursuivre notre partenariat avec les éleveurs peuls de Sisséné. Peu de gens ont confiance dans les éleveurs peuls pour développer un élevage familial moderne respectueux de l'environnement. Nous voulons montrer que cela est possible. Nous pensons que la communauté peule de Sisséné est prête pour cela, pourvu que l'on continue de les accompagner encore quelques années. Elle est prête, en lien avec ses voisins agriculteurs, à améliorer de façon considérable (il s'agit d'un saut qualitatif) l'alimentation de leurs animaux. Nous voulons les aider à se tourner résolument vers la production laitière en améliorant les performances laitières de leurs troupeaux. Il s'agit, entre autres, de passer progressivement d'un troupeau composé de zébus peuls vers un troupeau de zébus goudalis : lire la lettre « 369) Goudali : le bon choix ! » On trouve déjà quelques goudalis au Burkina, mais elles sont souvent très métissées. Avec l'Union Nationale des Mini Laiteries nous avons maintenant une certaine expérience pour aller chercher de bonnes laitières au Nigeria du côté de Sokoto.
Nous ne voulons pas offrir « cadeau » des goudalis aux éleveurs de Sisséné, mais nous aimerions avoir un fond de roulement (d'environ 4 millions de FCFA = 6 000 €) pour nous rendre à Sokoto et revenir avec au moins 2 taureaux goudalis et quelques génisses goudalis. Ces goudalis seront offertes en prêt aux éleveurs qui « rembourseront » en espèces ou en restituant des veaux de races pures. Petit à petit, nous pensons pouvoir ainsi améliorer les performances laitières des troupeaux des éleveurs peuls en lien avec l’Union Nationale des Mini Laiteries, en commençant par ceux de Sisséné.
Ceux qui souhaiteraient participer à cette « opération goudalis » en nous aidant financièrement sont invités à faire un virement directement sur le compte du SEDELAN à Koudougou : Compte Bancaire UBA du SEDELAN
Ceux qui souhaitent faire un « don avec reçu fiscal » sont invités à me contacter. Je leur indiquerai la procédure.
A tous, d'avance, nous exprimons notre profonde reconnaissance.
A Koudougou, le 27 avril 2014
Maurice Oudet
Président du SEDELAN